L'Europe mise sur le microcrédit

Bruxelles a mis en place un fonds de soutien aux institutions de microfinance qui pourrait permettre d'accorder jusqu'à 500 millions d'euros de microcrédits de 2011 à 2020.
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Ironie de l'histoire, c'est au moment où le microcrédit connaît, au Sud, sa plus grave crise de croissance, que Bruxelles se mobilise pour favoriser son développement dans les 27 pays de l'Union européenne. Opérationnel depuis la fin 2010 et doté de 200 millions d'euros (à parts égales entre la Commission et la BEI), le fonds « Progress » permet de garantir les portefeuilles de crédit des institutions de microfinance (IMF) ou de les financer (crédits, prises de participation). De quoi accorder jusqu'à 500 millions d'euros de microcrédits ou 46.000 prêts supplémentaires d'ici à 2020, espère la Commission.

Par ailleurs, plusieurs pays ont adapté leur cadre réglementaire afin de développer le microcrédit. En France, une disposition de la loi Lagarde de 2010 sur la réforme du crédit à la consommation autorise les associations de microcrédit à collecter des fonds auprès des particuliers. Depuis 2001, un aménagement de la loi bancaire leur permettait déjà de prêter des fonds empruntés auprès des banques. Lesquelles, soucieuses de redorer leur image auprès du grand public, semblent vouloir s'y mettre aussi. En octobre dernier, elles faisaient ainsi état d'une progression du nombre de microcrédits personnels (en tout, seulement 4.000) de 56 % au premier semestre 2010.

Encore confidentiel au Nord, le microcrédit paye le prix de son développement ultra-rapide dans le Sud et en particulier en Inde. Après le malaise suscité par l'introduction en Bourse de SKS, puis le scandale des suicides de paysans surendettés en Andhra Pradesh (Inde), le secteur sera obligé de répondre à plusieurs questions. La microfinance est-elle compatible avec une logique lucrative ? Si non, comment assurer la pérennité des IMF ?

Le prix Nobel de la paix, Mohammad Yunus, estimait récemment dans la presse qu'il fallait « mettre de l'ordre » dans le secteur, par exemple en imposant un code de bonne conduite aux IMF. Pour lui, « il faut aussi mettre en place une limite sur les taux d'intérêt pratiqués. Le bon niveau serait d'ajouter 10 % au coût de la ressource, afin de couvrir les frais de fonctionnement, ce qui représente des taux autour de 20 %. À ce niveau, tout le monde est gagnant », déclarait alors le fondateur de la Grameen Bank. Reste à savoir si les institutions de microfinance l'entendent de cette oreille.

Un segment de marché dédié va voir le jour à Paris

En 2011, la microfinance pourrait connaître un nouvel essor avec la création, à Paris, d'un segment de marché dédié. Microfis, plate-forme à destination des investisseurs institutionnels en microfinance internationale, et Nyse-Euronext, sont à l'origine de ce projet. Il était initialement prévu d'ici à la fin de l'année, mais il faudra attendre encore un peu, le temps pour Microfis de boucler son tour de table. Les établissements financiers de la place, principalement les banques et les compagnies d'assurance, avaient jusqu'au 31 décembre pour décider s'ils prenaient une participation ou pas. Une chose est sûre, Natixis Asset Management, filiale de Natixis, n'y sera pas puisqu'elle a choisi de développer une offre propriétaire en prenant 25 % de PlaNIS (entité de conseil de Planet Finance).

Concrètement, Microfis constituera un marché organisé sur lequel seront cotées et négociées des obligations ayant comme sous-jacent des créances sur des entités solidaires ou des institutions de microfinance internationales. Les lignes de crédit accordées seront transformées en obligations de droit français de 50.000 euros logées dans un FCT (fonds commun de titrisation), l'objectif étant de développer l'offre de produits en gestion d'actifs en France.

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