Pyongyang met les bouchées doubles pour séduire Pékin

La Corée du Nord veut créer deux zones économiques spéciales à destination des entreprises chinoises.
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Etranglée par les sanctions internationales, mise au ban des nations pour ses activités nucléaires et ses agressions militaires, la Corée du Nord, à court de précieuses devises étrangères, mise sur les investisseurs étrangers, et notamment chinois. Conséquence de l'aggravation des tensions avec la Corée du Sud, qui a mis fin à de nombreux projets intercoréens, sa dépendance économique à l'égard de la Chine n'a jamais été aussi marquée. Selon l'institut sud-coréen Kotra, 57 % du commerce extérieur nord-coréen en 2010 (6,1 milliards de dollars) provient des échanges avec le grand frère chinois. Ce dernier exploite déjà les riches ressources naturelles du sous-sol du Nord.

Fait sans précédent, le « Grand leader » Kim Jong-il revient de trois visites en Chine en moins d'un an. S'il cherchait l'adoubement de Pékin concernant son fils et héritier Kim Jong-eun, son objectif était surtout économique : Pyongyang veut attirer les entreprises chinoises dans ses deux projets de zones économiques spéciales. L'une se trouve à proximité de la ville chinoise de Dandong, près de la mer Jaune, l'autre est le port de Rason qui offre un accès stratégique à la mer du Japon.

Le régime a déjà mis en place un ensemble de lois encadrant l'investissement. « Cette structure légale est fortement inspirée de l'expérience chinoise », explique un rapport de l'ONG Choson Exchange. Mais la mise en oeuvre pratique inquiète. Choson Exchange s'interroge : « Des ambiguités demeurent. Ces lois seront-elles appliquées de façon uniforme et cohérente ? » Le régime communiste nord-coréen est en effet réticent à toute ouverture économique significative, notamment de ses marchés intérieurs.

Les témoins privilégiés de ces fortes incertitudes sont les entreprises chinoises qui font des affaires au Nord, et dont la présence est facilitée par des accords passés entre Pékin et Pyongyang. « Il y a de grands risques parce c'est un pays où la politique domine tout », explique ainsi M. Wu, un homme d'affaire chinois qui travaille à Pyongyang depuis plus de dix ans. « Il y a des problèmes de confiance, de virements bancaires ou de télécommunications. Et pour le moment, on ne sent aucune amélioration. »

Dans une enquête sur 250 entreprises chinoises implantée au Nord, les universitaires américains Stephan Haggard et Marcus Noland révèlent que si près de 90 % d'entre elles affichent des bénéfices, la plupart sont des PME qui privilégient l'exportation. « Les entreprises plus grandes sont confrontées à la prédation de l'État. Quand une opération atteint une certaine dimension, les officiels nord-coréens commencent à vouloir en profiter », expliquent-ils. Selon les témoignages recueillis, corruption et dessous de table sont courants.

Nombreux risques

Pour réduire les risques, beaucoup d'entreprises chinoises préfèrent donc se limiter à de simples opérations d'import-export. Les transactions sont menées en yuans chinois, en dollars ou par troc, mais jamais en wons, la monnaie nord-coréenne. Pour Haggard et Noland, « une réputation ne s'établit pas en votant des lois ou en créant des institutions, mais à travers les échanges réitérés entre l'État et les agents économiques au cours du temps. À ce jour, la volatilité des politiques nord-coréennes a empêché l'émergence d'une telle dynamique positive ». Pyongyang va devoir s'armer de patience. F. O.

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