Amélia Matar apprend à coder aux enfants sans écran

Inspirée de la pédagogie Montessori, la méthode développée par Amélia Matar vise à préparer dès le plus jeune âge à la nouvelle économie du numérique – tout en étant déconnecté, afin de mieux en maîtriser les usages à l’avenir. (Cet article est issu de T La Revue n°15 – « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement ? »)
(Crédits : DR)

C'est une mission humanitaire au Mexique, lors d'un séjour lié à son école de commerce, qui a provoqué le déclic chez Amélia Matar. « J'ai vraiment pris conscience du levier que représente l'éducation des jeunes enfants pour leur avenir mais aussi pour celui de la société tout entière », explique-t-elle. Puis, elle a elle-même eu un enfant, et sa conviction n'a fait que se renforcer. La nouvelle économie étant celle du savoir et de l'apprentissage permanent, notamment via le numérique, pourquoi ne pas développer une méthode pour apprendre, entre autres, aux tout jeunes enfants, ceux de trois à six ans, à coder ? Après tout, c'est cet accès premier qui pourrait déterminer leurs chances à venir de s'épanouir dans un monde du travail largement technologique et numérique. Elle s'appuie sur diverses études, dont celle de Kimberly Smith, alors étudiante au Media Lab du Massachusetts Institute of Technology, qui vise à élaborer des outils tactiles et fun pour des cours d'informatique à destination de tout jeunes enfants, fondés entre autres sur les méthodes pédagogiques utilisées dans les écoles Montessori. « Je ne me suis pas enfermée dans la pédagogie Montessori, très stricte et codifiée, précise d'entrée de jeu Amélia Matar. Je me suis surtout inspirée de la vision de Maria Montessori concernant les besoins de l'enfant. » La jeune femme s'est aussi appuyée sur les livres pour enfants de la Finlandaise Linda Liukas, dont Hello Ruby, qui décrit le monde magique des ordinateurs. D'ailleurs, cette auteure à succès a également fondé un mouvement mondial pour enseigner la programmation informatique aux jeunes filles. Une rencontre avec elle semble avoir provoqué le second déclic. Voici Amélia Matar embarquée dans l'aventure, avec le lancement, en 2018, de la start-up qui porte la méthode COLORI, après de premiers ateliers expérimentaux en 2017. Et elle fait mouche. De la ville de Montreuil à l'École Alsacienne, les établissements scolaires lui font rapidement confiance pour donner à des enfants de trois à six ans les clés de leur avenir informatique, sur le temps scolaire ou périscolaire. Aujourd'hui, la méthode, à base d'objets en bois, de gommettes, de jetons, de livres de découpage, de collage et de coloriage, est enseignée à travers toute la France, dans une soixantaine de villes, ce qui représente environ 130 établissements. Et ce sont plus de 10 000 enfants qui ont déjà été formés. Au printemps 2022, une levée de fonds d'un million d'euros, notamment auprès de la Banque des Territoires, de Business Angels et MAIF Impact, sans oublier Aurélie Jean, spécialiste de l'intelligence artificielle et des algorithmes, va permettre un maillage plus serré du territoire. L'expansion prend déjà forme avec des contacts positifs, de Douai à Saint-Raphaël en passant par Strasbourg.

Développer le discernement tech

Certes, COLORI s'appuie sur la philosophie Montessori, visant à aider l'enfant à se construire, à être autonome et à avoir plus confiance en lui, mais pourquoi le faire sans écran alors que dès la petite enfance, les bambins baignent déjà dans l'informatique ? « Précisément parce qu'ils sont déjà exposés aux écrans ! », répond Amélia Matar. En effet, selon une étude de novembre 2022 de l'Insee, plus d'un quart (27 %) des enfants âgés de deux ans sont exposés, hors télévision, aux écrans numériques : ordinateurs et tablettes, et y passent en moyenne 20 minutes par jour...  « Face à ce foisonnement de tech dès l'enfance, il est important que les tout-petits aient des repères et soient capables de développer une forme de discernement leur permettant de savoir quelles applications sont bonnes et utiles pour eux, et les autres. En leur offrant une bulle de déconnexion, nous participons à un meilleur usage du numérique », poursuit la startupeuse. En outre, il s'agit, avec du coloriage ou du découpage, de participer au développement cognitif de l'enfant et d'accroître sa plasticité cérébrale. Dans le cadre de 60 activités proposées, les enfants se familiarisent, en trois modules, avec les algorithmes, la programmation et la culture numérique responsable, cette dernière activité s'effectuant avec le concours de Green IT, la communauté des acteurs de la tech responsable. Et, bien sûr, tout passe, puisque ce sont des enfants, par une histoire, une aventure. Ce qui n'empêche pas non plus, dans certaines activités, de « s'affranchir du conte », précise la dirigeante de COLORI. Au cours d'ateliers, les enfants peuvent se concentrer sur une seule activité ou, au contraire, passer de l'une à l'autre, en fonction de leur capacité à se concentrer ou de leur propension à papillonner. « Nous proposons des ateliers d'une heure par semaine, ce qui revient à 32 heures par an dans certaines écoles comme l'École Alsacienne », ajoute-t-elle. De quoi donner de bonnes bases.

Et les enfants en redemandent ! « Nous n'avons pas encore effectué de mesures d'impact cognitif, enchaîne Amélia Matar - à cet égard, elle espère que des chercheurs s'empareront bientôt de cette thématique et elle les invite à le faire -, mais nos observations empiriques nous donnent à penser que les enfants sont satisfaits - et même frustrés à la fin de l'atelier qu'ils voudraient voir se poursuivre, et en tout cas, joyeux. » Quant aux parents ou aux enseignants, ils notent que les enfants développent des compétences utiles dans l'apprentissage des mathématiques, et que les filles comme les garçons participent avec le même enthousiasme... Ce qui donne à COLORI une autre dimension. Celle, dans les écoles de Bondy ou de Vichy, de contribuer à l'inclusion sociale, et de manière générale, de participer à l'égalité de genre dans l'emploi à venir. Autant dire que c'est à une nouvelle génération de leaders et de citoyens bien formés et bien informés que contribue COLORI.

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T15

Commentaires 2
à écrit le 17/07/2023 à 8:26
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Bonjour, l'education des jeune enfants.... Ils est claire que m'education dois ce faire tout au long de l'enfance... Le comportement individuels ( savoir partager), attitude ( vie ensemble), respect (politesse), discipline ( comprendre un consigne...

à écrit le 17/07/2023 à 7:34
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« J'ai vraiment pris conscience du levier que représente l'éducation des jeunes enfants pour leur avenir mais aussi pour celui de la société tout entière » Vous devriez plutôt venir l'enseigner à nos dirigeants politiques parce que eux ça fait belle ...

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