
Le gouvernement veut absolument tourner la page du « quoi qu'il en coûte ». Après la pandémie et la guerre en Ukraine, l'objectif est « de maîtriser la dépense pour investir dans l'avenir », ont martelé les ministres de l'Économie Bruno Le Maire et celui des Comptes publics, Thomas Cazenave lors de la présentation du projet de loi de finances 2024 (PLF 2024) ce mercredi 27 septembre. « Trois défis sont à relever : répondre à la crise de l'inflation la plus grave depuis les années 70, désendetter le pays et réduire le déficit, dégager des marges de manœuvre pour financer la transition écologique », a énuméré Bruno Le Maire devant un parterre de journalistes.
Pour parvenir à relever tous ces objectifs, Bercy table sur une croissance économique de 1,4% pour 2024 alors que le consensus des économistes projette une hausse du PIB de 0,8%. Dans l'entourage du ministre on préfère rester « optimistes ». « Nous sommes confiants sur ce chiffre de 1,4%. Sur l'année 2024, nous comptons sur une hausse de la consommation grâce à la baisse de l'inflation ». S'agissant de l'inflation, le Trésor prévoit une hausse de l'indice des prix à la consommation de 2,5% en 2024 contre 4,8% en 2023.
Mais ces projections sont jugées « optimistes » par le haut conseil des finances publiques (HCFP). Dans un récent avis, l'institution rattachée à la Cour des comptes a taclé « les hypothèses favorables » de l'exécutif. Résultat, le pari de faire baisser le déficit de 4,9% à 4,4% entre 2023 et 2024 pourrait se révéler bien périlleux. Sur la dette, l'exécutif prévoit une stabilité sur la même période à 109,7% du PIB. Scrutée par les agences de notation, la charge de la dette pourrait s'élever à 52,2 milliards d'euros en 2024 contre 51,7 milliards d'euros. Le gouvernement espère une stabilisation des intérêts payés sur la dette malgré la persistance des taux élevés.
Des dépenses de l'Etat en baisse mais des économies « peu documentées»
Pour stabiliser la dette rapportée au PIB, l'exécutif mise sur une baisse de 5 milliards d'euros de dépenses de l'Etat entre la loi de finances initiale de 2023 (LFI 2023) et le PLF 2024 pour passer de 496,1 milliards d'euros dépensés en 2023 à 490,9 milliards en 2024. « Il s'agit d'un effort notable en cette période d'inflation», a commenté Bruno Le Maire. Compte tenu des incertitudes économiques mondiales, cette enveloppe pourrait gonfler. Pour limiter l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat des ménages, le locataire de Bercy a confirmé le maintien de l'indexation des prestations sociales, des pensions de retraites sur l'inflation. Mais aussi de l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu.
Pressé par la flambée récente des prix du pétrole, l'exécutif a dégainé récemment une aide de 100 euros par véhicule pour les travailleurs coûtant 430 millions d'euros l'an prochain. Mais ce coup de pouce pourrait s'avérer insuffisant au regard du contexte international tendu. Sur la politique économique, l'exécutif entend bien garder le cap de sa politique de l'offre basée sur les baisses d'impôt.
Pour réduire la voilure des dépenses, l'exécutif a confirmé les 16 milliards d'euros d'économies prévues pour l'année prochaine. Sur ce total, une grande partie provient de la fin du bouclier tarifaire (10 milliards d'euros), du recentrage des aides aux entreprises (4,4 milliards d'euros), de la politique de l'emploi (1 milliard d'euros) et de l'assurance chômage (700 millions d'euros). Après avoir ouvert en grand les vannes des aides à l'apprentissage, le gouvernement veut resserrer la vis. Sur les pistes d'économies, le président du Haut conseil des finances publiques (HCFP) Pierre Moscovici a pointé «des économies peu documentées ».
Les recettes de l'Etat bondissent
Sur le front des recettes, elles devraient bondir d'environ 13 milliards d'euros entre la LFI de 2023 et le PLF 2024 pour passer de 359,1 milliards d'euros à 372,1 milliards d'euros. Dans le détail, la principale hausse concerne l'impôt sur les sociétés (IS) avec 17 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport aux précédentes projections. Cette envolée repose « sur des anticipations de bons résultats d'entreprises qui devraient porter à la hausse les recettes de l'IS », assure l'entourage de Bruno Le Maire. « La bonne santé des entreprises est une des conséquences de la politique de l'offre du gouvernement », poursuit-il. Malgré le coup de frein de la croissance en 2023, certains secteurs comme l'énergie ou le transport ont affiché des résultats mirobolants et des taux de marge élevés au cours du premier semestre.
Du côté des ménages, le ministère de l'Économie table également sur des recettes fiscales plus importantes que prévu de l'ordre de 6,8 milliards d'euros grâce à l'impôt sur le revenu. Enfin sur la TVA, il y a un surcroît de 6 milliards d'euros passant de 94,7 milliards d'euros à 100,4 milliards d'euros. L'exécutif pourra également compter sur la nouvelle taxe sur les aéroports et les autoroutes qui pourrait rapporter 600 millions d'euros par an. En revanche, les ministres de Bercy ont balayé d'un revers de main la proposition choc de deux députés, dont le patron des élus MoDem Jean-Paul Mattei, de mettre en place un impôt sur la fortune européen.
Un budget vert en hausse de 7 milliards d'euros mais des mesures recyclées
Au lendemain de la présentation du cap de la planification écologique par Emmanuel Macron, les ministres de Bercy ont fortement insisté sur l'enveloppe des 7 milliards d'euros supplémentaires consacrés à la transition écologique et 3 milliards d'euros supplémentaires pour les années à venir. Au total, le budget vert de l'Etat devrait avoisiner les 40 milliards d'euros. Parmi les grands postes figurent la rénovation des bâtiments (2,1 milliards d'euros), les ressources naturelles (2,3 milliards d'euros) ou encore les mobilités (1,6 milliard d'euros).
Mais contrairement à ce que pourraient laisser penser ces annonces, il ne s'agit pas forcément de dépenses nouvelles. Sur le volet compétitivité verte par exemple, 1,5 milliard d'euros sont issus du plan d'investissements France 2030 doté d'une enveloppe globale de 54 milliards d'euros. A cela s'ajoutent certaines niches fiscales intégrées dans cette enveloppe comme le crédit d'impôt recherche (CIR) qui peut servir à financer des investissements dans l'énergie fossile.
Le gouvernement appuie sur le frein des baisses d'impôt
Confronté à une montagne d'investissements, le gouvernement a décidé d'appuyer sur le frein des baisses d'impôt. Initialement annoncée pour 2024, la suppression de la CVAE sera étalée jusqu'en 2027 au grand dam des milieux patronaux.
S'agissant des ménages, il a bien confirmé la baisse d'impôt de deux milliards d'euros annoncé par l'ancien ministre des Comptes publics Gabriel Attal mais à partir de 2025. Dans leurs discours, les ministres ont insisté sur les classes moyennes. Mais cette promesse ne pourrait représenter qu'une faible baisse d'impôt au regard du grand nombre de ménages concernés.
Après le séisme de la réforme des retraites adoptée au 49-3, l'exécutif a de nouveau brandi cette arme constitutionnelle. Il y a « une forte probabilité qu'on passe au 49,3 » rapidement, reconnaissait mardi un ministre cité par l'AFP. Il faut « banaliser cet acte-là », relève-t-il, car Élisabeth Borne, en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée, sera amenée à dégainer une dizaine de 49,3 à l'automne sur les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale. De son côté, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun Pivet a déclaré faire « confiance au débat parlementaire ». « Considérer l'issue d'un débat avant qu'il ait commencé n'est pas mon fonctionnement » . Elle estime que « le budget a fait l'objet de concertation en amont (avec les dialogues de Bercy). La discussion doit permettre d'avancer et de ne pas être inutile ». De leur côté, les oppositions ne se font guère d'illusions sur l'utilisation du 49-3. Reste à savoir si les députés auront des marges de manœuvre sur les amendements proposés.Le spectre du 49-3 plane au dessus du budget