
La bataille contre le changement climatique va nécessiter une montagne d'investissements. Aux Etats-Unis, avec l'« Inflation Reduction Act » et en Chine, les autorités ont engagé des vastes plans de financement pour lutter contre le dérèglement climatique. En Europe, le Green Deal constitue la pierre angulaire de la transition pour les prochaines années. De son côté, la France vient de présenter sa feuille de route pour la planification écologique.
Le chef de l'Etat a confirmé les 7 milliards d'euros supplémentaires dédiés à la décarbonation de l'économie pour 2024 et les 3 milliards d'euros de financements pluriannuels pour les années suivantes. Il faut dire qu'il y a urgence. L'Hexagone doit multiplier par deux le rythme de réduction des émissions de CO2 chaque année pour tenir ses objectifs fixés par le plan « Fit for 55 », c'est-à-dire la baisse de 55% d'ici 2030 par rapport à 1990.
Dans ce contexte, le sujet du financement devient urgent. À la veille de la présentation du budget 2024, Jean-Paul Mattei, patron des députés MoDem et cadre du camp présidentiel à l'Assemblée, et Nicolas Sansu, député communiste dans l'opposition, ont dressé un catalogue de 27 propositions fiscales explosives dans un épais rapport dévoilé mercredi 27 septembre à la presse. « Ce rapport ne propose pas un "grand soir" fiscal », expliquent les auteurs. « C'est un point d'étape dans notre réflexion collective dans la définition d'un système fiscal qui garantit l'équité, tout en encourageant l'éclosion de tous les talents », ajoutent-ils. L'année dernière le député MoDem avait proposé un amendement sur les superprofits dans le cadre des débats parlementaires sur le budget. Mais il n'avait pas été retenu dans le texte adopté à coup de 49-3.
Un impôt sur la fortune des plus riches en Europe
Parmi les options sur la table, la mise en place d'un prélèvement sur les plus riches en Europe risque de susciter de vifs débats. Au printemps déjà, l'économiste Jean Pisani- Ferry et l'inspectrice des Finances Selma Mafhouz avaient formulé cette proposition explosive dans leur rapport remis à la Première ministre Elisabeth Borne. Mais le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait exprimé son refus, fidèle à la ligne du gouvernement de ne pas augmenter les impôts.
Dans le détail, la proposition des deux rapporteurs consiste à instaurer une taxe temporaire et exceptionnelle sur le patrimoine de contribuables les plus riches et « dont le montant serait calibré ex ante en fonction du coût anticipé pour les finances publiques ». Il pourrait rapporter 150 milliards d'euros avec un taux de 5% étalé sur 30 ans sur les 10% les plus riches.
Les députés mettent en avant la hausse des inégalités patrimoniales en faisant référence aux travaux des économistes Gabriel Zucman et Thomas Piketty. Dans son dernier ouvrage publié en septembre, Une histoire du conflit politique, co-écrit avec l'économiste Julia Cagé, Thomas Piketty pointe du doigt la montée des écarts de patrimoine depuis les années 80 entre les 10% les plus riches et la classe moyenne.
Outre cet impôt sur la fortune sur le Vieux continent, les deux élus proposent « une réflexion sur un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches, afin de financer des aides aux pays les plus pauvres ». Ils préconisent enfin d'indexer le seuil d'assujettissement à l'impôt sur la fortune immobilière sur l'inflation, et de «plafonner l'abattement de 30% sur la résidence principale ».
Une hausse de la flat tax
À son arrivée au pouvoir en 2017, le président Macron avait lancé une baisse importante de la fiscalité du capital. Cette politique fiscale devait passer par la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et la mise en oeuvre d'un impôt sur la fortune immobilière (IFI) et d'un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30%. Cette « flat tax » se décompose en deux parties : un impôt sur le revenu à 12,8% et des prélèvements sociaux de 17,8%. Promoteur de « la théorie du ruissellement », Emmanuel Macron avait défendu la montée en puissance des investissements des entreprises pour faire passer ses réformes contestées. Mais le comité d'évaluation de ces réformes avait dressé un bilan très mitigé de leur impact sur l'économie. Sur le cas du PFU, le versement des dividendes a bondi sur un nombre de familles très concentré.
Dans leur épais rapport de 230 pages, les deux députés préconisent une hausse de trois points du prélèvement forfaitaire unique « pour accroître la contribution des revenus du capital au redressement des finances publiques ». À rebours de la promesse de l'exécutif de ne pas augmenter les impôts, ces propositions risquent d'enflammer les débats sur les bancs de l'Assemblée nationale et dans les rangs de la majorité présidentielle.