Budget 2024 : le gouvernement dévoile sa copie pour maintenir la croissance de l’économie

Par latribune.fr  |   |  1629  mots
Le gouvernement assure vouloir acter la fin du « quoi qu'il en coûte ». (Crédits : JOHANNA GERON)
L'exécutif présente les contours du projet de loi de finances ce mercredi en Conseil des ministres. Il prévoit notamment 16 milliards d'euros d'économies afin d'assainir les finances publiques.

[Article publié le mercredi 17 septembre à 09H19 et mis à jour à 15H18] Moins dépenser sans renoncer complètement à soutenir le pouvoir d'achat. Le gouvernement doit trouver un difficile équilibre dans son projet de budget pour 2024, le premier d'après-crises avec l'ambition d'assainir les finances publiques. Pour donner des gages de sérieux budgétaire, l'exécutif compte dégager 16 milliards d'euros d'économies dans le projet de loi de finances qu'il a détaillé ce mercredi 27 septembre en Conseil des ministres.

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Les débats s'annoncent toutefois électriques au Parlement. Privé de majorité absolue à l'Assemblée et probablement de soutiens dans l'opposition, le gouvernement pourrait se résoudre à une adoption sans vote en recourant, comme l'an dernier, à l'article 49-3 de la Constitution.

« Le désendettement et la maîtrise des finances publiques sont un choix politique qui est le marqueur de notre majorité », a affirmé Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse à Bercy.

Ils doivent être un « choix politique », a-t-il insisté, « encore plus quand les oppositions dites responsables et de gouvernement sont incapables de proposer la moindre économie supplémentaire, et ne font que proposer des dépenses supplémentaires à hauteur de dizaines de milliards d'euros, en particulier sur le carburant. » « Quand l'esprit de responsabilité manque aux oppositions, la majorité doit en faire preuve pour dix », a lancé Bruno Le Maire.

Des pistes d'économies

Le gouvernement assure vouloir acter la fin du « quoi qu'il en coûte ». Et pour cause, la dette a dépassé cet été les 3.000 milliards d'euros. Quant au déficit, il se révèle de facto largement en dehors des clous européens. Résultat, la France se range parmi les mauvais élèves de la zone euro.

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Ainsi, 10 des 16 milliards d'économies proviendront de l'extinction progressive, d'ici à la fin 2024, du bouclier tarifaire pour l'électricité permettant d'alléger les factures. S'y ajouteront notamment les réductions des aides aux entreprises (environ 4,5 milliards). D'autres pistes d'économies ont été avancées ou confirmées comme le report d'une partie de la baisse d'impôts de production (CVAE) pour les entreprises, la suppression de l'avantage fiscal pour le gazole non routier ou une taxation des concessionnaires autoroutiers.

Dans Le Parisien, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a aussi soutenu une réduction de 71% à 50% de l'abattement fiscal pour les locations meublées touristiques, type Airbnb. Au total, les dépenses de l'Etat passeront de 496 à 491 milliards d'euros, hors charge de la dette.

Une question de « crédibilité »

L'objectif est de ramener le déficit de 4,9% du PIB cette année à 4,4% en 2024, puis à 2,7% en 2027, sous la limite européenne de 3%. L'endettement reculerait moins résolument, stable à 109,7% du PIB en 2024 pour atteindre 108,1% en fin de quinquennat, loin au-dessus du maximum européen (60%).

Pour le gouvernement, redresser les finances publiques est une question de « crédibilité » vis-à-vis des partenaires européens de la France et des marchés financiers. Mais « il y a de moins en moins de marges de manœuvre », estime Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économistes, alors que la croissance économique serait l'an prochain moins dynamique qu'espéré.

Des dépenses toujours élevées

Malgré la volonté affichée de dégager des économies, le gouvernement entend aussi continuer à s'ériger en défenseur du pouvoir d'achat face à une inflation tenace, un sujet politiquement sensible. Confronté à une nouvelle envolée des prix à la pompe, il ressortira le chéquier, sa volonté d'autoriser la vente à perte de carburants n'ayant pas résisté à l'hostilité des distributeurs face à cette idée.

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L'indemnité de 100 euros annoncée par Emmanuel Macron pour les ménages les plus modestes qui travaillent et possèdent un véhicule devrait coûter environ 430 millions d'euros au budget 2024, tandis que l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu (4,8%), des retraites (revalorisées de 5,2% au 1er janvier) et des prestations sociales (4,6% au 1er avril) pèsera 25 milliards d'euros.

Quant au bonus pour l'achat d'un véhicule électrique, il sera augmenté pour les plus modestes, selon Bruno Le Maire.

Enfin, un projet de loi avançant le calendrier de négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs sera aussi dévoilé ce mercredi en Conseil des ministres, avec l'espoir d'accélérer la baisse des prix dans les supermarchés.

S'ajoutent d'autres contraintes freinant la baisse des dépenses : une charge de la dette qui explose sous l'effet de taux d'intérêt élevés ; des dépenses en hausse pour l'éducation, la défense ou la justice ; la nécessité de financer la transition écologique, créditée de 7 milliards d'euros supplémentaires en 2024.

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Une trajectoire des finances publiques jugées « peu ambitieuse »

Du côté des recettes, l'exécutif maintient sa ligne rouge. Pas question d'augmenter les impôts. Il s'agit même de les baisser ces prochaines années. Le gouvernement a tout de même confirmé sa volonté d'instaurer en 2024 une nouvelle taxe sur les concessions autoroutières et les grands aéroports qui doit rapporter 600 millions d'euros annuels, a-t-il annoncé ce mercredi en présentant son projet de budget.

« La taxe sur les infrastructures de transport de longue distance sera effectivement mise en place », a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, à la presse avant la présentation du prochain budget en Conseil des ministres. « Ce sont des infrastructures de transport polluantes, que ce soit la route ou l'aérien », a-t-il ajouté.

« Une hausse des taxes c'est inévitablement une hausse des tarifs des péages », a a réagi mercredi le président de Vinci Autoroutes, Pierre Coppey. Augmenter la fiscalité « serait non seulement une violation de la parole de l'Etat », mais aussi « un contre-sens à un moment où il est urgent d'investir pour décarboner la route », a soutenu Vinci dans un message transmis à l'AFP. De son côté, ADP prévoit d'en « répercuter » la majorité sur les compagnies aériennes, estimant à 90 millions d'euros l'impact sur son bénéfice d'exploitation en 2024. Le groupe estime qu'environ 75% des coûts seraient ainsi répercutables. Il indique toutefois dans un communiqué que « la hausse des tarifs » des redevances versées par les compagnies aériennes « serait échelonnée sur deux à trois ans ».

Outre le budget, le 49.3 pourrait aussi d'être dégainé ce mercredi pour le projet de loi de programmation des finances publiques, texte fixant les objectifs budgétaires jusqu'en 2027. Pour les atteindre, le gouvernement estime à 12 milliards par an, sans les définir, les économies nécessaires dès 2025.

Cette trajectoire des finances publiques a été jugée « peu ambitieuse » par le Haut conseil des finances publiques. Cet organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes ne ménage pas ses critiques dans son avis sur la nouvelle mouture du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, qui accélère les objectifs du gouvernement en matière de désendettement et de réduction du déficit d'ici la fin du quinquennat.

« La trajectoire de finances publiques prévue manque encore à ce jour, à notre sens, de crédibilité », a taclé le président du HCFP Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse.

En effet, selon l'organisme, les dépenses publiques « risquent de s'avérer plus élevées que prévu, notamment s'agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé ». « En dépit de l'extinction des mesures de soutien » à l'économie liées à la pandémie de Covid et aux conséquences de la guerre en Ukraine, il remarque qu'elles progresseront davantage en 2024 que recommandé par l'Union européenne. Après avoir baissé de 111,8% du PIB en 2022 à 109,7% cette année « grâce à une croissance inhabituellement forte du PIB en valeur », la dette publique devrait rester à ce niveau « élevé » en 2024.

« La soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance », conclu donc le HCFP, pour qui la France doit revenir « à des niveaux de dette (lui) permettant de disposer de marges de manoeuvre suffisantes » pour affronter « des chocs macroéconomiques ou financiers » et les dépenses liées à la transition écologique.

Une croissance à 1% jugée « plausible »

Dans son avis, le HCFP souligne, en outre, que le redressement des finances publiques est d'autant plus « fragile » que sa trajectoire repose sur des hypothèses macroéconomiques jugées « optimistes » et sur « une cible exigeante de dépenses (...) dont le respect n'est aujourd'hui pas forcément garanti ».

En effet, si la prévision de croissance de 1% du gouvernement pour 2023 est estimée « plausible », celle annoncée pour 2024, bien que révisée en baisse de 0,2 point à 1,4%, est « élevée », supérieure au consensus des économistes (0,8%).

« Elle suppose que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l'essentiel de ses effets », note l'organisme en référence au resserrement monétaire effectué à marche forcée par la Banque centrale européenne (BCE) pour maîtriser l'inflation. Les hypothèses retenues pour justifier la croissance de 1,7% attendue en 2025 et 2026, puis de 1,8% en 2027 sont également jugées « favorables », comme le maintien à un niveau élevé du taux d'investissement des entreprises, la contribution positive du commerce extérieur ou le recul continu du taux d'épargne des ménages qui viendrait soutenir la consommation.

« Je crois qu'il faut rester non pas optimiste mais volontariste. 1,4% de croissance me paraît un chiffre responsable et sincère », a répondu Bruno Le Maire à la sortie du Conseil des ministres.

(Avec AFP)