
Cette semaine, le décret qui conditionne l'accès au bonus écologique doit être publié au Journal officiel. Basée sur les critères de production des matériaux du véhicule, sa batterie ainsi que son transport, cette subvention, exclurait, de fait, les constructeurs chinois. Certains industriels européens pourraient, eux aussi, être évincés, comme Renault. Et pour cause, la Dacia Spring électrique est produite en Chine. Cette mesure s'inscrit pourtant dans un contexte décisif pour l'Europe, en particulier pour la France, qui souhaite protéger son industrie automobile face à l'afflux massif sur le marché des voitures électriques venues de l'Empire du Milieu.
L'Union européenne a en effet annoncé la semaine dernière son intention de lancer une enquête sur les subventions massives du gouvernement chinois accordées à son industrie automobile électrique. En retour, les Etats-Unis ont également accéléré cette transition grâce à leur Inflation Reduction Act. De son côté, la France compte bien protéger ses constructeurs nationaux, en lançant son bonus écologique conditionné à l'empreinte carbone. Si le bonus peut sembler vertueux en terme écologique, il n'est toutefois pas certain que l'industrie européenne, et surtout française, gagne au change.
Peu de modèles « made in France »
Le bonus écologique s'étendra bien à l'Europe, peu importe si la voiture est produite en Slovénie ou en France, du moment qu'elle respecte les conditions - disons-le, assez souples - de la subvention. Les voitures électriques éligibles devront coûter moins de 47.000 euros. Certains modèles, produits en France, devraient donc rentrer dans les clous, comme la Megane ou la Zoe de Renault, ainsi que la DS3 et l'Opel Mokka de Stellantis. Ainsi, seuls quatre modèles made in France pourront continuer à bénéficier de cette remise de 5.000 à 7.000 euros à partir du 15 décembre prochain.
Quatre modèles dont les coûts initiaux oscillent entre 35.000 et plus de 45.000 euros, selon les options. La future R5 de Renault, annoncée au printemps 2024 et fabriquée au pôle Electricity à Douai, devrait elle aussi intégrer ce dispositif. Son prix, annoncé en dessous de 25.000 euros, pourrait être revu à la hausse.
Les voitures chinoises toujours moins chères
Cette modification du bonus écologique a été accueillie favorablement par l'ensemble de l'industrie automobile française. Cette dernière estime, à juste titre, que subventionner des véhicules produits dans des usines au charbon à l'autre bout du monde semble illogique. Dans un communiqué diffusé ce mardi 19 septembre, le président de la Plateforme automobile, Luc Chatel, se réjouit :
« Une telle approche est de nature à valoriser l'atout incontestable que constitue pour la France et pour l'Europe, leur électricité décarbonée, et à en faire un levier de réindustrialisation. De ce point de vue, cette réforme du bonus écologique constitue une incitation à produire en France et en Europe ».
Le gouvernement a, quant à lui, indiqué que cette mesure permettrait une économie de 800.000 tonnes de CO2 par an. Seul hic, cette aide de 5.000 euros ne suffira pas à combler l'écart de prix entre les voitures électriques européennes et les véhicules chinois. Ces derniers coûtent en moyenne 10.000 euros de moins que leurs homologues européens. Et c'est là que le bât blesse. Les usagers continueront sans doute à acheter des voitures venues de Chine, tant que les voitures électriques françaises ne seront pas compétitives.
Il y a un mois, Carlos Tavares, dirigeant de Stellantis entrait en guerre ouverte avec Bruno Le Maire qui voulait obtenir la réindutrialisation de la Peugeot électrique 208, produite actuellement en Espagne. « C'est sur le prix de vente que la réussite de cette transition se fera. Or, la relocalisation augmente les coûts. Cela nous éloigne donc de l'objectif », avait-il asséné. Le bonus oui, la production en France, elle, en revanche, attendra.
Pis encore, ce bonus n'incite pas non plus à produire en Europe. Premier modèle en vue : la Dacia Spring, vendue autour de 20.000 euros et produite en Chine. Son rapatriement en Roumanie, le site de production des autres Dacia, semble peu probable. Le directeur de la marque en juin dernier justifiait : « Si, à terme, le marché de l'électrique ouvre des opportunités, cela fait sens de produire à côté de là où l'on vend. Mais les volumes ne sont pas encore suffisants, il faut plus de 100.000 voitures produites dans une usine si l'on veut amortir les coûts. »
Résultat, ce bonus baissera le prix des voitures européennes, qui resteront tout de même plus coûteuses que leurs homologues chinoises. Sauf si le bonus écologique est revu significativement à la hausse en décembre...
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