Le 8 mars dernier, la Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé une nouvelle salve de mesures en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Le gouvernement voulait présenter « un plan ambitieux et transversal » en poursuivant « la grande cause » du premier quinquennat Macron. Sept mois après, la Cour des comptes a adressé un carton rouge à l'exécutif.
Dans un rapport au vitriol dévoilé ce jeudi 14 septembre, l'institution dresse un tableau sévère des politiques publiques menées sous le mandat d'Emmanuel Macron. « L'égalité a été érigée en "grande cause du quinquennat". La Cour a constaté que « cette grande cause » avait certes donné de la visibilité à ce sujet mais n'a pas remarqué de politique globale coordonnée », a pointé le président de la Cour Pierre Moscovici, lors d'un point presse organisé rue Cambon. Ce rapport fait suite à une consultation citoyenne lancée en 2022. « Une forte demande sociale d'égalité réelle s'exprime entre les hommes et les femmes depuis des années. Cette sensibilité a été accentuée lors de la crise sanitaire face aux risques accrus de violences conjugales », a-t-il poursuivi.
La Cour très critique sur l'index de l'égalité professionnelle
Porté par l'ancienne ministre du Travail Muriel Pénicaud en 2018, l'index pour l'égalité professionnelle à l'intérieur des entreprises est vivement critiqué par la Cour. « L'objectif est encore loin d'être atteint en raison des difficultés d'application dans les petites entreprises », a taclé Pierre Moscovici. En effet, les petites sociétés n'ont pas forcément les effectifs, ni les moyens d'appliquer cet outil visant à réduire les écarts de salaires entre les hommes et les femmes.
Parmi les entreprises déclarantes, 43% des plus petites ont indiqué que l'index est « incalculable », soulignent les rapporteurs. Dans les grandes entreprises, cet index est mieux appliqué. Mais le nombre de non répondants au global demeure relativement élevé (16%).
Outre le fossé entre les petites et les grandes entreprises, les fonctionnaires ont également fustigé les moyens limités de l'inspection du travail pour réaliser des contrôles et appliquer des sanctions. « Seulement 712 mises en demeure et 42 pénalités ont été constatées depuis 2019 », a déclaré Pierre Moscovici rappelant « le peu de moyens des services de contrôle de l'Etat ». L'inspection du travail a augmenté ses contrôles ces dernières années. « Mais la mobilisation a plutôt consisté à l'accompagnement des entreprises dans la mise en place de l'index », explique l'entourage du président de la Cour. « Malgré un arsenal législatif renforcé, les avancées sont très lentes en matière d'égalité professionnelle dans le secteur privé », a tancé l'ancien commissaire européen.
Fonction publique : des progrès mais peut mieux faire
Le secteur public est loin d'être épargné par les inégalités professionnelles et les discriminations. « L'égalité professionnelle progresse mais lentement », a résumé Pierre Moscovici. Au sein des ministères, il a souligné « une forte mobilisation mais l'effet est néanmoins resté limité ». Les femmes « sont moins présentes dans le sommet de la hiérarchie et il y a plus de temps partiel », a-t-il expliqué.
Evoquant sa propre administration, il a souligné « l'écrasante domination masculine à la Cour des Comptes ». Les auteurs du rapport ont notamment indiqué que chaque ministère avait présenté un plan détaillé avant le premier mars 2019, mais certains comme Bercy ou le Quai d'Orsay ne comportaient « aucun calendrier de mise en œuvre ni ne définissent d'indicateurs ». Derrière l'opération de communication de l'exécutif, le chemin vers l'égalité professionnelle reste semé d'embûches.