Faisant sa rentrée en ce début de mois, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire déplorait que "la balance commerciale (de la France) n'a cessé de se dégrader depuis 20 ans". L'une des principales raisons en est le recul des exportations françaises. Elles ont en effet perdu 1,7 point entre 2001 et 2021, selon une étude publiée par la société d'assurance-crédit Euler Hermès. Le décrochage s'est accentué durant la période 2011-2019, dans le sillage de la crise financière de 2008 et celle de la dette en Europe de 2010, notamment dans les secteurs de l'aéronautique (-5 points), de la pharmacie (-2,3 points), des transports ainsi que des machines et équipements (-1 point).
Si la France a le plus pâti de la concurrence internationale, l'Allemagne, un des premiers pays exportateurs mondiaux, accuse elle aussi un recul sur les deux décennies, de 1,3 point. Finalement, l'Italie est l'économie qui résiste le mieux, avec -1,1 point.
La France a cédé du terrain durant la crise sanitaire
Plus inquiétant, durant la période liée à la crise du Covid-19, la France a continué à céder du terrain (-0,2 point), contrairement à l'Allemagne et l'Italie qui "ont réussi à préserver leurs parts de marché", indique l'étude.
Le principal bénéficiaire du recul des trois principales économies de la zone euro est sans surprise la Chine. Certes, "l'atelier du monde" a bénéficié de son faible coût de la main d'œuvre et de l'accueil des délocalisations d'une partie de l'industrie européenne, qui lui ont donné un avantage en termes de compétitivité-coûts pour accroître son volume d'exportations.
Mais la république populaire a aussi gagné des parts de marché "en améliorant sa compétitivité dans des secteurs industriels stratégiques comme les machines et équipements, les transports, l'aéronautique et la pharmacie", souligne Selin Ozyurt, économiste France chez Euler Hermes, notamment en réussissant à "considérablement améliorer la qualité de sa production", ce qui explique "la percée chinoise face aux exportateurs européens". La Chine a non seulement fait un bond quantitatif mais a opéré dans le même temps une montée en gamme de ses produits.
La Chine trop dépendante de ses exportations
Pour autant, l'économie chinoise dont le modèle reste trop dépendant de ses exportations fait face à un ralentissement, notamment en raison de la résurgence du variant Delta, après être sortie rapidement de la crise sanitaire. En outre, l'objectif fixé par les derniers plans quinquennaux du parti communiste d'évoluer d'un modèle basé sur les exportations à un modèle assis sur la demande intérieure de ses 1,7 milliard d'habitants est encore loin d'être atteint. Autrement dit, Pékin va continuer à soutenir sa machine à exporter.
En attendant, la compétition reste ouverte. L'étude d'Euler Hermès souligne en effet que les exportateurs français ont l'avantage d'être positionnés sur des secteurs qui "sont restés dynamiques à l'international jusqu'à l'apparition de la crise du Covid-19, avec une croissance des exportations plus importante que la croissance moyenne des exportations mondiales", souligne Selin Ozyurt, qui en tire deux conclusions, un bonne et une moins bonne : "La France a misé sur les bons secteurs pour son développement export, mais la compétitivité française a reculé par rapport à celle de ses concurrents."
Or, dans le sillage d'une croissance retrouvée cette année, qui vient d'être révisée de 6% à 6,2% pour 2021, les exportateurs français pourraient regagner des parts de marchés que Euler Hermès évalue à +41 milliards d'euros en 2021 et 31 milliards d'euros en 2022. Les secteurs qui vont en bénéficier sont principalement le matériel de transport, l'agroalimentaire, les produits pharmaceutiques, la chimie et les machines et équipements, estime le cabinet d'études. Les principaux clients en seront l'Allemagne, les Etats-Unis et la Belgique.
Pour autant, la France a un problème structurel, qui est moindre en Italie. "En ce qui concerne l'Italie, nous constatons que sa compétitivité globale s'est considérablement améliorée depuis 2011, reflétant l'impact de la réduction des coûts de la dévaluation interne et des réformes structurelles mises en œuvre après la crise de la dette souveraine de la zone euro", explique la société d'assurance-crédit. L'Italie, qui avait été considérée comme le maillon faible durant la crise de la dette, notamment son secteur bancaire, a depuis mené nombre de réformes au prix d'une valse de gouvernement. Parmi celles-ci, on peut citer la libéralisation du marché du travail en 2015 avec le "Job act", la simplification des règles d'attribution des marchés de travaux publics, la réforme fiscale, la lutte contre la corruption et une restructuration du système bancaire.
Cette semaine, l'Italie a révisé à la hausse de 1,3 point sa croissance pour cette année, qui s'affiche désormais à 5,8%.
Tâche de longue haleine
L'exécutif français est conscient du problème : "Nous avons bâti de bonnes bases avec les réformes de 2017 sur le Code du travail, la loi Pacte mais il reste des chantiers importants", reconnaissait Bruno Le Maire, au début du mois. La recomposition d'un tissu industriel susceptible de produire des biens compétitifs sur le marché international est une tâche de longue haleine. Outre le plan de relance de 100 milliards d'euros pour relancer l'économie post-Covid 19, Emmanuel Macron s'est engagé sur un plan d'investissement pour bâtir "la France de 2030" - 20 à 30 milliards d'euros sur cinq ans. L'annonce prévue en septembre a néanmoins été repoussée à octobre. Bruno Le Maire a précisé que "la logique du président, c'est de créer de nouvelles filières industrielles. Depuis 30 ans, la France vit seulement sur quatre filières industrielles". Une concentration qui rend le pays trop dépendant aux aléas de la mondialisation.