
En plein climat social tendu, la France s'est fait taper sur les doigts par la justice européenne en raison de la retenue sur salaire imposée aux agents de la fonction publique. Pour rappel, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) s'était penché mi-février sur la règle dite du « trentième indivisible ». Cette dernière prévoit qu'un agent de la fonction publique d'État qui se met en grève est privé d'une journée entière de salaire, quel que soit le nombre d'heures durant lequel il a fait grève au cours de cette journée.
La CGT, premier syndicat de la fonction publique, est vent debout contre cette règle mise en place dans les années 1980. Le syndicat la juge contraire au libre exercice du droit de grève et « punitive ». Puisqu'il n'a pas réussi à faire reconnaître ce caractère par la justice française, il s'est tourné vers le Conseil de l'Europe et a saisi son CEDS, aux côtés de l'UFSE-CGT et la Fédération CGT Finances publiques, afin qu'il se prononce.
Un « caractère punitif » reconnu
Ce qui a été chose faite en février. Le CEDS s'est prononcé contre la règle du trentième indivisible. Il estime qu'elle « constituait, dans son effet, une restriction d'un droit fondamental », à savoir le droit de grève. L'organe du Conseil de l'Europe a également pointé le fait qu'elle « entraîne une retenue disproportionnée sur le salaire des grévistes et revêt un caractère punitif ».
Les juristes européens ont par ailleurs relevé l'absence de « justification objective et raisonnable » à la différence de traitement entre les 2,5 millions d'agents de la fonction publique d'État et ceux des versants territoriaux (2 millions d'agents) et hospitaliers (1,2 million), qui ne sont pas soumis à la règle du trentième indivisible.
Le gouvernement opte pour le statu quo
Cette décision du CEDS n'a pour autant aucune valeur contraignante. Le gouvernement français a donc privilégié le statu quo et l'a fait savoir mardi. « Le Conseil constitutionnel n'a jamais considéré » la règle du trentième indivisible comme « anticonstitutionnelle », a indiqué le ministère de la Fonction publique auprès de l'AFP, confirmant ainsi une information du média Acteurs publics. Par conséquent, le système actuel de retenues sur salaire n'est « pas remis en question dans le droit français », ajoute-t-il.
Le ministère avance même que la règle du trentième indivisible est « plutôt avantageuse » pour un agent public qui fait grève une journée entière, puisque la retenue sur salaire est calculée sur la base d'un mois entier, week-ends compris, et non à partir du nombre de jours ouvrés de ce mois, plus réduit et donc plus pénalisant pour la rémunération de l'agent.
Cette réponse du gouvernement survient alors que les huit syndicats représentatifs de la fonction publique appellent à la grève le 7 mars. Ils comptent bien perpétuer le front commun affiché depuis janvier contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, qui a abouti à cinq journées de mobilisation nationale. Lors de ces dernières, le taux de mobilisation des fonctionnaires d'État a progressivement décliné : de 29,5% de grévistes le 19 janvier à 4,9% le 16 février, selon les chiffres du ministère.
Les syndicats ont assuré qu'ils ne renonceraient pas à aller au bras de fer avec l'exécutif. Ils ont indiqué qu'ils étaient « prêts à mettre le pays à l'arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain » si le gouvernement et le Parlement restent sourds aux contestations. La réforme des retraites est justement arrivée ce mardi au Sénat pour un premier examen en commission. La Commission du Sénat, majoritairement à droite, a approuvé le projet, dans une version amendée prévoyant notamment une disposition en faveur des mères. Le texte sera examiné dans l'hémicycle à partir de jeudi et jusqu'au 12 mars. La majorité de droite est favorable au report de l'âge de départ de 62 à 64 ans, mesure phare du texte.Les syndicats veulent mettre « le pays à l'arrêt »
(Avec AFP)