Fonction publique : la retenue sur salaire des grévistes jugée disproportionnée par la justice européenne

Un organe du Conseil de l'Europe considère que la règle dite du « trentième indivisible », qui veut qu'un agent public de l'État en grève se voit retirer une journée entière de salaire peu importe le nombre d'heures non travaillées, entraîne une retenue « disproportionnée » sur le salaire et « revêt un caractère punitif ». La CGT appelle ainsi la justice française à abroger cette loi. Reste que la décision des juristes européens n'a aucune force « exécutoire » dans le droit national et pourrait ne pas être appliquée.
Le CEDS relève par ailleurs l'absence de « justification objective et raisonnable » à la différence de traitement entre les agents de la fonction publique d’État et ceux des versants territorial et hospitalier qui ne sont pas soumis à la règle du trentième indivisible.
Le CEDS relève par ailleurs l'absence de « justification objective et raisonnable » à la différence de traitement entre les agents de la fonction publique d’État et ceux des versants territorial et hospitalier qui ne sont pas soumis à la règle du trentième indivisible. (Crédits : Reuters)

À la veille d'une cinquième journée de mobilisation nationale contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, la France se fait taper sur les doigts par la justice européenne. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) s'est en effet penché mardi 14 février sur la règle dite du « trentième indivisible ». Cette dernière prévoit qu'un agent de la fonction publique d'État qui se met en grève est privé d'une journée entière de salaire, quel que soit le nombre d'heures durant lequel il a fait grève au cours de cette journée.

Le CEDS s'est prononcé contre cette mesure, estimant que « la règle du trentième indivisible (...) constituait, dans son effet, une restriction d'un droit fondamental », à savoir le droit de grève. Le dispositif « entraîne une retenue disproportionnée sur le salaire des grévistes et revêt un caractère punitif », concluent les juristes européens.

Le CEDS relève par ailleurs l'absence de « justification objective et raisonnable » à la différence de traitement entre les 2,5 millions d'agents de la fonction publique d'État et ceux des versants territoriaux (2 millions d'agents) et hospitaliers (1,2 million), qui ne sont pas soumis à la règle du trentième indivisible.

Le CEDS avait été saisi pour se prononcer sur ce sujet par la CGT, aux côtés de l'UFSE-CGT et la Fédération CGT Finances publiques. Dans un communiqué, le syndicat s'est félicité d'une « belle victoire (...) dans cette période de mobilisation sociale ».

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Une décision sans force « exécutoire »

Reste que, si les décisions de la CEDS « doivent être respectées » dans la mesure où elles se réfèrent à des dispositions juridiques contraignantes, elles n'ont aucune force « exécutoire » dans le droit national, explique la juridiction sur son site. Pour la CGT, « il y a urgence à ce que le législateur abroge enfin cette règle scandaleuse et gravement attentatoire au droit de grève, pourtant droit constitutionnel ».

« Alors que nous sommes en pleine mobilisation pour la défense de nos retraites, la CGT saura se saisir de cette décision pour contraindre l'employeur public à respecter le droit de grève des agents publics », conclut le syndicat.

Depuis le mois de janvier, les grandes forces syndicales du pays présentent un front uni contre la réforme des retraites proposée par le gouvernement, qui prévoit de repousser progressivement l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et d'accélérer l'allongement de la durée de cotisation requise pour toucher une retraite à taux plein.

Dans un communiqué commun publié ce mercredi, les huit syndicats représentatifs de la fonction publique ont appelé « à participer à la journée d'actions interprofessionnelles et de grève » prévue jeudi 16 février contre la réforme. Mais, avec deux zones sur trois en vacances scolaires (à l'exception de l'Ile-de-France et de l'Occitanie), la participation s'annonce en nette baisse (lire ci-dessous).

« Si malgré tout le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, les organisations de la fonction publique appellent, dans le cadre interprofessionnel, à durcir le mouvement et à mettre la France à l'arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain », avertissent les syndicats.

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Les perturbations pour ce jeudi 16 février

Les perturbations devraient être plus importantes dans l'aérien que dans le ferroviaire. Mardi soir, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies de renoncer préventivement à 30% de leurs vols jeudi à l'aéroport de Paris-Orly, en raison d'une grève des contrôleurs aériens. C'est davantage que lors des trois premières journées de mobilisation lors desquelles 20% des mouvements avaient dû être annulés à Orly.

Concernant les transports terrestres, la SNCF a annoncé que 4 TGV sur 5 seraient en mesure de rouler, une nette amélioration par rapport aux journées précédentes. Le trafic régional des TER restera en revanche fortement perturbé avec 1 train sur 2. À Paris, les métros rouleront quasi normalement d'après la RATP et le trafic sera normal pour les bus et tramways. Certains trains de banlieue seront partiellement perturbés comme les RER B, C et D ainsi que quelques lignes de Transilien.

Dans le secteur de l'énergie, la CGT appelle à faire grève jeudi mais « essentiellement » pour assurer la « participation aux manifestations », a indiqué à l'AFP Sébastien Ménesplier, secrétaire général de la CGT-Energie. Néanmoins, « dès que l'on pourra faire des baisses de production dans les centrales hydrauliques, thermiques et nucléaires, on le fera », a-t-il prévenu. Ces baisses de production, très encadrées par le gestionnaire du réseau de lignes à haute et très haute tension RTE, n'entraînent généralement pas de coupures de courant et affectent principalement les finances d'EDF.

Du côté du raffinage, ce sont aussi essentiellement « des appels à participer aux manifs » qui sont prévus, a indiqué à l'AFP Eric Sellini, coordinateur CGT pour TotalEnergies. Seule la bio-raffinerie de La Mède (Bouches-dur-Rhône) fait l'objet d'un appel local à la grève de la CGT et devrait donc suspendre les expéditions de carburants vers les dépôts.

Dans l'éducation, les syndicats enseignants ne communiquent pas d'estimations sur le taux de grévistes attendu dans l'éducation nationale en cette période de vacances scolaires en France. L'intersyndicale de l'éducation, qui réunit les sept principaux syndicats enseignants, a cependant appelé à « fermer totalement les écoles, collèges, lycées et services » le 7 mars si le gouvernement et le Parlement à la mobilisation contre la réforme des retraites.

(Avec AFP)

Commentaires 10
à écrit le 15/02/2023 à 23:40
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Des nantis qui partent avant 60 ans

le 16/02/2023 à 11:40
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Les fonctionnaires partent au même age que les salariés du privé.

à écrit le 15/02/2023 à 20:18
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Il y a longtemps que le Conseil de l'Europe se prend pour ce qu'il n'est pas et prétend nous imposer sa loi. Il faut quitter sa juridiction au plus vite pour se soustraire à son gouvernement des juges

le 15/02/2023 à 23:06
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On avait. Il pris que vous étiez frexiteur.. .. has been. Que fera vous quand le franc sera attaqué sur les marché obligeant à la dévaluation multiple comme dans les annees70-80…

le 15/02/2023 à 23:06
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On avait. Il pris que vous étiez frexiteur.. .. has been. Que fera vous quand le franc sera attaqué sur les marché obligeant à la dévaluation multiple comme dans les annees70-80…

à écrit le 15/02/2023 à 20:13
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oui ce sont bien encore les fonctionnaires, régimes spéciaux, qui font grèves !

à écrit le 15/02/2023 à 18:59
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Un trentième quand le mois ne comporte pas trente jours de travail?! Une très mauvaise plaisanterie!

le 15/02/2023 à 20:06
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@BH: Je me trompe ou les mois "comptables" ont 30 jours?

à écrit le 15/02/2023 à 18:16
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Champion mondial des grèves les fonctionnaires comme la sncf ne loupent pas une occasion pour faire de la chaise longue. L'état français devrait pénaliser ses feignants chaque jour de grève sera un jour non payé. Et de mettre en place pour chaque fon...

le 15/02/2023 à 20:44
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C'est pratiquement mécanique, certains métiers du public sont fortement féminisés (=> plus de congés maternité qu'ailleurs) et l'âge moyen des fonctionnaires est plus élevé que celui des salariés du privé (=> probabilité plus élevée d'arrêt maladie d...

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