Immobilier : comment les Jeux olympiques nuisent aux locataires parisiens

Déjà fragilisé par des problèmes structurels et une crise immobilière sans égal, le parc parisien a vu le nombre de logements locatifs s’effondrer ces derniers mois, notamment à cause de l’arrivée des Jeux olympiques dans la capitale cet été et de la généralisation des Airbnb.
Maxime Heuze
La Fnaim Grand Paris qui a constaté une baisse de 70% de la rotation locative dans la capitale depuis l'automne 2023 (Photo d'illustration).
La Fnaim Grand Paris qui a constaté une baisse de 70% de la rotation locative dans la capitale depuis l'automne 2023 (Photo d'illustration). (Crédits : DR)

« Paris a toujours été tendu, mais là, ça devient ingérable ». Le cri d'alarme de la Fédération nationale du logement (Fnaim) Grand Paris est tonitruant... Et pourtant, il est partagé par de nombreux Parisiens cherchant à se loger.

« J'ai dû attendre quatre mois avant de trouver un appartement. Je recherche depuis décembre, et j'ai enfin trouvé il y a quelques jours en acceptant d'aller à Châtillon et donc en m'éloignant de Paris, car je n'ai même pas réussi à faire une seule visite à Paris tellement il y a peu de biens », témoigne Julie, 28 ans, auprès de La Tribune.

Avec son CDI dans la communication, cette salariée touchant 2.000 euros par mois affirme avoir rencontré de sérieuses difficultés avant de dénicher son appartement, dont le loyer s'élève à 700 euros. « A chaque fois que je passais un coup de fil, les agents me répondent que l'annonce a été postée ce matin et qu'ils ont déjà trop de demandes. » Un constat partagé par les agences franciliennes.

« En Île-de-France, et surtout à Paris, ça a toujours été tendu avec une demande bien supérieure à l'offre, mais depuis fin 2023 nous n'avons quasiment plus d'offre locative », alerte Samantha Nerot conseillère location agence Laforêt dans le 11e arrondissement de Paris.

Même son de cloche pour la Fnaim Grand Paris. Celle-ci a constaté une baisse de 70% de la rotation locative dans la capitale, depuis l'été 2023.

Une situation qui accentue, de plus, les inégalités face au logement. « Moins il y a d'offre, plus trouver un logement est un parcours du combattant pour les étudiants et surtout les familles monoparentales. Il leur faut des garants et ils sont bien souvent obligés de prendre des biens de très mauvaise qualité », regrette Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL).

Les Jeux olympiques poussent les propriétaires à passer en Airbnb

A qui la faute ? Tous les acteurs interrogés pointent, en premier lieu, les Jeux olympiques. Entre le 26 juillet et le 11 août, 10 millions de spectateurs sont attendus dans l'Hexagone, dont une grande partie en Île-de-France. Autant de voyageurs prêts à payer le prix fort pour se loger à Paris, représentant une sacrée aubaine pour les bailleurs. Et pour cause, ils « peuvent avoir l'équivalent d'une année de revenus locatifs traditionnels en deux mois de location Airbnb », pointe le président de la CNL.

Lire aussiLocations Airbnb: l'Assemblée nationale alourdit la fiscalité, la balle est dans le camp du Sénat

Résultat, « depuis mi-2023, nous voyons que beaucoup de propriétaires attendent que leurs locataires partent, puis ne relouent pas pour être sûr de faire du Airbnb cet été », constate Samantha Nerot, qui s'inquiète de la généralisation de ce phénomène.

Mécaniquement, nombre de logements sortent du circuit locatif traditionnel dans la capitale. En dehors même des JO 2024, la mutation des locations en Airbnb avance inexorablement. Les loueurs optant pour ce circuit « ont une fiscalité peu contraignante et ne sont pas soumis à l'interdiction de louer leur appartement si ce dernier à un Diagnostic de performance énergétique G », rappelle Eddie Jacquemart.

Paris embourbé dans un manque de logements locatifs

A ce problème de location courte durée, s'ajoute une crise immobilière d'ampleur. Le nombre de ventes de logements s'est effondré de 22% entre 2022 et 2023, selon la Fnaim. Cette dernière en mesure désormais les répercussions sur les locations : « Les locataires restent dans leur bien, car ils ne parviennent pas à devenir propriétaires depuis l'été 2023, ce qui empêche de nouveaux arrivant d'avoir accès à des locations », analyse Olivier Princivalle, président de la Fnaim Grand Paris.

Dans le même temps, l'offre de logements publics se tarit, elle aussi. Le nombre d'agréments de nouveaux logements sociaux « n'a jamais été aussi bas depuis au moins 2005 » et serait « bien en deçà de 85.000 », alertait la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH) Emmanuelle Cosse, fin janvier.

D'autres facteurs inhérents à Paris accentuent encore les difficultés à trouver un toit dans la capitale. « Les mises en location sont peu rentables à cause des prix très élevés et de l'encadrement des loyers ce qui dissuade les investisseurs locatifs d'acheter intra-muros », pointe également Olivier Princivalle.

Lire aussiImmobilier: comment l'achat d'une passoire thermique est devenu un moyen d'accéder à la propriété

Enfin, les échéances d'interdiction à la location des logements classés G, F et E ont provoqué un phénomène massif de mise en vente des passoires thermiques, selon la Fnaim Grand Paris. Un véritable problème, puisque « deux tiers des logements parisiens qui vont être frappés d'interdiction d'ici 2034 », rappelle son président.

Encourager les investissements locatifs, une solution à moyen terme ?

Pour tenter de limiter la casse à l'approche des JO 2024, les agences tentent de convaincre les bailleurs de continuer à louer en passant par le bail mobilité, de 1 à 10 mois, leur permettant d'avoir leur bien libéré pour juillet.

« J'ai pensé à changer d'appartement en souscrivant à un bail mobilité, mais j'ai eu peur de ne pas retrouver d'autre appartement cet été à la fin du contrat et d'être à la rue », confie Julie qui craint que de nombreux locataires se retrouve sur le marché à l'arrivée des jeux.

Pour la CNL, une solution pourrait tout de suite être mise en place : « Donner les mêmes règles aux Airbnb qu'aux locations traditionnelles et mettre en place une fiscalité contraignante pour les Airbnb, ainsi que réduire à 90, voire 60 jours autorisés en location courte durée ».

A plus long terme, la Fnaim Grand Paris estime que le salut du parc locatif parisien doit venir d'une augmentation de l'offre « en construisant plus notamment près du périphérique ou des lignes de chemin de fer ou en surélevant l'existant », avance Olivier Princivalle. Ce dernier voit aussi les incitations à l'investissement locatif tel que le dispositif Pinel (qui devrait prendre fin en 2024) comme un bon moyen de préserver l'offre tout en limitant les hausses de loyers. De son côté, Eddie Jacquemart estime que la meilleure solution serait de « construire 250.000 logements sociaux par an pour alléger la pression sur le parc social et, par ricochet, sur le privé ».

Lire aussiCrise de l'immobilier : « le robinet du crédit est ouvert », assure le ministre du Logement Guillaume Kasbarian

Concernant l'urgence de la rénovation énergétique, le ministre délégué au logement, Guillaume Kasbarian, expliquait dans un entretien à La Tribune Dimanche que « d'ici à juin, plus de 600 structures seront ainsi homologuées "Mon Accompagnateur Rénov'" pour accélérer sur la rénovation globale, ça correspond à environ 5.000 Accompagnateurs Rénov'. Nous avons également rouvert jusqu'au 31 décembre prochain la prime aux monogestes pour changer le chauffage, y compris dans les logements G et F ».

Insuffisant pour la Fnaim qui appelle le gouvernement à « mettre en place un abattement fiscal sur les loyers pour inciter à la rénovation énergétique ». Une solution néanmoins coûteuse pour le gouvernement... donc peu envisageable au moment où ce dernier cherche à tout prix à faire des économies.

Maxime Heuze
Commentaires 3
à écrit le 27/03/2024 à 13:49
Signaler
Les Z"eux J'Olympiques sont depuis des décennies noyautes par une mafia politico- economico- publicitaire ...tout comme la sphère du Foot, du Velo et plus récemment du Rugby, dopage en sus. Dommage.

à écrit le 27/03/2024 à 13:20
Signaler
c est sur que louer pendant les JO c est gagner en 15 j ce que vous gagnez en 6 mois voire plus, pas difficile a comprendre que personne ne veux louer a l annee. Mais c est une bonne chose car ca enrichie surtout des electeurs macronistes et ce sont ...

à écrit le 27/03/2024 à 13:08
Signaler
Il faut annuler les JO, il y a plus de sous parait-il ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.