Immobilier : pourquoi le recentrage du PTZ et la suppression du Pinel font débat

La revue des dépenses publiques acte le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) et la suppression dans l'immobilier neuf de l'avantage fiscal dit « Pinel ». Sont-ils des dispositifs « coûteux » et « inefficaces », comme l'affirme le ministre Bruno Le Maire ? Ou, au contraire, ont-ils fait la preuve de leur efficacité, comme le soutient la Fédération des promoteurs immobiliers ? Ou encore cela va-t-il générer 2,3 milliards d'économies, comme l'assure Gabriel Attal ? Eléments de réponse.
César Armand
Pour le « Pinel », qui tire son nom de l'ancienne ministre Sylvia Pinel qui l'a porté en 2015, il s'agit d'une baisse d'impôt qui bénéficie aux investisseurs immobiliers dans le parc locatif privé, à condition de louer leur bien a minima six ans et de respecter un plafond de loyer.
Pour le « Pinel », qui tire son nom de l'ancienne ministre Sylvia Pinel qui l'a porté en 2015, il s'agit d'une baisse d'impôt qui bénéficie aux investisseurs immobiliers dans le parc locatif privé, à condition de louer leur bien a minima six ans et de respecter un plafond de loyer. (Crédits : Charles Platiau)

Un excédent potentiel de trésorerie des opérateurs de l'Etat estimé à 2,5 milliards d'euros. C'est le principal enseignement de la revue des dépenses publiques réalisée par les Inspections générales des Affaires sociales (IGAS) et des Finances (IGF) repris par Bruno Le Maire en vue du projet de loi de finances (PLF). Le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique vient d'annoncer, sur France Info ce 25 juillet, vouloir en « récupérer la moitié dès le budget 2024 ».

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La raison est simple : ce travail de la haute administration vient confirmer les dernières déclarations de l'exécutif sur les niches fiscales, et notamment les différentes aides au logement. Le rapport acte en effet le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) et la suppression dans l'immobilier neuf de l'avantage fiscal dit « Pinel ».

Des dispositifs « coûteux » et « inefficaces » ?

Dès le 10 mai dans Challenges, le président Macron avait dénoncé « un système de surdépenses (sic) publiques pour de l'inefficacité collective », repris à l'unisson par les deux responsables du budget au sein du gouvernement Borne. « On dépense beaucoup plus que nos voisins européens sans qu'on puisse dire que nos résultats soient particulièrement meilleurs », avait martelé, le 15, Gabriel Attal sur C News.

« Nous voulons mettre fin à des dispositifs coûteux et inefficaces pour nos compatriotes », avait appuyé, le 4 juin, Bruno Le Maire dans le JDD.

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En réalité, en trois semaines, le chef de l'Etat et les locataires de Bercy ont préparé le terrain aux annonces de Matignon. Dans la soirée du 4 au 5 juin, le cabinet de la Première ministre faisait savoir que le prêt à taux zéro (PTZ) serait réservé, entre 2024 et 2027, à l'achat d'un logement neuf en immobilier collectif, ou encore à l'acquisition d'un habitat ancien en zone tendue, c'est-à-dire où la demande excède l'offre, et sous réserve de le rénover. Quant au « Pinel », il ne sera pas prolongé au-delà du 31 décembre 2023.

Y-a-t-il encore une politique du logement ?

Un casus belli pour les sept grands acteurs du secteur réunies le lendemain avec les responsables politiques pour les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Alors qu'Elisabeth Borne s'apprête à clôturer le grand raout, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), la Fédération française du bâtiment (FFB), son pôle Habitat, ainsi que la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), le promoteur-constructeur-bailleur Procivis, l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis) et l'Union nationale des syndicats français d'architectes (UNSFA) crient, dans un communiqué, leur « colère » d'être « méprisés ».

« Il n'y a plus de politique du logement. Le gouvernement a-t-il conscience que la situation deviendra hors de contrôle et que toute la chaîne du logement continuera à se bloquer ? », s'interrogent les décideurs privés, pointant « des mesures non chiffrées, ou pas à la hauteur des enjeux ».

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A l'époque, que ce soit dans la maison individuelle ou dans le logement collectif, les chiffres de la construction neuve sont très mauvais. Fin avril 2023, le pôle Habitat de la FFB fait ainsi état de 83.000 ventes en douze mois, soit 10% de moins que son point le plus haut et 30% de moins que sa moyenne de long-terme. Ce n'est guère mieux dans l'immobilier neuf : le 31 mai, le ministère de la Transition écologique communique sur une décrue de 14,3% du nombre de permis de construire délivrés entre mai 2022 et avril 2023. Même constat à la FPI qui alerte, le 25 mai, sur une chute des ventes de 34,3% au premier trimestre 2023 comparé au premier trimestre 2022.

2,3 milliards d'euros d'économie

Aujourd'hui, les ministres concernés persistent et signent. Juste avant de quitter Bercy pour la rue de Grenelle, Gabriel Attal a confirmé aux Echos que le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) et la suppression du Pinel allaient générer, « à terme », 2,3 milliards d'euros d'économies. Son collègue Bruno Le Maire, maintenu à l'Economie, aux Finances et à la Souveraineté industrielle et numérique, peut, lui, s'appuyer, depuis le 19 juillet, sur la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l'accession à la propriété.

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De la même manière que le patron de Bercy juge que le PTZ coûte « cher » et ne bénéficie qu'à 65.000 personnes, les députés Daniel Labaronne (Indre-et-Loire, Renaissance) et Charles de Courson (Marne, Liot) le qualifient de « dispositif devenu coûteux et dont le recentrage est nécessaire au regard d'une efficacité débattue ». Alors qu'il s'agit d'un « instrument ancien en faveur de l'accession sociale à la propriété », « les réformes mises en œuvre ces dernières années ont réduit le périmètre des opérations et du nombre de ménages éligibles », écrivent les deux parlementaires :

« Un rapport conduit par l'Inspection générales des Finances (IGF) et le Commissariat général à l'Environnement et au Développement durable (IGEDD) en 2019 relève que l'effet du PTZ vis-à-vis de son objectif de primo-accession des ménages modestes est ''ambigu'' et que des effets d'aubaine existeraient [...] Son efficience est jugée ''faible'' », poursuivent Daniel Labaronne et Charles de Courson.

Des données confirmées par les dernières statistiques de la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFGAS). Dans sa dernière synthèse, la société relève que la production de prêts à taux zéro a « chuté » de 17% en 2022 à un peu plus de 63.000 PTZ. Pis, avec la remontée des taux, les montants de crédits d'impôt ont bondi de 114% par rapport à 2021, « ce qui rend, toutes choses égales par ailleurs, le dispositif plus coûteux pour l'Etat ». En témoignent les derniers chiffres. Au 31 mars 2023, la production totale de PTZ pour 2022 est de 63.647 dont 49.915 (78%) dans le neuf, 11.004 (17%) dans l'ancien avec travaux et 2.728 (4%) en logements HLM... Soit un montant total prêté de 3,261 milliards d'euros !

Le « Pinel » a-t-il fait la preuve de son efficacité ?

Pour le « Pinel », qui tire son nom de l'ancienne ministre Sylvia Pinel qui l'a porté en 2015, il s'agit d'une baisse d'impôt qui bénéficie aux investisseurs immobiliers dans le parc locatif privé, à condition de louer leur bien a minima six ans et de respecter un plafond de loyer. « Le Pinel n'a pas fait la preuve de son efficacité », a l'habitude de répéter le ministre Bruno Le Maire.

« Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu'elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l'État a sauvé la construction de logements, cela s'est traduit par une hausse des prix. C'était vrai pour le Perissol, c'était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix », abonde, auprès de La Tribune, le banquier et financier Xavier Lépine, conseiller logement du président-candidat Macron en 2022.

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L'étude des deux députés de la commission des finances de l'Assemblée nationale n'est pas tendre non plus avec cet outil. Selon eux, le « Pinel », qui conduit à « une standardisation des logements », est « coûteux et financièrement peu pilotable » avec une enveloppe moyenne des aides de l'Etat de 38.108 euros.

« La fédération des promoteurs immobiliers (FPI) voit, elle, un dispositif indispensable pour soutenir la création de nouveaux logements : elle juge sans doute à juste titre que les particuliers investiraient moins sans l'existence de ce dispositif, mais le « Pinel » n'a pas à soutenir le secteur de la construction immobilière. Son rôle est de développer une offre de logements abordables », assènent encore Daniel Labaronne et Charles de Courson.

« Attention au risque d'arroseur arrosé » (Salleron, FFB)

Une affirmation battue en brèche le 4 juillet par la Fédération française du bâtiment (FFB) qui a redemandé « avec insistance » le rétablissement du prêt à taux zéro (PTZ) dans l'immobilier neuf et rappelé « l'urgence » de redéployer un dispositif « au moins aussi puissant » que le Pinel.

« Bien sûr, tout cela coûte mais le logement s'avère un contributeur très positif aux finances de la Nation à hauteur de plus de 50 milliards de prélèvements nets. Il n'est pas irresponsable d'accepter un chiffre un peu moins élevé en phase de crise du secteur », a martelé Olivier Salleron, le président de la FFB, en conférence de presse.

Selon les calculs de son organisation, une opération neuve avec un prêt à taux zéro rapporte près de 35.000 euros aux finances publiques. « En voulant économiser 2 milliards, l'Etat va en perdre 1,7. A qui gagne, perd. Attention au risque de l'arroseur arrosé », met encore en garde Olivier Salleron.

Reste maintenant aux nouveaux ministres des Comptes publics et du Logement, Thomas Cazenave et Patrice Vergriete, de se mettre d'accord sur les modalités précises de ces économies. Quoiqu'il en soit, une chose est sûre : députés comme sénateurs ne manqueront pas d'amendements clés en main pour défendre le secteur...

César Armand

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Commentaires 5
à écrit le 26/07/2023 à 11:32
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tous les dispositifs fiscaux ont prouve leur efficacite a remplir les poches des promoteurs qui refacturent ca joyeusement a des gogos cupides attires par les reductions d'impots et consors.....et le raisonnement tient aussi pour les aides a la reno...

à écrit le 26/07/2023 à 11:02
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Contrairement aux idées reçues la défiscalisation immobilière rapporte plus en impôts car elle représentait 50% des ventes en collectif du neuf donc avec de la TVA à 20% les rentrées fiscales étaient immédiates alors que la défiscalisation sur 9 ans ...

à écrit le 26/07/2023 à 9:49
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Cette subvention public à l'industrie du bâtiment doit cesser, l'argent public doit servir au fonctionnement optimal des services publics qui servent l'ensemble de la population. Pour qu'elle raison obscure des investissements dans le logement locat...

à écrit le 26/07/2023 à 8:49
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Il faudrait faire table rase de toutes les aides publiques aux entreprises comme aux ménages. Et repartir à zero. On aurait un système plus simple et plus compéitif et on pourrait baisser les charges sur le travail pour tous les salaires jusqu'à 5-6 ...

le 26/07/2023 à 11:53
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Suggérer à un bourgeois français de montrer l'exemple? Mais au temps de l'Eden perdu des libéraux français, un tel outrage vous aurait valu sur le champ un aller-simple à Cayenne!!!

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