
L'inflation devrait perdurer en France. Si l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimait, début avril, que la hausse des prix à la consommation devrait se maintenir entre +5,5% et +6,5% en 2023, les chiffres de l'Insee du mois dernier sont venus confirmer cette projection. En avril, l'inflation est, en effet, repartie à la hausse à 5,9% sur un an, alors qu'elle avait pourtant ralenti à 5,7% en mars.
Et les conclusions du baromètre trimestriel Bpifrance - Rexecode sur la trésorerie, l'investissement, la croissance des PME (petites et moyennes entreprises, avec un effectif inférieur à 250 salariés) et TPE (très petites entreprises, moins de 10 salariés) semblent, également, aller dans ce sens. En effet, selon l'étude réalisée auprès de plus de 2.000 TPE et PME, 60% des dirigeants interrogés prévoient d'augmenter leurs prix de vente en 2023. Si la proportion est quasi stable sur le trimestre, on note néanmoins une légère hausse par rapport aux dirigeants ayant déclaré avoir augmenté leurs tarifs en 2022 (58%). Par ailleurs, 35% prévoient de maintenir leurs prix inchangés et 5% (+2 points) de les baisser, en 2023.
Une répercussion limitée selon le SDI
Ainsi, l'augmentation moyenne des prix anticipée pour 2023, qui tient compte des dirigeants ne prévoyant pas de hausse de leurs prix de vente, est de +4,3 %, soit autant que prévu dans l'enquête réalisée en février dernier. Dans le détail, pour près d'un dirigeant sur 3, cette hausse est de 5%. Seuls 8% tablent sur une hausse supérieure à 10% (proportion stable sur le trimestre). Enfin, 63% des dirigeants prévoyant d'appliquer une hausse de leur prix de vente cette année déclarent qu'elle sera supérieure à celle de 2022, contre 60% au trimestre précédent, souligne le baromètre. Seuls 9% pensent qu'elle sera inférieure.
« Les entreprises subissent l'augmentation tarifaire imposée par les producteurs qu'ils répercutent, en effet, sur leurs clients, mais cette répercussion reste contrainte », note toutefois Jean-Guilhem Darré, directeur général du syndicat patronal interprofessionnel des TPE, le SDI.
En effet, « les consommateurs sont de plus en plus attentifs à leur pouvoir d'achat et sautent d'un commerce à l'autre en essayant, légitimement, de trouver le meilleur rapport qualité-prix. Il y a donc une concurrence sur le terrain qui empêche une répercussion intégrale des augmentations tarifaires », explique-t-il, interrogé par La Tribune.
Difficultés d'approvisionnement
À la hausse des coûts pratiquée par leurs fournisseurs, s'ajoutent les difficultés d'approvisionnement. C'est d'ailleurs chez les dirigeants qui y sont le plus confronté que le baromètre constate les hausses de prix de vente les plus élevées : 73%, contre 32% pour ceux qui n'en ont pas.
Plusieurs secteurs souffrent, en effet, d'une pénurie de certains matériaux, en particulier l'automobile du fait de la pénurie de semi-conducteurs provoquée par la forte demande à l'issue de la crise sanitaire. Une situation aggravée par le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022.
Dès novembre 2021, la sénatrice (Nouvelle-Aquitaine), Frédérique Espagnac, alertait sur la situation préoccupante des très petites, petites et moyennes entreprises face aux difficultés d'approvisionnement en matières premières et à la cherté de celles-ci.
« Ces difficultés existent dans les secteurs du bâtiment, de l'informatique et de l'électronique, et plus particulièrement, dans le secteur de l'automobile où plus de 80 % des entreprises doivent faire face à une hausse croissante des prix des matériaux et à des délais de livraison à rallonge dus à des ruptures de stock, des fermetures d'usines ou autres retards qui désorganisent totalement le marché », signalait-elle.
Toutefois, selon le baromètre publié ce mardi, le nombre d'entreprises qui font face à ces difficultés est en baisse par rapport au trimestre précédent (68%, contre 71%). De même, de moins en moins de dirigeants considéraient, au premier trimestre, qu'elles s'étaient intensifiées (-6 points). Les dirigeants étaient par ailleurs plus nombreux qu'au trimestre précédent à anticiper une résorption de ces difficultés d'ici un an (+6 points à 39 %).
Hausse des salaires
Sans compter que, du fait des difficultés de recrutement et de l'inflation qui ronge le pouvoir d'achat des salariés, ces derniers sont nombreux à exiger des revalorisations salariales. Aussi, 78% des dirigeants interrogés prévoient d'augmenter le salaire de leurs collaborateurs en 2023. Une proportion en hausse de 6 points par rapport au mois de février et de 14 points par rapport à l'automne 2022. En comparaison, ils étaient 76% à déclarer avoir augmenté les salaires en 2022.
En effet, l'évolution salariale moyenne au sein des TPE et PME, qu'elles aient prévu d'augmenter ou non les salaires de leurs collaborateurs, serait de +3,8 % en 2023 (contre +3,9% de hausse moyenne déclarée pour l'année 2022), soit un peu plus qu'anticipé en février dernier (+3,5%).
« Nous avons conscience de la nécessité, pour conserver nos collaborateurs, surtout dans un contexte difficile de recrutement, d'apporter des éléments de rémunération », commente Jean-Guilhem Darré, précisant qu'ils peuvent être directs (une augmentation de salaire) ou indirects sous la forme de prime ou de partage de la valeur.
Et d'ajouter que cela « entraîne forcément une répercussion sur le coût de production, qu'il s'agisse des biens ou des services, et donc sur le prix de vente final, en partie ou en totalité ».
En effet, selon le baromètre, ces revalorisations devraient être plus que compensées par la hausse des prix de vente qui s'élève donc en 2023 à +4,3%, contre +3,8% pour la hausse des salaires. 57% des dirigeants anticipent d'ailleurs une croissance de leurs prix de vente supérieure (36%) ou égale (21%) à celle des salaires de leurs collaborateurs en 2023.
Le poids des PGE
Autre difficulté soulignée par le syndicat : le poids du remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) qui pèse encore sur certaines entreprises. Ainsi, 9% craignent de ne pas être en mesure de rembourser leur PGE, un chiffre en hausse de deux points par rapport au trimestre précédent mais stable sur un an.
Conséquence de ces difficultés, les dirigeants s'inquiètent pour leur marge nette. Ils sont 39% à anticiper une dégradation de celle-ci en 2023. C'est toutefois moins (-9 points) qu'au trimestre dernier. Et, sans surprise, les PME et TPE qui rencontrent des difficultés d'approvisionnement sont plus nombreuses à anticiper une baisse de leur marge nette que celles qui n'en rencontrent pas (43% contre 30 %).