ISF, flat tax... le flou sur l'impact économique des réformes fiscales persiste

Réforme de l'ISF, mise en place du prélèvement forfaitaire unique, baisse de l'impôt sur les sociétés... Le manque de recul ne permet pas encore de tirer des conclusions tranchées sur l'impact des réformes de la fiscalité du capital sur l'économie explique le dernier rapport du comité d'évaluation remis par France Stratégie. Les experts jouent la carte de la prudence sur ce sujet politiquement sensible.
Grégoire Normand
(Crédits : Benoit Tessier)

La fin de l'impôt sur la fortune décidée (ISF) par Emmanuel Macron avait suscité une vague de critiques et de réserves au tout début de son mandat. Quelques mois après le passage de cette réforme, la crise des "gilets jaunes" avait remis au centre du débat la fiscalité du capital en France. Plusieurs détracteurs de la réforme fiscale du gouvernement avait demandé le rétablissement de l'ISF au moment du "grand débat" au printemps.

Face à cette levée de boucliers, le gouvernement a demandé à France Stratégie, organisation rattachée au Premier ministre, de mener une évaluation entre autres de cette mesure controversée. Dans un rapport très dense publié ce mardi 1er octobre, le comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital n'a pas encore réussi à apporter des conclusions tranchées sur l'impact macroéconomique de la transformation de l'impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la mise en oeuvre du prélèvement forfaitaire unique (PFU).

Les conséquences de telles transformations sur l'économie réelle pourraient encore se faire attendre. "L'observation des grandes variables économiques comme la croissance, l'investissement, les flux de placements financiers des ménages, ne suffira pas pour conclure sur leur effet réel", explique l'organisme. En particulier, il ne sera pas possible d'estimer par ce seul biais si la suppression de l'ISF a permis une réorientation de l'épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises".

Lors d'un point presse, le président du comité, Fabrice Lenglart, a rappelé que "le comité installé fin 2018 a un mandat très large. Le but est d'étudier les effets de ces réformes sur l'économie en général et la redistribution. Le comité est composé de personnes d'horizons différents. Le consensus est atteint entre les participants. Nous avons réussi à exprimer un avis. Compte tenu des réformes récentes, il est difficile de mener à bien des évaluation ex-post. Au début, nous avions aucune donnée".

Hausse des dividendes

Sans surprise, le premier enseignement du comité d'évaluation est que les dividendes reçus par les ménages a fortement progressé en 2018 après avoir connu une baisse similaire en 2012-2013. Après avoir explosé entre 2010 et 2012, le versement des dividendes aux ménages avait chuté avec la mise en oeuvre d'un barème sur l'impôt sur le revenu sous François Hollande.

Outre la montée des dividendes, beaucoup de questions demeurent sur la finalité des choix des plus grandes fortunes. Pour les économistes de France Stratégie, "les effets sur les choix patrimoniaux des ménages et le financement des entreprises ne seront donc probablement perceptibles que plusieurs années après la mise en oeuvre de la réforme".

Une baisse du nombre d'assujettis

L'autre enseignement, qui n'est pas vraiment une surprise, est que le nombre d'assujettis avec le passage de l'ISF à l'IFI est passé de 360.000 à 130.000. "Quel que soit le niveau de patrimoine déclaré en 2017, les contribuables à l'ISF ont bénéficié de baisses d'impôt importantes, y compris ceux qui sont aujourd'hui imposables à l'IFI : en moyenne, l'impôt acquitté a été divisé par trois et demi", expliquent les auteurs du rapport.

7.500 euros de gains pour les 15% des ménages les plus aisés

Les statistiques présentées dans le document comportant plus de 300 pages indiquent qu'en ce qui concerne la mise en place du PFU, les gains fiscaux seraient concentrés sur les 15% des ménages plus riches. Au sein de ce groupe, les gains seraient encore supérieurs pour les 5% les plus aisés avec un sucroît moyen de 1.000 euros par foyer fiscal.

En ce qui concerne la transformation de l'ISF en IFI, les résultats montrent que les 5% des ménages les plus aisés perçoivent 57% des gains et que 80% des foyers gagnants se concentrent parmi les 15% les plus aisés. Pour cette catégorie, le gain moyen annuel est estimé à environ 6.500 euros. Selon les travaux menés par ces experts, si ces deux réformes favorisent les plus aisés, elles ont un impact limité sur les inégalités "car les montants en jeu restent faibles par rapport aux montants totaux des prélèvements et prestations du système socio-fiscal français : l'indice de Gini, qui mesure de façon synthétique l'importance des inégalités de revenu, de l'ordre de 30 points en France, augmente de 0,3 point".

>Lire aussi : En Europe, des inégalités encore vertigineuses

Un coût budgétaire moindre qu'anticipé

Les débats sur le manque à gagner de telles réformes ont été particulièrement vifs au moment du passage de la profonde réforme fiscale. Au moment de la présentation de la réforme, Bercy avait anticipé que la mise en oeuvre de la Flat tax allait engendrer une perte de recettes de 1,9 milliard d'euros. Quant au remplacement de l'ISF à l'IFI, il aurait pu représenter un trou de 3,2 milliards d'euros pour les finances publiques.

En réalité, la perte de recettes pour les finances publique s'est révélée être moindre qu'anticipé. Selon les estimations de France Stratégie, "le coût budgétaire du PFU fait l'objet d'estimations convergentes, comprises entre 1,4 et 1,7 milliard d'euros hors effets de comportement. Il serait donc un peu inférieur à l'estimation faite ex ante (1,9 milliard)".

Une étude qualitative

Face au manque de recul pour tirer des conclusions, le comité d'évaluation a procédé à des enquêtes qualitatives auprès des grandes banques et des gérants de portefeuille "au sujet des principaux impacts de la réforme sur la gestion patrimoniale des personnes fortunées résidant en France". Au total, 90 personnes ont accepté de répondre à ce questionnaire. L'une des leçons de cette enquête est que "les réformes de la fiscalité du capital intervenues en 2018 sont jugées positivement par les professionnels de la gestion d'actifs". Plusieurs répondants ont néanmoins exprimé des doutes sur la pérennité des réformes. Des réponses marquantes notent "un moindre investissement dans l'immobilier et un surcroît de versement de dividendes, dont beaucoup ont été réinvestis dans des supports type assurance-vie en unité de compte".

Du côté des investissements, les réponses sont loin d'être favorables. "30 % des personnes interrogées ont observé un moindre investissement dans les PME, 60 % n'en ont pas vu. Parmi ceux ayant observé un moindre investissement dans les PME, beaucoup mentionnent dans leurs commentaires la disparition du crédit d'impôt ISF PME comme un élément d'explication", relèvent les rapporteurs. Dans sa lettre de mission adressée à France Stratégie, le Premier ministre avait pourtant précisé les ambitions d'une telle réforme.

"Afin de favoriser la croissance de notre tissu d'entreprises, de stimuler l'investissement et l'innovation, le gouvernement a profondément rénové la fiscalité sur le capital en instaurant un prélèvement forfaitaire unique, en remplaçant l'impôt de solidarité sur la fortune par un impôt recentré sur la fortune immobilière et en programmant une baisse du taux d'impôt sur les sociétés".

Grégoire Normand
Commentaires 29
à écrit le 10/10/2019 à 17:08
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Tous les impôts ont des effets négatifs; Plus il y a d'impôts et plus il y a d'effets négatifs;

à écrit le 02/10/2019 à 12:02
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il est sûr que les exilés fiscaux ne vont pas revenir en masse en raison de l'incertitude fiscale et des habitudes de vie et familiales déjà prises à l'étranger. Un frein sur les départs est plus facile à atteindre. Notons aussi le ridicule de vouloi...

à écrit le 02/10/2019 à 10:17
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Comptablement le ruissellement attendu n'a pas l'air d'être au rendez vous, bien sûr ce type de réforme apparait certainement sur 10/15/20 ans comme cela à été évoqué par de nombreux commentaires, mais ce qui reste au centre de cet acte est la relati...

le 02/10/2019 à 22:21
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Attendre 10/15 ou 20 ans pour voir le résultat, pourquoi? A part être sur que ceux qui en profitent à plein, en on auront vraiment profité! Les US et l'Angleterre ont appliqués cela depuis les années 80. Et, suspens sur le résultat ... Tout va b...

à écrit le 02/10/2019 à 10:12
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Ce qu'il fallait faire c'est expliquer simplement qu'il est plus logique et plus simple de prélever de l'argent quand il y a un flux ou une transmission plutôt que sur le stock. Il reste donc à remplacer l'IFI par une augmentation des droits des gros...

à écrit le 02/10/2019 à 9:56
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avec son gouvernement de bric et de broc MACRON nous fait du HOLLANDE un coup à droite un coup à gauche comment peut on investir dans ces conditions ? et quelle catastrophe pout laFRANCE dont l'endettement est inacceptable

à écrit le 02/10/2019 à 9:55
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Franchement, vous croyez qu'il est une question de surprise!!!! Les libéraux n'assument pas les choix qu'ils font pour le peu de gens ou a présent on peut dire actionnaire..... Du coup la question est de savoir surtout quel impact, et surtout part...

à écrit le 02/10/2019 à 9:51
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De toute façon, les dindons de la farce sont les cadres et retraités aisés, ceux qui gagnent entre 3000 et 5000 euros par mois en couple ou pas. Ils ne reçoivent rien , payent l'IR (42% des contribuables) etc.... la cible préférée des gouvernements...

le 02/10/2019 à 19:40
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Et oui, fallait lire le programme

à écrit le 02/10/2019 à 9:33
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Lire aussi les commentaires du serviteur des marchés financiers pour voir qu'en effet ils sont complètement dans le pâté, incapables de comprendre ce qu'ils racontent, même dans leur défense ils sont paumés, c'est ahurissant, ou comment défendre du v...

le 02/10/2019 à 9:56
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pas mieux !

à écrit le 02/10/2019 à 9:08
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C'est une évidence que la baisse de l'ISF par sa transformation en IFI profite à ceux qui le payaient! Je ne comprends même pas pourquoi on soulève cette question. Mais cette baisse est sensée corriger des excès fiscaux qui poussaient les plus riches...

le 02/10/2019 à 10:00
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Comme dit tout les copains de la politique, le droit et les devoirs. Pour ce faire il suffit juste de relier l'imposition a la nationalité et ainsi la question est réglé !!! Plutôt que d'avoir des cartes postales de marion maréchal lepen prépa...

à écrit le 02/10/2019 à 8:57
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La suppression de l’Isf Est une bonne chose pour l’economie Et de plus il y a aucune raison que le contribuable qui a payé ses impôts sur le revenu doive s’acquitter d’un impôt le montant du capital qu’il choisit d’epargner Préférant investir au lieu...

le 02/10/2019 à 10:01
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Dans ce cas, arrêtons aussi les niches fiscales, le financement par l'argent publique des entreprises, cela va dans la même logique? Transférer la sécurité sociale et économique du citoyen a l'entreprise dans le pays qui verse les plus gros divide...

le 02/10/2019 à 11:59
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Même raisonnement pour l'immobilier, on travaille toute sa vie pour se loger et cette épargne ,a déjà payé l'impôt.

à écrit le 02/10/2019 à 6:01
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L'effet ? Ben c'est pourtant simple... Un peu plus dans la poche (Ces gens là sont prêts à tout pour aspirer "toujours plus"). Et quant aux "retombées" (histoires pour les enfants), on sait bien tous, que ces gens là sont de grands humanistes... le c...

le 02/10/2019 à 22:43
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Plus t'as de pognon, moins t'a de principes. L'oseille, c'est la gangrène de l'âme. (réplique Maurice Biraud) ... Ça veut dire : envoyez l'oseille, et fissa ! Les riches, ça attend pas, ça fait des colères ! (réplique Maurice Biraud) Des pissenl...

à écrit le 01/10/2019 à 20:41
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De toutes façons il fallait faire quelque chose pour la justice fiscale, les revenus du capital étant nettement lourdement plus taxés que ceux du travail (l'ex-ISF représentant un revenu négatif du capital). En fait il eût fallu aller plus loin et li...

à écrit le 01/10/2019 à 19:53
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Les effets destructeurs de ces impôts s'évaluent sur une dizaine d'année et encore. Démander une évaluation maintenant est ridicule. Surtout qu'on sait que on pourrait rétablir l'ISF ou revenir sur le PFU très rapidement sur un coup de démagogie. La...

le 01/10/2019 à 21:23
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la raison pour laquelle ca va mettre une generation a produire son effet plein, c'est qu'effectivement tout le monde a compris que c'est un appat pour faire revenir la proie avant de l'achever a coups de gourdin chaque reforme de l'isf a ete mise a ...

le 01/10/2019 à 21:24
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la raison pour laquelle ca va mettre une generation a produire son effet plein, c'est qu'effectivement tout le monde a compris que c'est un appat pour faire revenir la proie avant de l'achever a coups de gourdin chaque reforme de l'isf a ete mise a ...

le 01/10/2019 à 21:27
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au passage, une petite analogie les 35 heures payees 39, ca n'a rien coute a personne, comme disait aubry meme pas d'inflation, hein ca tombe bien, regardez les chiffres depuis l'application full power l'industrie francaise s'ecroule depuis 2000 ...

le 02/10/2019 à 8:11
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@churchill : vous avez évidemment raison tant sur l'ISF que sur les 35h... j'ajouterais que vu les compensations qu'il a fallu accorder aux entreprises pour limiter l'impact des 35h (environ 15 milliards par an soit 0,75% du PIB financés par du défic...

à écrit le 01/10/2019 à 18:41
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Il suffirait de faire une loi avec un article : » si vous êtes français, vous videz vos poches, vos comptes bancaires et vendez vos biens mobiliers ou immobiliers au profit de l’etat français. » Ce serait quand même plus rapide que toutes ces lois...

à écrit le 01/10/2019 à 18:37
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Si l'effet sur l"économie, l'emploi l'investissement n'est pas démontrable c'est tout simplement qu'il n'existe pas et que Macron a flingué son crédit auprès des français pour rien. C'est bien pour celà qu'aucun de ses prédécesseurs ne s'y était ave...

le 02/10/2019 à 9:21
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Prenez un énorme chaudron de quelques milliers de litres d'eau, mettez y en-dessous du feu et mesurez la température au bout de quelques secondes, vous démontrerez que le feu ne chauffe pas. A court terme on peut démontrer ce qu'on veut.Notons cepend...

à écrit le 01/10/2019 à 18:17
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Il faut supprimer tous les impôts démago, et il y en a beaucoup.

le 02/10/2019 à 12:55
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Il n'y a pour moi que des dépenses en face desquelles il faut mettre des recettes. Or malgré les impôts très importants, nous avons toujours un déficit budgétaire annuel d'environ 100 Milliards d'Euros.Tant que l'on diminue pas la dépense publique qu...

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