
Signe que la chasse aux recettes fiscales, qui permettent d'éponger les déficits, est ouverte : les Urssaf recrutent ! Dans la foulée des annonces gouvernementales au printemps qui visent à « doubler le nombre de redressements fiscaux adressés aux entreprises et aux employeurs d'ici à 2027 », l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales achève fin septembre sa campagne annuelle de recrutement pour embaucher 123 inspecteurs et 33 contrôleurs. Depuis dix ans, les créations de postes étaient stables mais cette année, l'accélération des recrutements est assumée : « Les ouvertures de postes ont encore doublé en cohérence avec les ambitions accrues en matière de lutte contre la fraude sur l'ensemble du territoire. »
Même, pour la première fois, la campagne de recrutement a été menée « en deux phases avec, une première interpellation en juin et une seconde en septembre avec un webinar » afin de ratisser plus large. C'est une première aussi, deux profils sont recherchés ; en plus des inspecteurs traditionnels, l'Urssaf recherche des contrôleurs.
L'accélération est liée au contexte budgétaire. Pour le gouvernement, face au mur des 3.000 milliards de dettes franchi pour la première fois cet été et devant la promesse de ramener le déficit public (à 4,8% du PIB), sous les 3%, le travail au noir est un manne perdue non négligeable. Chaque année, le travail non déclaré auprès de la Sécurité sociale coûterait 8 milliards d'euros de prélèvements sociaux, selon les chiffres de Bercy.
Des recettes multipliées par 2,5 en dix ans
Et la traque des fraudeurs ou des déclarations partielles rapporte gros. Entre 2018 et 2022, le montant repris atteint 3,5 milliards d'euros, selon les chiffres de l'Urssaf. En 2013, le montant des redressements atteignait 290 millions d'euros. En dix ans, il a donc été multiplié par 2,5.
Mais le rendement pourrait être encore meilleur aux yeux de Bercy. En 2022, les Urssaf ont mené 38.486 actions de lutte contre le travail dissimulé (non déclaration ou déclaration partielle). Le gouvernement souhaite donc approcher les 80.000 actions d'ici trois ans. Montant rattrapé perçu en 2022 : 788,1 millions d'euros de redressements opérés au titre de la lutte contre le travail dissimulé. « Les montants comptabilisés sont stables (-0,17 %) par rapport à 2021 », observe l'organe de contrôle.
Dans le détail, ce sont les cotisations et contributions non déclarées qui donnent le plus de fil à retordre aux agents de l'Urssaf : 544 millions d'euros en 2022, soit 70,3 % du montant global de redressement. Viennent ensuite des majorations de redressement, et la remise en cause des réductions et exonérations de cotisations dont avait pu bénéficier l'entreprise : 234 millions d'euros, soit 29,7 % du montant global.
Traditionnellement, c'est le secteur du BTP qui rafle presque toute la mise des fraudes, à 524 millions d'euros en 2022, suivi par les services aux entreprises (62,8 millions) puis les transports et le secteur du commerce.
A noter aussi que l'autorité de contrôle risque aussi de serrer la vis auprès des millions d'indépendants. Pour eux, après le cadeau des « reports de charge » pendant la pandémie (23 milliards de cotisations sociales pour 1,8 million de travailleurs indépendants), la fin de la récréation est bien sifflée. Sur cette catégorie, en 2023, les actions ont déjà généré des montants de redressement de 76,2 millions d'euros, « en progression de 12,7 % sur un an. Elles concentrent ainsi 10 % des redressements totaux », précisent les Urssaf.
« Aujourd'hui, si nous reprenons progressivement les procédures de recouvrement, c'est pour remplir cette mission essentielle d'assurer à tous de bénéficier de ses droits sociaux, et garantir l'équité entre les entreprises », explique l'organe public.
Avoir « le sens du détail »
L'objectif est donc d'accélérer sur tous ces segments : « sur les tendances de recrutement sur ces métiers de contrôle, effectivement, nous avons une volumétrie de postes à pouvoir plus importante », confirme à La Tribune les Urssaf qui évoluait auparavant sur une moyenne de « 70-80 profils recrutés par an dans les chiffres récents ».
Pour rejoindre les 16.000 collaborateurs des Urssaf dans toute la France, dont 1.500 inspecteurs et 220 contrôleurs, l'organe fait la promotion de ces métiers via le site « Lasecurecrute.fr.
Et des nouvelles technologies
La prise de poste est effective après douze mois de formation, « à l'issue de laquelle vous deviendrez inspecteur » ou « contrôleur sur pièces ». Les critères d'entrée sont relativement ouverts : « être titulaire au minimum d'un diplôme de niveau BAC +3 toutes filières confondues ; aucune condition d'expérience professionnelle requise », mais de pouvoir « justifier de 5 ans d'expérience professionnelle dans les domaines de la comptabilité, l'enquête, l'investigation, l'analyse de données, et/ou ayant une bonne connaissance de la procédure pénale. » Et parmi les qualités identifiées par l'employeur : « investigation, sens du détail, qualités relationnelles, goût pour les chiffres... » Des profils Bac+5 sont également recherchés.
Pour assister ces nouveaux agents, les Urssaf comptent de plus en plus sur les nouvelles technologies, au premier rang desquelles le traitement de données de masse, ou datamining. « Un plan national datamining a été déployé sur l'ensemble des régions » afin, notamment depuis 2022, « d'optimiser le modèle prédictif », soit la possibilité de « de coter et cartographier des situations de suspicion de fraude à fort enjeu ». Une solution plébiscitée par la Cour de comptes déjà : « en 2018, le datamining était à l'origine de 20 % des contrôles d'assiette sur place de PME et de 11 % de ceux de TPE, mais restait expérimental pour la LCTD », indique l'autorité dans un rapport de 2020.
Où en est-on du remboursement des aides Covid ? A la fin mai 2023, la dette des entreprises constituée entre mars 2020 et décembre 2021 à l'égard de l'Urssaf s'élève encore à 9 milliards d'euros. Il y a un an et demi, cette dette s'élevait à 22,4 milliards d'euros. (Urssaf)