Décentralisation : une nouvelle loi, pour quoi faire ?

En déplacement à Orléans ce 13 février, le Premier ministre Jean Castex a confirmé la présentation « au début du printemps » du projet de loi 4D - décentralisation, décomplexification, déconcentration et différenciation - en Conseil des ministres. Un texte attendu depuis 2019 et la crise des « Gilets jaunes ».
César Armand
La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales Jacqueline Gourault.
La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales Jacqueline Gourault. (Crédits : Eric Robert)

C'est un texte attendu depuis près de deux ans. Le projet de loi 4D - décentralisation, décomplexification, déconcentration et différenciation - va « être transmis au Conseil d'Etat » dès cette semaine « afin de permettre sa présentation en Conseil des ministres au début du printemps prochain », a annoncé le Premier ministre Jean Castex lors d'un déplacement à Orléans le 13 février 2021.

« Les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux », expliquait en octobre dernier à La Tribune la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales.

« Nous sommes déjà dans une République décentralisée. Certes il existe encore des transferts à réaliser, mais nous n'allons pas faire dix lois de décentralisation ! L'Etat exerce des compétences régaliennes en matière d'éducation ou de santé ou de sécurité par exemple et assure l'équité des territoires. Les Français y sont attachés », poursuivait Jacqueline Gourault.

Le retour de l'écotaxe ?

La décentralisation, qui consiste à transférer une compétence de l'Etat central à une collectivité, sera par exemple « à la carte » pour les routes nationales. « Demandeurs de cette mesure », comme l'a rappelé la ministre au Sénat le 17 décembre dernier, les conseils départementaux ne souhaitent pas tous l'appliquer, mais le président (LR) de l'Essonne y est prêt.

François Durovray défend effectivement le retour à l'écotaxe pour les 40% de poids lourds étrangers qui circulent en Île-de-France et dont 75% traversent la région sans faire le plein. Il s'en servirait pour financer l'entretien des ouvrages, pour lequel l'Etat manque de moyens, et créer des lignes de bus à haut niveau de services (BHNS), c'est-à-dire circulant sur des voies dédiées et sécurisées.

Les régions pourront également s'emparer de ces infrastructures de la même manière qu'après avoir récupéré les petites lignes ferroviaires, elles pourront se voir transférer les gares. Les villes et les métropoles, quant à elles, pourraient récupérer « l'intégralité des outils » en matière de logement, après une expérimentation : aides à la pierre, à la rénovation, à l'hébergement, au droit au logement opposable (DALO)...

Simplification de l'action publique

La décomplexification, c'est, selon la définition de la ministre Jacqueline Gourault, « la simplification de notre action publique aussi bien pour les citoyens que pour les élus (...) transversale à l'ensemble des articles du texte [avec] des réponses appropriées ». Quant à la déconcentration, il s'agit de renforcer le rôle des antennes locales des administrations centrales pour améliorer les politiques publiques sur le terrain.

La différenciation a, pour sa part, déjà fait, fin 2020, l'objet d'un projet de loi organique visant à assouplir les expérimentations territoriales. Une collectivité pourra en conduire une sans que celle-ci ne doive être généralisée sur tout le territoire, comme c'est le cas aujourd'hui. De même que le frein de l'autorisation préalable du gouvernement sera supprimé, et que le délai de procédure d'un an actuellement sera réduit à deux mois.

La naissance, le 1er janvier dernier, de la collectivité européenne d'Alsace, en est l'illustration. Fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ce nouveau territoire entend « mieux répondre aux besoins des habitants, améliorer le service public et garantir la dynamique des territoires ». « Si c'est utile et nécessaire, et si l'Etat et la région ne le font pas, c'est à nous d'agir et c'est valable dans tous les domaines » déclarait fin décembre son président (apparenté LR) Frédéric Bierry.

Un calendrier parlementaire serré

En réalité, du fait d'un calendrier parlementaire serré à un an et demi de la fin du mandat, la loi aurait pu passer à la trappe entre les deux priorités de l'exécutif : le texte sur les principes de la République, actuellement en débat au Parlement, et le projet sur le climat et la résilience, présenté mercredi dernier en Conseil des ministres. Pour les autres lois, le président Macron a même demandé à chacun de ses ministres portant un texte de lui envoyer une note avant qu'il n'arbitre. Ce dont s'est acquittée Jacqueline Gourault.

D'autant que dès sa Lettre aux Français daté du 12 janvier 2019, publiée en pleine crise des « Gilets jaunes », le président de la République posait déjà les questions suivantes : « Y a-t-il trop d'échelons administratifs ou de niveaux de collectivités territoriales ? Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d'action au plus près des citoyens ? À quels niveaux et pour quels services ? ».

Des interrogations auxquelles Emmanuel Macron avait commencé à répondre le 25 avril 2019 lors de sa conférence de presse post « Grand débat national ». Le chef de l'Etat y avait exprimé sa volonté de  « changer le mode d'organisation de notre République » avec des « principes simples », notamment sur les « problématiques de la vie quotidienne : transition écologique, logement, transport » afin de « garantir des décisions au plus près du terrain ». Il y avait en outre émis sa proposition d'un « geste de différenciation territoriale » pour « adapter [les] règles aux territoires et gagner en liberté ».

96 heures de "Grand débat national"

Des propos encore répétés le 14 juin dernier, deux semaines avant le second tour des élections municipales : « Il me reviendra avec vous de bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités (...) J'en ai la conviction : l'organisation de l'Etat et de notre action doit profondément changer ». Le locataire de l'Elysée annonçant « une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies » promettant que « tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris (...) faisons-leur davantage confiance, libérons la créativité et l'énergie du terrain ».

« C'est en combinant leurs ressources que les territoires sont forts, pas en les stockant par-devers eux, D'où les nécessaires coopérations entre métropoles, agglomérations, villes moyennes et petites, espaces ruraux. Et un apprentissage accéléré pour renforcer les compétences relationnelles des collectivités territoriales, à l'introversion routinière », acquiesce Jean-Marc Offner, président du Conseil stratégique de la plateforme POPSU (Plateforme d'Observation des Projets et Stratégies Urbaines) née au sein de l'Etat en 2003.

Entre temps, le projet de loi sur l'engagement et la proximité, porté par le ministre d'alors aux Collectivités territoriales Sébastien Lecornu, a déjà été adopté pour « refaire confiance aux élus locaux, après quatre-vingt-seize heures de débat entre le président de la République et les maires ». Il s'agissait de leur garantir « une véritable formation, une protection juridique et un accompagnement professionnel et familial ».

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 21/02/2021 à 16:13
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C'est d'une 6ème république qu'il faut d'urgence pour mettre un terme à une Vème république qui permet une concentration trop forte de tous les pouvoirs entre les mains d'un Homme le Président de la République, au moins la pandémie COVID 19 a été un ...

à écrit le 15/02/2021 à 19:04
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Décentralisation des responsabilités comme d'hab' mais sans les moyens financiers d'application qui sont de plus en plus centralisé vers Bruxelles! La France doit disparaître!

à écrit le 15/02/2021 à 18:45
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Si l‘état central veut vraiment décentraliser, il faut simplement supprimer les préfets. L‘économie sera immédiate et on aura moins d‘énarques, et on avancera vers une structure fédérale.

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