Les grèves ont gagné en intensité en France

D'après une étude du ministère du Travail, les grèves ont été plus nombreuses en 2016 dans le contexte des mobilisations contre la loi El Khomri. Cette hausse marque une rupture après plusieurs années de relative stabilité.
Grégoire Normand
Les mouvements de grèves ont eu le vent en poupe en 2016.
Les mouvements de grèves ont eu le vent en poupe en 2016. (Crédits : Reuters)

Les mouvements de grève ont repris de la vigueur en 2016. Selon la dernière étude de la Dares, publiée ce mercredi 12 décembre, l'intensité des grèves est en forte hausse en 2016 après avoir diminué en 2015. Cette année avait donné lieu à de nombreuses journées d'action contre la loi Travail, dite loi El Khomri, et la mobilisation des chauffeurs de taxis contre la concurrence jugée déloyale des véhicules de transport avec chauffeur (VTC).

> lire aussi : Grève des taxis : le conflit expliqué en 10 points

Des grèves en hausse

Durant cette année, 1,7% des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand ont déclaré avoir connu une ou plusieurs grèves ou débrayages. Cette part est en légère augmentation par rapport à la période 2012-2015. Sur ces années, cette proportion a oscillé entre 1,2% et 1,4%. Au total, 131 jours de grèves pour 1.000 salariés ont été recensés par l'administration contre 69 pour 1.000  en 2015 et 81 pour 1.000 en 2014.

Si ces résultats notent une vraie intensification des conflits sociaux, ils sont encore loin des chiffres de 2010. Cette année là, marquée notamment par les manifestations sur la reforme des retraites défendue par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, la France avait connu 318 jours de grève pour 1.000 travailleurs et 3,3% des sociétés avaient connu au moins un arrêt collectif de travail. Ce qui constitue un record sur la décennie 2006-2016.

Des disparités notables

Toutes les entreprises ne sont pas concernées de la même façon par les conflits sociaux. D'après les résultats collectés pour l'étude, 34% des entreprises de 500 salariés ont connu une interruption de travail de leurs salariés contre 13,9% pour celles comptant entre 200 et 499 salariés. Arrivent ensuite les sociétés ayant entre 50 et 199 salariés (4,3%) et enfin celles ayant entre 10 et 49 salariés (0,4%).

De fortes divergences apparaissent également en fonction des secteurs. L'industrie est bien plus marquée par les conflits que le tertiaire. Dans la fabrication de matériels de transport par exemple, le taux d'entreprises concernées par une grève s'élève à 11,5%.  "Dans l'industrie, le nombre de journées non travaillées pour 1.000 salariés dans les entreprises industrielles ayant connu au moins une grève est en nette hausse, passant de 345 jours en 2015 à 489 jours en 2016. Cette forte augmentation prolonge une intensification continue des conflits dans ce secteur depuis 2012".

A l'inverse, le commerce est assez peu affecté par ce type de mobilisation. En revanche, les grèves sont beaucoup plus intenses. Le nombre de journées individuelles non travaillées de ce secteur a doublé, passant de 98 jours pour 1.000 salariés en 2015 à 199 jours en 2016.

La loi Travail, premier motif de revendication

Les revendications portées par les salariés sur des motifs extérieurs à l'entreprise ont eu "un poids notable dans les arrêts collectifs de 2016". Parmi les raisons évoquées, la loi Travail arrive sur la première marche du podium. Ainsi, 41% des entreprises ayant connu une grève signalent comme principal motif la loi du 8 août 2016. Ce qui représente une rupture avec les années précédentes.

"Habituellement, les revendications salariales représentent le premier motif de grève. En 2016, les salaires ont été cités comme motif de grève par 37% des entreprises ayant connu au moins un arrêt collectif de travail, contre 53% l'année précédente."

La proportion des grèves relatives à l'emploi et aux conditions de travail est restée quasi stable entre 2015 et 2016. En revanche, les arrêts d'activité liés au temps de travail baissent nettement, passant de 16% en 2015 à 9% l'année d'après.

> Lire aussi : Loi travail : quel impact réel sur l'emploi et le chômage ?

Les négociations collectives en repli

En parallèle d'un durcissement des grèves, les négociations collectives ont connu un léger repli entre 2015 et 2016. D'après les données présentées par le service de statistiques, 14,7% des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand avaient engagé une négociation collective en 2016 contre 15% en 2015. Ces sociétés représentaient 62% de l'ensemble des salariés.

Là encore, il existe de fortes divergences entre les entreprises. Dans les sociétés ayant 500 salariés ou plus, 95% d'entre elles ont déclaré avoir procédé à une négociation une fois dans l'année contre 7% pour les entreprises recensant entre 10 et 49 salariés. Cette capacité à négocier est favorisée par la présence d'instances représentatives du personnel et notamment des délégués syndicaux rappelle l'étude.

En 2016, 84,7% des entreprises dotées de délégués syndicaux déclarent avoir négocié au moins une fois dans l'année, contre 6,1% de celles qui en sont dépourvues. La présence de ces représentants du personnel conduit les employeurs à pratiquer la négociation annuelle obligatoire (NAO) en matière de rémunération, de temps de travail.

Compte tenu d'une plus forte présence de délégués syndicaux au delà du seuil de 50 salariés, les négociations collectives sont par conséquent plus fréquentes dans les grands groupes. Par ailleurs, les chances d'aboutir varient en fonction de la taille des entreprises et la présence d'un délégué syndical. Ainsi, parmi les entreprises ayant entamé des négociations, celles ayant entre 10 et 49 salariés présentent un taux d'aboutissement de 72% contre 90,1% pour les entreprises comptant 500 salariés ou plus.

Les ordonnances Pénicaud marquent une rupture

L'entrée en vigueur des ordonnances Pénicaud réformant le Code du travail en 2017 pourrait avoir des répercussions sur les résultats de l'enquête menée par la Dares. En effet, la fusion des institutions représentatives du personnel dans une instance unique (le comité d'entreprise (CE), les délégués du personnel (DP) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), le comité social et économique, pourrait faire diminuer le nombre de sièges d'élus du personnel.

S'il est encore trop tôt pour livrer un bilan définitif, Muriel Pénicaud avait dévoilé quelques chiffres sur l'utilisation des nouveaux dispositifs par les entreprises. Il apparaît que 8.814 CSE avaient été mis en place au 10 septembre. Ce qui avait fait passer le nombre d'élus du personnel de 36.000 à 24.000 selon des chiffres obtenus par l'Usine Nouvelle.

> Lire aussi : Grèves : une intensité en fort repli sur 10 ans

Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 13/12/2018 à 11:32
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Avec toutes ces personnes politiques malhonnêtes et pour dernier exemple notre Président MACRON qui annonce la restitution de la CSG pour les retraités 'pour les trompés) au lieu de dire la vérité " POUR CERTAINS RETRAITES" et non pour tous, les cit...

à écrit le 13/12/2018 à 3:26
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C'est pas le micro bismuth. qui disait que les "greves, on ne s'en apercoit meme plus" ? Pauvre peuple de France qui vote si mal et apres qui pleure.

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