« Les retards de paiement coûtent 12 milliards d'euros aux TPE et PME », Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises

ENTRETIEN- Les retards de paiement ont reflué en France en 2022 selon l'observatoire des délais de paiement. Mais les grandes entreprises et collectivités restent mauvais payeurs, regrette le médiateur des entreprises Pierre Pelouzet.
Grégoire Normand
Le médiateur des entreprises à Bercy Pierre Pélouzet.
Le médiateur des entreprises à Bercy Pierre Pélouzet. (Crédits : Bercy)

LA TRIBUNE- Quel bilan tirez-vous du dernier rapport de l'observatoire des délais de paiement dévoilé cette semaine ?

PIERRE PELOUZET-  Le principal bilan que l'on peut tirer est que les retards de paiement ont reflué en 2022. En 2020, les retards de paiement avaient enregistré une envolée spectaculaire au moment de la crise sanitaire. La France est revenue au niveau des délais de paiement d'avant-crise. Avant la pandémie, les retards étaient de plus de 15 jours. C'est une bonne nouvelle mais la situation reste encore insatisfaisante car ils restent beaucoup de retard.

Malgré la guerre en Ukraine et l'inflation, les délais de paiement ont reflué. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Le médiateur des entreprises a fait de nombreux efforts pour que ces délais de paiement baissent. En 2020, les retards de paiement étaient montés jusqu'à 16 jours. Nous avons mis en place un comité de crise qui m'a amené à appeler une quarantaine de grandes entreprises et acteurs publics pour leur demander de changer de comportement.

On a eu des centaines et des centaines de médiation au sujet des délais de paiement. Il y a eu également des actions de la DGCCRF avec des pénalités sur des grandes entreprises. Cependant, il faut rester vigilant. L'inflation augmente le besoin de trésorerie des TPE et PME.

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Quels sont les bons et les mauvais élèves ?

Ce sont les plus gros acteurs qui restent les plus mauvais payeurs. Evidemment, certains grands groupes sont de bons payeurs. Pendant la crise, certaines grandes entreprises ont fait des efforts pour payer encore plus tôt leurs fournisseurs. Mais globalement, plus l'acteur est grand, moins il paie bien, que ce soit dans le public ou dans le privé.

Il y a un effort à accentuer sur ces acteurs car ils sont structurants. Une grande entreprise qui ne paie pas à l'heure va mettre ses fournisseurs en difficulté. Une chaîne de mauvais paiements peut s'installer. C'est terrible car tout un pan de l'économie peut être affecté.

En matière de délais de paiement, comment se situe la France par rapport à la moyenne européenne et ses voisins ?

La France se positionne mieux par rapport à la moyenne européenne. Pendant la crise, l'Hexagone était moins bien placée que l'Europe. Il y a eu des efforts importants mais l'Allemagne ou les Pays-Bas sont encore devant nous.

Quel est le coût des retards de paiement en France ?

En moyenne, le cumul des retards de paiement en France représente 1 milliard d'euros par jour globalement. L'année dernière, la France a accusé un retard de 12 jours de paiement en moyenne. Ce qui veut dire que 12 milliards d'euros devraient être dans les caisses des TPE et PME alors que ces sommes sont dans les caisses des grands groupes ou des grandes collectivités. Si la France arrivait à résorber ces retards, ce serait une manne colossale d'argent qui serait reversée aux TPE et PME.

En matière d'aides, avez-vous eu des signaux d'alerte sur les prêts garantis par l'Etat (PGE) ?

A ce stade, nous n'avons pas de signaux d'alerte. Nous avons très peu de saisines sur les remboursements de PGE. Globalement, les entreprises arrivent à rembourser leurs prêts correctement. Si les retards de paiement s'amplifiaient dans les mois à venir, cela aurait des conséquences sur les remboursements de PGE.

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Doit-on s'attendre à une hausse des défaillances en France ?

Il y a un retour à la normale des faillites d'entreprises après des années au plus bas. Le « quoi qu'il en coûte » a gelé l'économie française en 2020 et 2021. La fin des aides a entraîné un retour à la normale des défaillances d'entreprises.

Il faut continuer d'accompagner les entreprises. Le niveau de médiation reste assez élevé. Ce qui montre que les tensions restent fortes entre les entreprises sur le sujet des matières premières, de l'énergie et des difficultés de recrutement.

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Sur quelles pistes la médiation des entreprises travaille-t-elle pour réduire ces délais et améliorer les relations entre les entreprises ?

La médiation travaille sur l'achat responsable des entreprises avec une charte et un label. Nous avons la conviction qu'il faut faire prendre conscience aux entreprises qu'elles ont intérêt à payer à l'heure leurs fournisseurs. Si elles mettent en difficulté leur fournisseur, cela signifie qu'elles peuvent se mettre également en difficulté.

L'autre axe important est la mise en place de la facture électronique. On a constaté une baisse des délais dans le secteur public. Il faut maintenant passer au privé. La facturation électronique obligatoire à partir de 2027 dans le secteur privé va contribuer à raccourcir ces retards de paiement.

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Depuis quelques années, la DGCCRF publie le noms des entreprises mauvaises élèves. Quel regard portez-vous sur cette pratique ?

Effectivement, la DGCCRF publie les amendes infligées aux entreprises qui paient en retard leur fournisseur. C'est une bonne chose. Je préfère convaincre les entreprises de payer à l'heure. Mais il faut aussi d'autres outils.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 14/06/2023 à 19:28
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travailleur indépendant je me suis toujours attaché à faire rentrer les paiements de factures ce qui m'évite de payer des frais bancaires sur découvert .Avec les particuliers il faut se présenter avant le 10 du mois . Les entreprises qui fournissent...

à écrit le 14/06/2023 à 19:27
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travailleur indépendant je me suis toujours attaché à faire rentrer les paiements de factures ce qui m'évite de payer des frais bancaires sur découvert .Avec les particuliers il faut se présenter avant le 10 mois . Les entreprises qui fournissent le...

à écrit le 14/06/2023 à 18:42
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Quand chacun finit par abuser du système (dans son ensemble) à sa manière, il est donc logique que le système finisse par se retourner contre les uns et les autres. Un problème culturel où tout le monde sera perdant un jour ou l'autre, c'est-à-dire l...

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