Marqué à droite, le résultat des élections régionales et départementales conforte l'Elysée dans sa volonté de réformer. Pour couper l'herbe sous le pied des Républicains, « nous ne resterons pas immobiles », assurait l'entourage du chef de l'Etat, ce lundi 28 juin. Traduction : poursuivre les transformations en matière économique et sociale, traditionnellement très prisées dans l'électorat de droite. Le chef de l'Etat l'a souvent dit « la mère des réformes », reste celle des retraites.
Aussi, dès le début du mois de juillet, le gouvernement a-t-il prévu de rassembler les partenaires sociaux, non pas dans le cadre d'une conférence sociale - « modèle éculé » pour l'Elysée -, mais d'une réunion de travail autour de la relance. « Celle-ci devrait se tenir probablement après le sommet de Porto... soit la semaine du 5 juillet », précise l'entourage du président. L'occasion d'évoquer le programme d'actions pour les mois restants avant la fin du quinquennat mais aussi pour les années à venir.
Cet échange ne sera pas une longue concertation dans laquelle l'objectif pourrait se perdre, précise l'Elysée qui a son point d'arrivée bien en tête : allonger le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une pension de retraite pleine, et donc décaler l'âge de départ bien au-delà de 62 ans, l'hypothèse de 64 ans tenant la corde. Ce qui pourrait générer 26 milliards d'euros d'économies d'ici 2026...
Et pour cause, il y a urgence à améliorer l'état des comptes des régimes des retraites. Selon les dernières estimations du conseil d'orientation des retraites, le déficit du système a atteint 13 milliards d'euros en 2020. Et le rapport remis, la semaine dernière, par les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard soulignent la nécessité d'agir pour sauver le régime. « Reste à trouver le bon moyen de présenter cette réforme, pour convaincre de sa justesse, de son équité, et limiter les oppositions », plaide un député de la majorité. Aussi, l'exécutif entend-il montrer qu'il n'y aura pas que des perdants. Mais au contraire, de nombreux gagnants.
Les retraités modestes et les plus âgés gagnants
Les premiers seront les retraités modestes. Emmanuel Macron souhaite fixer le revenu minimum à 1.000 euros par mois pour ceux ayant une carrière complète. Une promesse présidentielle déjà formulée en 2019, que les députés LREM Nicolas Turquois et Lionel Causse ont remis au goût du jour, dans un rapport sur les petites retraites qu'ils ont présenté à Jean Castex, le 1er juin dernier. Les Marcheurs préconisent 1.000 euros minimum brut par mois pour les pensions des assurés ayant réalisé une carrière complète (soit 120 trimestres), puis à 85 % du Smic net minimum en 2025, selon un calendrier qui s'échelonnerait sur quatre ans à compter de 2023. L'Elysée serait partant pour mettre en place cette disposition, si possible dès 2022.
Le geste serait loin d'être anodin : aujourd'hui, 5,7 millions de retraités perçoivent une pension mensuelle inférieure à 1.000 euros bruts, soit un tiers des retraités français. Et les trois quarts sont des femmes. Un peu moins de la moitié sont des travailleurs non-salariés. Autre axe développé pour faire passer la pilule : accélérer la réforme de la dépendance. « Cette crise a montré combien il fallait agir pour les plus âgés, combien la situation dans les Ehpad était tendue », plaide encore l'entourage du président. L'objectif ? Faire en sorte que les personnes âgées puissent rester chez elles le plus longtemps possible. Si la mise en place d'un cinquième risque a été votée, pour l'instant, la disposition reste une coquille vide, sans moyens alloués. Cette réforme pourrait être actionnée très vite, tant l'attente est forte dans l'opinion. De quoi rassurer les Français avant d'enclencher les mesures d'âge, moins populaires.
Passer outre les syndicats
Quant aux syndicats, l'Elysée ne les craint pas. L'exécutif n'a jamais beaucoup soutenu les partenaires sociaux. Tant pis si la CFDT qui milite depuis des années pour la mise en place d'un système universel de retraite par points et risque donc de monter au créneau contre une réforme uniquement paramétrique. Emmanuel Macron n'a pas l'intention de ménager Laurent Berger, surtout après le récent bras de fer qu'ils ont engagé sur l'assurance-chômage et le camouflet infligé au gouvernement par le conseil d'Etat qui a retoqué la réforme qui devait s'appliquer le 1er juillet.
Le président est persuadé qu'après cette crise du Covid, les syndicats - CGT en tête- n'auront pas les moyens de mobiliser leurs troupes. D'ailleurs, le gouvernement d'ailleurs n'exclut pas de s'attaquer aux régimes spéciaux. Non pas pour les quelques millions d'euros que cela permettrait d'économiser au régime, mais bien pour le symbole politique. A droite, les systèmes d'exceptions - à la SNCF, chez EDF... etc - sont perçus comme des privilèges insupportables.
Enfin, le chef de l'Etat entend aussi tancer les entreprises, notamment les plus grandes, pour qu'elles préservent l'emploi des seniors. Alors que la plupart des grands groupes poussent les plus de 55 ans vers la porte de sortie, Emmanuel Macron s'apprête à leur rappeler leurs responsabilités. Car une fois au chômage, les seniors ont peu de chance d'en sortir. Surtout, le locataire de l'Elysée est agacé : selon plusieurs sources, de nombreux PDG se sont déjà positionnés pour faire la campagne d'un de ses futurs rivaux en 2022 : Xavier Bertrand, qui vient d'être réélu président des Hauts-de-France.
Reste à trancher et à déterminer le calendrier. Selon nos informations, les grandes décisions seront annoncées très vite, même si une partie des mesures ne s'actionneraient qu'après la fin du quinquennat, et enjamberaient donc sur le suivant. L'essentiel est de montrer que « la transformation est en marche », assure un député LREM. La réforme serait inscrite dans le prochain projet de loi de finances de la sécurité sociale, à la rentrée.