Dans la capitale, où la CGT revendiquait 50.000 manifestants, la manifestation s'est élancée peu après 14h30 de la place de la République en direction de la place de la Nation, à l'appel de l'intersyndicale CGT-Unsa-FSU-Solidaires, rejointes par les organisations étudiantes et lycéennes Unef, VL, MNL et FIDL, avec pour revendications la hausse des salaires, le maintien des services publics et de la protection sociale, et une politique de transition écologique.
La réforme des retraites est aussi l'un des points de crispation de cette journée "un peu exceptionnelle" cette année, car elle intervient une semaine après la réélection d'Emmanuel Macron, a souligné le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, pour qui une nouvelle mobilisation est envisageable dès "avant la rentrée, parce que le niveau de mécontentement sur les retraites ou les salaires est très fort".
"Nous sommes opposés résolument (...) à toute forme de recul de l'âge de la retraite", a martelé de son côté le secrétaire général de FO, Yves Veyrier.
Ce 1er mai revêt aussi une signification particulière pour la gauche, dans le contexte de négociations difficiles pour parvenir à un accord en vue des législatives. Jean-Luc Mélenchon (LFI) a pris la parole sur une estrade au moment où le cortège parisien s'ébranlait, exhortant à un accord "cette nuit". M. Mélenchon et le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, se sont plus tard serré la main avant d'engager une brève conversation aux cris d'"Union populaire!" dans la foule.
Paroles de manifestants dans les défilés du 1er-Mai
Parmi les dizaines de milliers de personnes ayant défilé dimanche partout en France à l'occasion du 1er-Mai, beaucoup de manifestants interrogés ont revendiqué un message politique, celui d'une défiance à l'égard du président réélu.
- Stéphanie L., 31 ans, à Lille
"C'est bien de montrer que si beaucoup de gens ont pu voter Macron, on n'est pas d'accord avec sa politique. C'est important de continuer à défendre ses droits et ce qu'on veut pour la France. Les législatives arrivent, c'est important, et j'y crois un peu à ce retournement de situation (que la gauche espère), à condition que la gauche réussisse à s'unir."
- Alain T., 77 ans, ex-ouvrier du Livre, à Bordeaux
"Heureusement il y a eu un sursaut au 2e tour de la présidentielle avec un vote contre le Front national (sic) et pas pour Macron. Mais le plus dur reste à faire, car si on ne se met pas en lutte maintenant, on va pleurer des larmes de sang avec lui. La retraite à 65 ans, c'est inadmissible. Pareil pour des pensions à 1.100 euros. On ne peut pas vivre pas avec ça. Quand on voit les distributions de dividendes... Il faut retourner dans la rue, que les travailleurs se reprennent en main. Aux armes citoyens !"
- Valérie L., 56 ans, à Paris
"Je suis contre le projet de réforme des retraites. Demander trois ans de travail en plus, je trouve ça énorme, complètement disproportionné compte tenu de la conjoncture."
- Vianney L., 33 ans, à Lille
"C'est ma première manifestation du 1er-Mai. Je suis venu parce que je trouve la conjoncture politique vraiment très triste (...) On est devant d'immenses défis et redémarrer avec cinq ans de même politique, c'est vraiment triste. Les Français doivent comprendre que les législatives sont tout aussi importantes que la présidentielle (...) C'est le Parlement qui a du pouvoir et il faut en parler !"
- Olivier A., 38 ans, analyste financier, à Paris
"J'ai une horreur absolue d'Emmanuel Macron", après un quinquennat "exécrable d'un point de vue social, sociétal, économique". "Mon idée c'est d'être là pour en témoigner. (...) Je veux envoyer le message que cette élection ne lui donne pas un blanc-seing pendant cinq ans, qu'il va y avoir des législatives, qu'on ne peut pas le laisser faire comme pendant les cinq dernières années".
- Théo B., 19 ans, étudiant boursier, à Strasbourg
"Je participe (à la manifestation) pour la dignité étudiante, pour pouvoir vivre correctement. Pour ne pas avoir à travailler en même temps que les études et donc pour les réussir, tout simplement".
"Troisième tour dans la rue"
En marge de la manifestation, des accrochages incessants opposaient les forces de l'ordre à des jeunes vêtus de noir, avec jets de projectiles et grenades lacrymogènes. Le long du boulevard Voltaire, de nombreuses vitrines de commerces ont été détruites, dont celle d'un restaurant McDonald's et de plusieurs banques. Une voiture a été fracturée, des feux se sont déclarés, dont un alimenté par des planches de bois, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Ailleurs en France des manifestations ont rassemblé 1.900 personnes à Bordeaux , 3.600 à Marseille, 3.500 à Toulouse, 4.000 à Lyon, 1.500 à Strasbourg ou Saint-Étienne, 2.000 à Lille selon les chiffres de la police. Au total, 255 points de rassemblement étaient prévus dans le pays, selon la CGT.
A Rennes, la manifestation organisée dans la matinée (1.650 personnes selon la préfecture) s'est déroulée dans le calme, mais plusieurs centaines de militants d'ultra-gauche ont joué pendant deux heures au chat et à la souris avec les forces de l'ordre, qui ont fait usage de lacrymogènes et d'un canon à eau. Des feux de poubelles ont été constatés. Dégradations aussi à Nantes, où les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser des militants d'ultra-gauche, selon la préfecture.
En 2021, les organisateurs avaient revendiqué plus de 170.000 manifestants, dont 25.000 à Paris. Le ministère de l'Intérieur avait quant à lui dénombré 106.650 manifestants en France, dont 17.000 dans la capitale.
Les associations et ONG mobilisées sur les questions environnementales étaient également de la partie, à l'appel du collectif Plus jamais ça. Et des délégations étrangères (Kurdes, Algériens...) étaient aussi présentes à Paris.
La CFDT, premier syndicat de France, fait sans surprise bande à part, en organisant un "1er mai engagé pour le climat" et pour des augmentations de salaire.
"On cherche des mobilisations qui soient plus symboliques que de masse", a déclaré à la presse son secrétaire général Laurent Berger, lors d'un rassemblement "revendicatif et festif" organisé sur les rails désaffectés de la "Petite ceinture", dans le 18e arrondissement de Paris.
(avec l'AFP et Reuters)