"Nous avons décidé de nous concentrer sur l'estimation du présent" (Julien Pouget, Insee)

4 QUESTIONS. Comment l'Insee a-t-il relevé le défi des prévisions économiques en période de Covid-19 ? Confronté à une situation inédite, l'Institut national de la statistique a dû innover et recourir, par exemple, à de nouvelles données afin de mieux appréhender la situation économique du pays, comme l'explique le chef du département de la conjoncture, Julien Pouget.
Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee.
Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La crise du Covid-19 a-t-elle rendu plus difficile l'élaboration de prévisions économiques ?

JULIEN POUGET - Le fait que la crise ait une origine sanitaire et non économique a, de fait, rendu plus difficile les prévisions, puisque les outils que nous avons l'habitude d'utiliser ne nous disent rien sur les développements épidémiologiques ! Et aujourd'hui encore, la situation sanitaire reste le premier déterminant de la conjoncture économique. Dans ce contexte très singulier, nous avons décidé de nous concentrer sur l'estimation du présent, en tentant de mesurer en temps quasi-réel les fluctuations de deux agrégats macroéconomiques : le PIB et la consommation des ménages.

Comment avez-vous procédé au calcul de ces agrégats ?

Sur le plan économique, nous avons eu affaire à des mouvements soudains et de très grande ampleur, avec notamment les périodes de confinement et de déconfinement. Pour estimer l'ampleur de ces mouvements, nous avons, entre autres, mobilisé de nouvelles données, dites « à haute fréquence » : il s'agit de données disponibles à des fréquences plus resserrées que celles que nous avons l'habitude d'utiliser. Quand la situation change du tout au tout en l'espace d'une semaine voire d'une journée, il est utile de disposer de données mises à jour quotidiennement, plutôt qu'au mois le mois.

Auprès de qui avez-vous récupéré ces nouvelles données ?

Certaines d'entre elles, comme les données de mobilité publiées par Google ou Apple, sont en accès libre. Mais nous avons aussi noué des partenariats nouveaux, notamment au début du premier confinement, par exemple avec des opérateurs de téléphonie mobile pour avoir des données agrégées sur l'activation des réseaux de téléphonie mobile et pouvoir en déduire des statistiques sur les déplacements de la population.

Nous avons également noué un partenariat avec le Groupement des cartes bancaires CB pour disposer des montants agrégés de transactions par cartes bancaires et pouvoir ainsi estimer en temps quasi réel la baisse de consommation des ménages.

En mobilisant ces nouvelles données, mais aussi grâce à d'autres sources comme les remontées des fédérations professionnelles, nous avons pu produire dès la fin mars une première estimation de la perte d'activité économique liée au premier confinement.

Je précise que certaines données à haute fréquence figurent depuis longtemps dans notre boîte à outils, comme par exemple le suivi de la consommation d'électricité, qui donne des informations sur les fluctuations de la production industrielle.

Quels enseignements tirez-vous de ce contexte inédit?

La situation a exigé de mettre en place beaucoup d'innovations, un peu à marche forcée. J'espère que nous avons montré que nous savions nous adapter et que nous pouvions éclairer le public et les décideurs sur la conjoncture économique, même en période de crise aiguë.

Propos recueillis par Ivan Capecchi

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