Indexation des retraites : la mesure opportuniste de Macron avant la bataille des législatives

À quelques semaines des élections législatives, le gouvernement multiplie les gestes en direction des retraités (indexation des retraites sur l'inflation, revalorisation du minimum vieillesse). Le nouveau ministre en charge du Travail et de la réforme des retraites Olivier Dussopt doit recevoir les syndicats ce mercredi rue de Grenelle pour échanger sur les modalités de mise en oeuvre de cette indexation aux contours encore bien flous.
Grégoire Normand
Emmanuel Macron et Elisabeth Borne à la sortie du conseil des ministres lundi 23 mai.
Emmanuel Macron et Elisabeth Borne à la sortie du conseil des ministres lundi 23 mai. (Crédits : Reuters)

Le gouvernement a décidé de changer de braquet. Après de longues discussions pour établir un nouveau gouvernement, Emmanuel Macron veut occuper l'agenda alors que les élections législatives s'approchent à grands pas.  Au lendemain de la passation de relai avec la nouvelle Première ministre Élisabeth Borne, le ministre du Travail et du Plein emploi Olivier Dussopt a déclaré au micro de RTL ce mardi 24 mai que l'exécutif avait pour objectif d'indexer les pensions de retraite sur l'inflation dès le mois de juillet pour un versement au début du mois d'août.

L'ancien ministre des Comptes publics en charge d'une réforme particulièrement explosive reprend ainsi une mesure défendue par Emmanuel Macron lors de sa brève campagne. Olivier Dussopt a d'ailleurs prévu de recevoir les syndicats ce mercredi après-midi pour évoquer notamment le pouvoir d'achat des actifs, mais aussi celui des retraités.

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À la veille de cette réunion, Michel Beaugas, secrétaire confédéral chez Force ouvrière interrogé par La Tribune tient à rappeler que "l'indexation des retraites n'est pas une nouveauté. Cet outil est inscrit dans le code de la sécurité sociale [...] En réalité, c'est l'inflation du mois d'avril de 4,8% qui devrait être prise en compte pour les fonctionnaires et les pensionnés du régime général, ajoute-t-il. C'est pourquoi nous réclamons une indexation à minima de 4,8% au gouvernement. Surtout que cela fait 10 ans que les retraites sont sous indexées".

Une indexation présentée en Conseil des ministres après les législatives

Cette mesure, qui s'inscrit dans un paquet pouvoir d'achat plus large, doit figurer à l'ordre du jour d'un Conseil des ministres après les élections législatives prévues les 12 et 19 juin prochains. La nouvelle porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire a expliqué que le texte sera présenté au Parlement pour être voté dans la foulée si le gouvernement obtient une majorité. Il faut rappeler que ce coup d'accélérateur n'est pas anodin.

En effet, les retraités ont massivement voté pour le candidat de la République en Marche au premier et au second tour de la présidentielle en avril dernier. La plupart des enquêtes d'opinion montrent une surreprésentation des retraités dans l'électorat macroniste. Au premier tour, Emmanuel Macron avait fait une percée spectaculaire en remportant 38% des suffrages chez les retraités très loin devant Marine Le Pen (17,5%) ou encore Jean-Luc Mélenchon (11%) selon une étude Ipsos.

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Retraite à 60 ans proposée par la NUPES

En face, la gauche fourbit également ses armes en vue des élections législatives.  L'état major de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES) emmenée par Jean-Luc Mélenchon arrivée à la troisième marche du podium à la présidentielle a présenté en fin de semaine dernière un épais catalogue de 650 mesures pour son programme des législatives. Après de longues tractations, les différents courants politiques classés à gauche ont réussi à s'entendre sur un socle de base tout en assumant des clivages sur l'Europe, l'OTAN ou encore le nucléaire.

Parmi les mesures phares, figure la retraite à 60 ans à taux plein avec 40 annuités de cotisations contre 42 actuellement "avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles" explique le programme. Si les candidats NUPES remportent une majorité au Palais Bourbon, ils proposeront d'indexer le montant des retraites sur les salaires et de maintenir l'équilibre financier du système en "soumettant à cotisation patronale les dividendes, participation, épargne salariale, rachats d'actions, heures supplémentaires, en augmentant de 0,25 point par an le taux de cotisation vieillesse et en créant une surcotisation sur les hauts salaires".

Les candidats de la gauche proposent également une revalorisation des pensions de retraite, avec un minimum à 1.500 euros par mois pour une carrière complète et 1.063 euros pour le minimum vieillesse.

Le niveau de vie des retraités grignoté par l'inflation

Pour rappel, la pension moyenne versée en France tous régimes confondus s'établit à 1.400 euros en France après les prélèvements. Le niveau de vie médian reste supérieur à celui de l'ensemble de la population rappelle le vaste panorama dévoilé récemment par la direction statistique du ministère de la Santé (Dress).

Derrière cette moyenne, un fossé béant demeure entre les hommes (1.931 euros) et les femmes (1.150 euros) et la zone de résidence des ménages. "Dans ce contexte d'inflation, le pouvoir d'achat des ménages retraités est mécaniquement touché. Les plus aisés peuvent réduire leur capacité d'épargne pour amortir les effets de cette inflation. Le retour de l'inflation est donc particulièrement sensible pour les plus petites retraites mais également selon le lieu de résidence. En effet, de nombreux ménages retraités vivent aussi dans des zones géographiques où la voiture est indispensable et où il y a très peu de transports en commun. Ils subissent alors pleinement la hausse du coût des carburants", souligne Vincent Touzé, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste des retraites interrogé par La Tribune.

Déjà en 2021, les pensions ont augmenté de 0,4% alors que l'inflation a grimpé dans le même temps à 1,6%. Ce qui signifie que le revenu des retraites a reculé l'année dernière. Et ce phénomène devrait se poursuivre pour le premier semestre 2022, compte tenu de la poussée de fièvre des prix dans l'énergie et l'alimentation notamment. L'Insee table sur une inflation supérieure à 5% au mois de juin prochain.

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Indexation : des modalités à préciser

Beaucoup de flous restent à éclaircir par le gouvernement dans la mise en oeuvre de cette indexation. En effet, cet instrument peut s'appliquer selon plusieurs règles. "Il y a eu des règles d'indexation partielle des pensions de retraite, mais l'inflation était parfois trop basse pour que ces règles soient intégralement appliquées. Il faut également rappeler que la sous-indexation fait partie des instruments de contrôle des dépenses même si le principe de base est que les pensions doivent être indexées sur l'inflation," poursuit Vincent Touzé.

Au micro de RTL, le ministre Olivier Dussopt a expliqué que l'indexation ne concernait que la retraite de base, pas la complémentaire. "Beaucoup de modalités restent à préciser. Le parcours législatif du projet de loi risque de modifier les modalités de cette indexation", ajoute Michel Beaugas. En effet, de nombreux amendements au moment des discussions parlementaires au Palais Bourbon pourraient changer le contenu de projet de loi.

Une réforme houleuse en préparation

Après un échec à faire passer une réforme lors du premier quinquennat Macron, la deuxième tentative de repousser l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans s'accompagne d'une carotte supplémentaire: le président a promis à tous les retraités une pension minimale de 1.100 euros par mois, et des aménagements au seuil des 65 ans pour les carrières longues et certains métiers pénibles. Pas de quoi amadouer les syndicats, qui clament déjà leur opposition à la réforme, deux ans et demi après avoir appelé à des grèves qui avaient paralysé les transports dans le pays.

Chez Force ouvrière, le report de l'âge légal des retraites est vivement critiqué. "Cette réforme est dogmatique pour le patronat. L'étude de la Dress (la direction statistique du ministère de la Santé) montre que les Français ne veulent pas partir plus tard à la retraite. On travaille déjà plus longtemps. Le choix des Français est de vouloir profiter plus longtemps de leur retraite", conclue Michel Beaugas. En septembre, la rentrée sociale s'annonce chargée pour l'exécutif.

Grégoire Normand
Commentaires 9
à écrit le 27/05/2022 à 13:43
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Si on a droit à la retraite on n'a pas droit au minimum vieillesse

à écrit le 27/05/2022 à 13:41
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Si on a droit à la retraite on n'a pas droit au minimum vieillesse

à écrit le 25/05/2022 à 11:59
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Moi je crois que la ré-indexation des retraites sur l’inflation devrait être l’occasion de changer les dates du paiement des pensions du régime général, actuellement effectué le 9 ou 10 de chaque mois, et qui devrait être avancé au premier jour du mo...

à écrit le 25/05/2022 à 8:48
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je resume, on indexe les retraites sur l'inflation, on indexe les salaires des fonctionnaires sur l'inflation + bonus, on indexe les salaires dans l'industrie et les services sur l'inflation, mais attention, on lutte contre l'inflation, hein, on ne v...

le 25/05/2022 à 10:16
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ou vous avez vu que les salaires sont indexés surl inflation. ca n est pas le cas et ca le sera pas. au contraire les salaires vont baisser car il va bien falloir payer les + 4 % des retraités (pour ceux qui ont pas encore compris la retraite par rep...

le 01/06/2022 à 9:11
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On fait toujours tout ces choix au pires moment pour les bénéficiaires qui en profiteront jamais. Cette indexation aurait dû être faite avant l’inflation pas dans 6 mois quand elle se stagnera et où les retraités perdre très gros...

à écrit le 25/05/2022 à 7:17
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Qu'il laisse son futur chef de gouvernement résoudre les problèmes qu'il n'a pas su régler durant son précèdent quinquenat!

à écrit le 24/05/2022 à 23:42
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Le président Macron s'en fout du quoi qu'il en coûte, ce seront les enfants et petits enfants qui paieront. Et lui... N'en a pas.

à écrit le 24/05/2022 à 22:13
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Et pour les retraites qui sont inférieures au "minimum vieillesse" que font-ils ?

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