L'amorce d'une baisse des taux n'a pas créé d'appel d'air. Le montant des nouveaux crédits à l'habitat, hors renégociations, a de nouveau baissé en mars, à 6,7 milliards d'euros, soit le volume le plus bas depuis près de dix ans, selon les données de la Banque de France publiées lundi. Il était le mois précédent de 7,4 milliards d'euros.
Le taux d'intérêt moyen de ces nouveaux prêts est pourtant plus favorable aux emprunteurs, selon la même source, passant de 4,11% en février à 3,94% en mars, soit le deuxième mois consécutif de baisse après le pic de janvier (4,17%). Ces taux s'entendent hors frais et assurance. Tous frais compris, le taux était entre janvier et mars de 4,79% pour une durée de vingt ans et plus, selon la Banque de France.
Un prix de l'immobilier toujours élevé
Si ce mouvement de baisse et des appels du pied des banques sont normalement de nature à dynamiser le marché, les candidats à la propriété ne se bousculent pas au portillon. Le frein principal est partagé par l'ensemble des acteurs du marché : un prix de l'immobilier toujours élevé. Le coût du crédit, significatif pour les candidats à l'emprunt même avec un début de baisse des taux, pèse donc sur le pouvoir d'achat immobilier des ménages.
Selon les données de l'Observatoire du crédit immobilier, dévoilé mi-avril, la baisse des taux n'a pas permis de redresser l'indicateur de solvabilité des ménages, qui stagne au même niveau depuis un an et demi. Cet indicateur clé est tiraillé par des vents contraires, entre rebond du coût des opérations, hausse de l'apport et stagnation des revenus.
« Nous sommes dans une situation un peu paradoxale. D'un côté, nous avons des indicateurs qui nous disent que le marché reprend progressivement des couleurs. Mais, de l'autre côté, les indicateurs conventionnels d'évaluation des capacités des ménages à emprunter ou à entrer sur le marché semblent flotter, en tout cas, ne donnent pas de signes très convaincants d'évolution du marché, dans un sens comme dans l'autre », avançait alors Michel Mouillart, professeur des Universités et conseiller scientifique de l'Observatoire Crédit Logement.
Pour autant, la baisse des taux est un signal fort à destination des ménages pour enfin imaginer, à nouveau, des projets immobiliers. « Nous sommes quand même dans une situation où beaucoup de conditions font que probablement la décision d'acheter un bien immobilier l'emporte désormais sur la décision de ne pas le faire », ajoutait l'économiste.
Au total, la production, cette année, devrait rester autour de 150 milliards d'euros, soit le même niveau qu'en 2023, avant de connaître une progression à deux chiffres, dans le sillage du second semestre 2024, et pourrait atteindre les 165 ou 170 milliards d'euros fin 2025. Salon la filière, le marché pourrait ne jamais retrouver les belles années de 2019 ou de 2021 avec 200 milliards.
La réforme du Haut Conseil de stabilité financière enterrée
Par ailleurs, le marché du crédit immobilier a été animé ces dernières semaines par une proposition de loi portée par le député Renaissance Lionel Causse, soutenue par Bercy, visant à réformer le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). L'instance encadre entre autres les conditions d'octroi de crédit immobilier, notamment en matière d'investissement locatif.
Critiquée par la Banque de France et vidée de sa substance par plusieurs amendements, cette proposition de loi, qui visait à réformer les statuts du HSCF en lui ajoutant deux membres, l'un issu du Sénat et l'autre de l'Assemblée a finalement été retirée fin avril par son auteur. La présence de parlementaires contribuerait « à renforcer la légitimité démocratique des mesures prises », avait fait valoir le député, réfutant une menace sur l'indépendance du HCSF vis-à-vis du pouvoir politique, comme le craignaient les socialistes ainsi que la Banque centrale européenne.
Créé en 2013 en tirant les leçons de la crise financière de 2008-2011, le HCSF a fixé au fil des ans un ensemble de préconisations sur le crédit immobilier dans le but de limiter le surendettement des ménages. Les banques n'ont ainsi pas le droit de signer un crédit immobilier si le montant total des dépenses des emprunteurs liées à l'habitation dépasse 35% de leurs revenus (taux d'effort), ni pour une durée supérieure à 25 ans, sauf si des travaux représentent 10% du montant total de l'opération. Des bornes qui peuvent être contournées dans 20% des cas, sous conditions.
La date de la prochaine réunion trimestrielle de l'instance, qui réunit notamment le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau et le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, n'a pas encore été annoncée. La réunion du premier trimestre, qui n'a jamais été officiellement annoncée, s'est bien tenue mais via « une procédure écrite » a indiqué Bercy à l'AFP lundi, confirmant une information des Echos. Elle n'a donné lieu à aucun changement.
A la recherche de nouveaux dispositifs
Pour sortir de l'ornière, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a mis en avant en début d'année un type de prêt méconnu du grand public, s'appuyant sur l'exemple suisse : le prêt remboursable in fine. Très peu commercialisé aujourd'hui par les établissements bancaires en France, ce produit dissocie le paiement des intérêts et le remboursement du capital. En pratique, l'emprunteur paye chaque mois les intérêts du prêt (et l'assurance) mais ne rembourse le capital qu'en une seule fois, à échéance du prêt. Cette proposition a été accueillie fraîchement par la Fédération bancaire française (FBF) et la Banque de France.
La directrice générale adjointe de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel Priscille Szeradzki a mis quant à elle en avant deux dispositifs la semaine dernière, en marge de la présentation des résultats de son groupe bancaire mi-mars. D'abord le bail réel solidaire, qui dissocie le foncier du bâti afin permettre de baisser le prix des logements : « vous achetez uniquement le logement et vous louez le terrain à un Organisme foncier folidaire (OFS) pour un loyer faible, en signant un bail réel solidaire, d'une durée comprise entre 18 et 99 ans », explique sur son site le géant du logement social et des aides à l'habitat Action Logement. Le Crédit mutuel pousse également « le prêt social location accession », qui permet aux locataires de décompter une partie de leurs loyers déjà versés du prix d'achat du logement.
(Avec AFP)
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