Relance : où en sont les maires dans la reprise post-Covid ?

REPORTAGE. Les communes et les intercommunalités sont-elles assises sur un matelas d'or ou peinent-elles réellement à relancer leurs moteurs économiques après le choc de la crise sanitaire ? Pour tenter d'y voir plus clair, La Tribune est allée à la rencontre de quatre élus qui ont participé au congrès annuel des maires de la porte de Versailles.
César Armand
(Crédits : Damien Meyer/Pool/AFP)

C'est le sujet tabou du congrès des maires : les communes et leurs intercommunalités ont-elles encore des marges de manœuvre financières pour accompagner la reprise économique post-crise sanitaire ?

D'un côté, le cabinet Stratégies Locales explique que les communes disposent, depuis fin juillet 2021, de 26,8 milliards d'euros de trésorerie disponible sur leurs comptes, soit l'équivalent de 1,2 année de dépenses d'investissement, hors dette. Mais de l'autre, le maire (PS) d'Issoudun (Indre) et président du comité des finances locales, André Laignel, s'agace de ces chiffres. "On nous dit qu'on dort tous sur un matelas d'or, quelle subtile plaisanterie !"

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"Nous allons devoir faire une pause sur nos investissements"

Pour tenter d'y voir plus clair, La Tribune est allée à la rencontre de quatre maires, pris au hasard dans le public du grand auditorium de la porte de Versailles.

Parmi eux, Michel Gabas est maire (Les Républicains) d'Eauze (4.200 habitants) "5è ville du Gers", précise-t-il aussitôt -, président du Pays d'Armagnac (102 communes, 46.000 habitants) et conseiller départemental.

"Les dotations de fonctionnement ont baissé, l'excédent de fonctionnement a baissé, nous allons devoir faire une pause sur nos investissements", déclare-t-il, à peine la conversation entamée. Il a beau avoir engagé 20 millions d'euros d'investissements depuis 2008, "les critères d'éligibilité aux aides régionales et aux aides de l'Etat se complexifient", poursuit-il.

Lui qui a connu trois présidents de la République - Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron - et autant de gels - décidé par un certain François Baroin, alors ministre du Budget -  puis de baisses de dotations successives, Michel Gabas "regrette la recentralisation de la fiscalité". Après avoir perdu la taxe d'habitation, quoique compensée à l'euro près par l'Etat, "nous n'avons plus que des dotations et des fonds de péréquation tant est si bien que nous perdons de l'autonomie", regrette-t-il encore.

"Les appels d'offres ont d'abord été infructueux"

De l'autre côté de l'échiquier politique, Sylvie Sculo, maire de gauche et écologiste de Séné (Morbihan, 9.000 habitants), confirme, pour sa part, la reconstitution d'une trésorerie dans sa commune, mais l'impute à la continuité de l'action municipale.

"Cela m'a permis de lancer des travaux dès le lendemain de l'élection: la réfection d'un gymnase pour 3.000 euros, la construction d'une "maison des habitants" pour 1 million d'euros", précise-t-elle. "Nous sommes dans une situation privilégiée", ajoute-t-elle aussitôt.

En réalité, Sylvie Sculo a dû attendre que les sociétés, privées ou limitées dans leur activité pendant les confinements, se réorganisent. "Sur ces grands chantiers, les appels d'offres ont d'abord été infructueux car les entreprises sortaient, elle aussi, d'une période compliquée", témoigne-t-elle.

Toujours est-il que l'édile a ainsi déjà adopté un plan pluriannuel d'investissement. "Nous devrions nous diriger vers un pic de 4 millions d'euros d'investissement en 2022, sous réserve que nous n'ayons pas un gros coup de frein, type confinement", affirme-t-elle.

De la même façon qu'elle s'apprête à souscrire un prêt auprès de l'Agence France locale, la banque publique de développement créée par et pour les collectivités territoriales. "C'est le moment de se donner de la marge avant que les taux d'intérêts ne repartent à la hausse", justifie-t-elle.

"Avant les "gilets jaunes", le sentiment d'être rejetés par le gouvernement"

Elle ne croit pas si bien dire. Son confrère Mahfoud Aomar, maire (Divers droite) de Valravillon (1.800 habitants, Yonne) et président de la communauté de communes de l'Aillantais (11.000 habitants, 13 communes) vient d'y souscrire un emprunt de 10 ans à un taux de 0,37% pour financer l'installation d'un cabinet dentaire intercommunal. "Je n'ai jamais connu un taux pareil en vingt ans de mandat", s'exclame-t-il.

De la même manière que grâce au plan France Relance, doté de 100 milliards d'euros pour 2021 et 2022, l'élu local va bénéficier de subventions. Après avoir répondu à un appel à projets sur le numérique, il s'est fait financer 80% d'un système de vidéo pour diffuser les conseils municipaux en visioconférence.

Autrement dit, il a touché 8.000 euros pour un dispositif qui en coûte traditionnellement 10.000 euros. Le gain est également civique: "Quand nous diffusons en direct, nous pouvons avoir jusqu'à 100 personnes connectées qui nous regardent", assure-t-il.

"Avant les "gilets jaunes", j'avais le sentiment qu'on était rejetés par le gouvernement. C'est la première fois depuis mon élection en 2001 que je vois autant de proximité", confie Mahfoud Aomar. "Les préfets sont beaucoup plus proches de nous. C'est une vraie différence", souligne-t-il.

"Les agents municipaux n'ont pas touché le chômage partiel !"

A la tête d'une "commune riche", grâce à EDF qui lui verse chaque année 190.000 euros du fait de la présence d'une interconnexion électrique de 400.000 volts, Chantal Soudon, maire (Divers droite) de La Martyre (800 habitants, Finistère) et vice-présidente de la communauté de communes du Landerneau-Daoulas (22 communes, 50.000 habitants), veut, elle, "parler de quelque chose dont la presse n'a jamais parlé".

L'ex-cadre du privé s'étonne en effet que, depuis le début de la crise de la Covid-19, "personne n'ait dit que les agents municipaux n'ont pas touché le chômage partiel". "Tout le monde pensait qu'ils étaient payés par l'Etat pour rester à la maison", s'agace-t-elle.

Dans son village, sur cinq agents - de catégorie C - dédiés à la cantine de l'école, quelques-uns ont continué à travailler pendant les confinements pour accueillir les enfants des personnels médicaux. "En termes d'achats de nourriture, les charges ont baissé, mais la charge fixe de personnel a demeuré, même pour dix enfants", insiste-t-elle.

En temps normal, son réfectoire accueille 150 élèves des cinq communes alentour, mais là encore, c'est une perte tarifaire sèche quotidienne. "Nous savons qu'à chaque repas, nous perdons de l'argent. Cela nous revient à 6,50 euros par repas, mais nous le facturons à trois euros", dit-elle.

Parallèlement, bien que réélue dès le premier tour en mars 2020, Chantal Soudon a peiné à relancer des projets dans la foulée. "Seuls cinq élus sur quinze ont continué et dix ont arrêté. Le temps de se voir après le premier confinement et de laisser passer l'été, nous n'avons pas pu lancer des projets avant septembre 2020", explique-t-elle.

Là encore, cela concerne l'école. L'édile vient de lancer la rénovation énergétique de l'établissement. Sur un budget global de 260.000 euros, elle va toucher 70.000 euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et 50.000 euros de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Il faut dire aussi que l'Etat a mis sur la table 6,7 milliards d'euros pour la rénovation des bâtiments publics et privés dès septembre 2020.

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César Armand
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