Des changements à la tête de deux ministères-clés, mais un remaniement assez limité : l'Elysée a dévoilé jeudi la nouvelle équipe gouvernementale, avec la promotion de Gabriel Attal à l'Education et une surprise, l'arrivée à la Santé d'Aurélien Rousseau, l'ex-bras droit d'Elisabeth Borne.
Bruno Le Maire à l'Economie, Gérald Darmanin à l'Intérieur, Catherine Colonna aux Affaires étrangères, Sébastien Lecornu à la Défense, Olivier Dussopt au Travail, Christope Béchu à la Transition écologique et même Olivier Véran, un temps donné partant, comme porte-parole du gouvernement : les poids lourds restent à leur poste à l'issue de ce remaniement présenté comme « technique » par l'entourage d'Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat, qui s'est résolu à se séparer des principales figures issues de la société civile et dont le bilan était mitigé, va réunir vendredi un gouvernement aussi pléthorique qu'il l'était jusqu'ici, avec 41 membres au total, 21 femmes et 20 hommes.
Il doit s'adresser aux Français d'ici dimanche pour clore les « cent jours » qu'il s'était donné mi-avril pour tourner la page de la crise des retraites. La réponse de fond aux émeutes urbaines de fin juin attendra, elle, la rentrée. Ministres et conseillers décrivaient depuis lundi une bataille feutrée entre Elisabeth Borne, qui espérait renouveler au moins ces deux postes pour asseoir son autorité, et Emmanuel Macron, qui voulait conserver la cartouche d'un grand chambardement pour des temps plus difficiles.
L'entourage du chef de l'Etat affirme que « sur chacun de ces portefeuilles il s'agit soit d'avoir une incarnation plus forte, soit une capacité à mettre en œuvre les réformes avec plus de rapidité et d'efficacité ».
Deuxième ajustement ?
« Elle redonne du souffle et s'entoure d'alliés », tandis que lui se garde « l'opportunité d'un deuxième ajustement pour la campagne des européennes », ajoute un cadre du camp présidentiel.
Mais selon Céline Bracq, de l'institut de sondages Odoxa, « en termes d'opinion, ce résultat sera soit neutre soit négatif ». « Les Français souhaitaient un remaniement d'ampleur avec un changement de Premier ministre et des ministres impopulaires qui seraient sortis du gouvernement », dit-elle à l'AFP.
Mercredi soir, devant les parlementaires de son camp, Emmanuel Macron a fixé à son camp la feuille de route de la rentrée: « innover » pour répondre aux émeutes, « inventer une écologie de progrès et de solutions » et se saisir du sujet explosif de l'immigration pour ne pas laisser « les extrêmes se nourrir ».
Or le gouvernement ne dispose toujours pas d'une majorité absolue à l'Assemblée. Après l'épreuve du feu des retraites, Elisabeth Borne va de nouveau batailler à coups de « 49.3 » pour faire adopter le budget 2024 face à des oppositions déterminées à en découdre.
Le remaniement n'a d'ailleurs pas permis d'élargir la majorité à certains membres du parti Les Républicains, qui avait mis en garde contre les « débauchages individuels ». « Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées », s'est réjoui le président des députés LR Olivier Marleix sur BFMTV, estimant que le nouveau casting n'allait pas « bouleverser » la « vie politique française ».
Un gouvernement qui conserve son architecture globale Les nouvelles têtes Surprise de ce remaniement : Aurélien Rousseau, l'ancien directeur de cabinet d'Elisabeth Borne à Matignon, prend la tête du ministère de la Santé. Cette nomination marque une double victoire pour la Première ministre : celle d'imposer un proche à cette fonction stratégique, la Santé étant fléchée comme l'un des sujets prioritaires du quinquennat, mais aussi d'avoir su convaincre le président de la République de se séparer de l'ancien titulaire du poste, l'urgentiste François Braun. L' « ajustement » gouvernemental fait par ailleurs la part belle aux élus, sans puiser de nouvelles figures issues de la société civile. La députée Renaissance Aurore Bergé remplace Jean-Christophe Combe au ministère des Solidarités; le député MoDem Philippe Vigier obtient le portefeuille des Outre-mer à la place de Jean-François Carenco; le député Renaissance Thomas Cazenave récupère les Comptes publics. La députée Renaissance Sabrina Agresti-Roubache et le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, sont respectivement nommés à la Ville et au Logement, des attributions qui revenaient jusqu'alors à Olivier Klein, qui quitte le gouvernement. Prisca Thevenot, jusqu'alors porte-parole des députés Renaissance, récupère le secrétariat d'Etat en charge du Service national universel. La députée Fadila Khattabi remplace Geneviève Darrieussecq aux Personnes handicapées. Le promu Déjà benjamin du gouvernement, désormais plus jeune ministre de l'Education nationale de la Ve République: Gabriel Attal apparaît comme le major de cette nouvelle promotion, et poursuit une ascension entamée en 2018 avec un modeste secrétariat d'Etat à la Jeunesse, avant le porte-parolat puis les Comptes publics. Celui qui se retrouve à la tête du plus gros budget de l'Etat échappe par la même occasion à un casse-tête annoncé : l'examen du budget 2024 cet automne au Parlement, promis électrique, auquel devra se frotter son successeur Thomas Cazenave. Les chaises musicales Sarah El Haïry, qui laisse le dossier du SNU à Prisca Thevenot, récupère le portefeuille de la Biodiversité qui appartenait jusqu'alors à Bérangère Couillard. Cette dernière reprend l'Egalité femmes-hommes, à la place d'Isabelle Rome, débarquée du gouvernement. Les piliers restent en place Eric Dupond-Moretti à la Justice, Bruno Le Maire à l'Economie, Gérald Darmanin à l'Intérieur, Olivier Dussopt au Travail... Les poids-lourds du gouvernement restent en place et en poste, de même que Christophe Béchu à la Transition écologique, Sébastien Lecornu aux Armées, Catherine Colonna aux Affaires étrangères, Rima Abdul-Malak à la Culture, Marc Fesneau à l'Agriculture ou Clément Beaune aux Transports. Ceux qui ont sauvé leur tête in extremis Plusieurs personnalités un temps annoncées partantes ont finalement survécu à ce remaniement qu'Emmanuel Macron voulait circonscrit, quand sa Première ministre plaidait pour un souffle régénérateur davantage marqué. Ainsi, Olivier Véran s'occupe toujours du porte-parolat, Franck Riester conserve les Relations avec le Parlement et Agnès Firmin Le Bodo demeure chargée de l'Organisation territoriale et des professions de santé. De même, Sonia Backès reste à la Citoyenneté. Ceux qui partent Outre Pap Ndiaye, François Braun, Jean-François Carenco, Jean-Christophe Combe, Olivier Klein, Isabelle Rome et Geneviève Darrieussecq, Marlène Schiappa quitte également le gouvernement, après six ans de fonctions exécutives. Celle qui avait pris la tête du secrétariat d'État chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la vie associative, qui se revendiquait comme un "électron libre", paie notamment sa gestion contestée du Fonds Marianne.