Climat : Macron joue les éclaireurs d’une alliance sino-européenne

Dès le premier discours de son premier déplacement officiel en Chine, le président français a souhaité placer la coopération entre les deux pays sur le plan du climat. Un positionnement cohérent avec la posture adoptée depuis la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris, qui le place de facto dans un rôle d’ambassadeur européen sur le sujet.
Dominique Pialot
Pour son premier voyage en Chine, Macron propose une coopération sur le climat.
Pour son premier voyage en Chine, Macron propose une coopération sur le climat. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

« Make our planet great again ». Plus de sept mois après l'avoir prononcé une première fois en anglais au soir de l'annonce par Trump de la prochaine sortie des Etats-Unis de l'Accord de Paris, c'est en mandarin que le président français, en voyage officiel en Chine, a réitéré ce 8 janvier son credo climatique.

Il l'a fait dans le cadre d'un discours appelant à une coopération franco-chinoise pour « relancer la bataille climatique » et à « préparer un rehaussement de nos engagements » contre le réchauffement lors de la prochaine COP24, prévue en Pologne à la fin de l'année 2018. Plus largement, Emmanuel Macron a plaidé pour une alliance franco-chinoise pour « l'avenir du monde », en particulier dans l'environnement, et pour que l'Europe coopère aux « nouvelles routes de la soie ». Ce gigantesque projet d'expansion chinois également baptisé « One belt, one road » prévoit la construction de routes, ports et voies ferrées dans 65 pays pour plus de 1.000 milliards de dollars constituant une ceinture terrestre, via l'Asie centrale et la Russie, ainsi qu'une route maritime vers l'Afrique et l'Europe, via l'océan indien, visant à renforcer les échanges entre la Chine et le reste du monde.

La force d'entraînement mondial de la Chine

Le président français a rappelé le rôle essentiel de la Chine - premier émetteur de gaz à effet de serre au monde mais aussi premier investisseur dans les énergies renouvelables - d'abord dans l'obtention de l'Accord de Paris et plus encore dans son maintien suite à la défection américaine. « La Chine a tenu parole. Vous avez démontré la réalité de votre prise de conscience et votre immense sens des responsabilités, a-t-il déclaré. Qui aurait pu imaginer il y a quelques années que la Chine démontrerait une force d'entraînement mondial dans ce domaine ? » , s'est-il demandé. Rappelant que sa propre initiative « One planet summit » du 12 décembre dernier avait pour objectif d'aller plus vite sur la question climatique en réunissant les acteurs progressistes et en mobilisant la finance mondiale, il a notamment cité l'élargissement du marché carbone à l'échelle nationale (annoncé d'ici à 2020) comme gage des ambitions chinoises en la matière. Il n'a pas manqué de rappeler la contribution de l'Agence française de développement à cette transition chinoise, affirmant que 25 des 30 projets financés depuis 15 ans sur le sol chinois pour un montant global de 1 milliard d'euros y contribuaient directement. Il a également souhaité que les deux pays coopèrent autour du « Pacte mondial pour l'environnement » élaboré par Laurent Fabius pour aligner le droit et les objectifs climatiques. Autre projet plus concret : l'organisation en 2019 d'une « année franco-chinoise de la transition écologique », une version augmentée du mois franco-chinois sur l'environnement organisé en 2017 autour de 100 événements qui se sont déroulés dans une vingtaine de villes chinoises.

Une Chine qui joue le jeu du multilatéralisme

Teresa Ribera, ex-secrétaire d'Etat espagnole aux Changements climatiques qui préside aujourd'hui l'IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), salue l'initiative française. « C'est une très bonne nouvelle qu'Emmanuel Macron souligne le climat comme champ de collaboration et sujet à inscrire à l'agenda bilatéral franco-chinois. » Un agenda qui englobe d'ores et déjà des projets nucléaires (le premier EPR au monde devrait entrer en service à Taishan cette année) et aéronautiques. Dans un entretien avec la presse chinoise, le président français a également évoqué les secteurs de l'agro-alimentaire, de la santé, de la silver economy, du tourisme, des services financiers, de l'art de vivre et...de la transition énergétique. Gageons que les ONG françaises auront à cœur de souligner le risque de décalage entre la posture très proactive adoptée sur la scène internationale et les retards à l'allumage qu'elles déplorent sur le sol français. Mais pour Teresa Ribera, cette initiative vient à point nommé, dans un contexte compliqué aussi bien pour le multilatéralisme que pour l'Europe.

La Chine a bien compris son intérêt de se positionner sur le sujet climat sur un plan économique ou géopolitique. Mais elle pourrait choisir de le faire dans un cadre exclusivement bilatéral. « Pour le moment, Pékin joue le jeu du multilatéralisme », constate Teresa Ribera. Et ce serait dramatique, pour l'avenir des négociations internationales sur le climat, qu'elle décide d'en sortir à son tour. Emmanuel Macron a d'ailleurs déclaré à la presse chinoise que les deux pays pouvaient agir efficacement ensemble pour sortir de la mauvaise passe que traverse ce mode de coopération, pourtant indispensable pour apporter des réponses globales aux enjeux du climat ou du commerce international. De son côté, en tant que cheville ouvrière de l'Accord de Paris, la France bénéficie d'une légitimité particulière sur le climat. « La France a la taille et l'expérience nécessaires pour jouer ce rôle », affirme Teresa Ribera. Les entreprises comme les acteurs financiers sont plutôt bien placés sur ce sujet, et Macron l'a bien compris.

Positionner l'Europe comme partenaire de référence

Il peut donc légitimement se présenter comme ambassadeur du reste de l'Europe, et préparer le terrain pour un accord plus large entre la Chine et l'Union européenne. « La France se transforme en profondeur et, avec elle, c'est l'Europe qui est de retour pour construire une coopération équilibrée avec la Chine », a-t-il d'ailleurs assuré. En effet, ce serait au niveau européen plutôt que franco-français que devrait se nouer l'alliance. Sauf qu'il n'y a guère que Macron en Europe aujourd'hui en mesure de proposer ce genre d'accord, les autres grandes puissances européennes étant chacune engluée dans une situation domestique compliquée. Rappelant que la Chine est déjà le premier partenaire commercial de l'Europe, il a néanmoins regretté que ce partenariat ne soit pas au niveau auquel il devrait, et espéré que son projet pour une Europe forte, souveraine et unie, fasse du Vieux continent un partenaire plus naturel encore pour la Chine. Cet enjeu pour devenir le partenaire de référence est d'autant plus essentiel que lors de la conférence sur ces nouvelles routes de la soie organisée par Pékin en juin dernier, à l'inverse des pays émergents, de Poutine et d'Erdogan, les dirigeants européens étaient bien peu représentés.

Vers des routes de la soie écologiques ?

Mais cette coopération souhaitée sur le front du climat rend plus nécessaire encore la convergence entre l'agenda expansionniste chinois incarné par les « nouvelles routes de la soie » et l'agenda 2030 regroupant l'Accord de Paris et les objectifs de développement durable (ODD). Ce qui n'est pas gagné, mais ne doit pas empêcher, selon Teresa Ribera, de distinguer dans la proposition française à la Chine « des impulsions sur lesquelles s'investir », qui constituent une « opportunité précieuse » à consolider via des alliances avec les banques de développement chinoises, l'AFD ou la BEI. « Si Obama était encore là, il aurait certainement proposé un 'verdissement' de ces nouvelles routes de la soie », affirme-t-elle. Macron n'est pas très éloigné de cette position lorsqu'il évoque les nécessaires relations avec les institutions multilatérales visant à la cohérence des objectifs. « Nous devons viser le meilleur résultat environnemental, avec, par exemple, l'objectif de créer des routes de la soie écologiques dans le siècle à venir », a-t-il suggéré.

Sur ce front de la coopération dans le cadre des nouvelles routes de la soie, l'initiative de Macron est diversement appréciée. D'aucuns moquent le peu d'importance qu'accorde la Chine à Paris, tandis que d'autres, plus nombreux encore, exhortent le président français à exiger plus de contrepartie. Dans Le Figaro, David Baverez, investisseur français installé à Hong Kong  et auteur de « Paris Pékin Express » qualifie le projet « One belt, one road » de hold-up stratégique. François Candelon, spécialiste de la Chine au Boston Consulting Group (BCG), basé à Shanghaï, renchérit :

« La naïveté serait de ne rien demander en contrepartie. Il y a une opportunité à saisir pour l'Europe au moment où les États-Unis sortent du multilatéralisme. »

Sur le climat comme sur la nouvelle route de la soie, le timing est le bon mais la question reste de savoir si la France peut faire figure d'ambassadeur européen aux yeux de la puissance chinoise.

Dominique Pialot
Commentaires 24
à écrit le 09/01/2018 à 13:09
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C'est une excellente initiative. Comme dit un proverbe Chinois : « quand souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d’autres des moulins ». On a enfin un président qui a compris qu’il valait mieux construire des éoliennes plutôt...

à écrit le 09/01/2018 à 11:06
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Macron, médiateur d'une UE de Bruxelles, face a des pays souverains, c'est risible! Mais les chinois sont respectueux et gentils par définition! Cela apparaitra comme "le déplacement du siècle"!

à écrit le 09/01/2018 à 8:32
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Mr MACRON ne montre pas l'exemple avec un ministre ecologiste qui possede 8 vehiculeS à hydrocarbure dont un bateau il ne montre pas l'exemple avec un premier ministre qui loue un avion 350 000 € alors que le sien RENTRE A VIDE ? MEME LUI AVECles d...

à écrit le 09/01/2018 à 7:52
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Il faut donner l'exemple en appliquant la note n°6 du CAE et de plus nous en tirerions un avantage économique; mais les Français sont incapables de le comprendre.

à écrit le 09/01/2018 à 7:28
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Macron veut donner des leçon de croissance et politique industrielle à la Chine communiste. Mieux vaut en rire qu'en pleurer... Quel contraste : d'un côté un président Macron ultralibéral qui s'interdit toute politique industrielle et qui privatise...

à écrit le 08/01/2018 à 22:58
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La France envisage avec le Maire de créer un axe commercial Europe-Pékin via Moscou Le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a déclaré, dans une interview accordée au Wall Street Journal, que la France allait créer un axe commercial entr...

le 09/01/2018 à 15:20
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"Avec 60 % des députés, La République en marche ne représente que 1 % des propositions de lois" Normal, ce sont majoritairement des CSP+ et avec une centaine de cadre du privé et une quarantaine de patron fallait pas s'attendre à autre chose.Il vo...

à écrit le 08/01/2018 à 20:55
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Notre Président est bien naïf, il pense que balancer 5 mots en mandarin va changer quelque chose....pour la Chine nous sommes un pays de 65 millions d'habitants....contre 1,3 milliard....en fait le paillasson de la porte d'entrée de l'Europe. La visi...

le 08/01/2018 à 22:36
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Alors, toujours dans le french bashing ? Votre maitre poutine ne vous autorise pas plus ?

à écrit le 08/01/2018 à 20:28
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Pour l'élargissement de la route de soie avec échanges de marchandises massifs, il parle pour lui, mais les autres Européens sont très réservés. Quant à ce qu'il garde secret, la presse allemande évoque un mégaprojet autour des banques : c'est de son...

à écrit le 08/01/2018 à 20:25
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Le bricoleur de l' Ue qui ne sait pas diriger le pays France indépendamment car sous pression servile des GOPE et essaie d' aller se faire reluire à l' extérieur, un grand classique .. Terriblement banal, bancal et ...

à écrit le 08/01/2018 à 20:13
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Macron parle au nom de l'Europe, mais ce qu'il intéresse surtout c'est de rattraper un peu du retard que la France a pris en comparaison avec les autres pays européens. La route de la soie existe déjà avec les autres pays européens, sauf avec la Fran...

à écrit le 08/01/2018 à 20:02
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Quel contraste : d'un côté un président Macron ultralibéral qui s'interdit toute politique industrielle et qui privatise et casse les services publics et l'industrie en France, de l'autre un président communiste qui planifie à long terme en montant e...

le 08/01/2018 à 20:40
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Votre premier paragraphe n'est qu'un tissu de mensonge non argumenté. Bof le raisonnement. Ensuite, il faudra attendre encore 20 ans avant de voir le Chine dépasser les US, patience, patience...

le 09/01/2018 à 2:24
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@SNOWDEN - Il n'y a plus qu'en France que les communistes sont communistes...

à écrit le 08/01/2018 à 19:04
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Une alliance cino européenne non une alliance cino francaise ? L Europe n es pas Que la france ?

le 09/01/2018 à 7:34
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Marie, s'il vous plait. SINO et non cino. Les mots ont un sens et une or teau grafe.

à écrit le 08/01/2018 à 18:34
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cause toujours tu leur interesse

à écrit le 08/01/2018 à 18:26
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Oui, mais voilà, nous ne sommes pas en phase avec les chinois sur le comment: Chine, par le nucléaire en grande partie, France: heu? Oui effectivement, il faudra s'y mettre..En attendant, on réfléchit sur le transfert de NDDL, sujet d'importance depu...

à écrit le 08/01/2018 à 18:21
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Pour contrer l'hégémonie ancestrale et exponentielle des EU, une alliance ue-chine ne serait pas du luxe mais entre la dictature chinoise et l'autocratie oligarchique européenne on voit mal comment un réel partenariat peut se créer. Il faudrait d...

le 08/01/2018 à 23:33
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L' UE a un cerveau mis qui n' est pas européen, ceci intégré vous comprendrez aisément la faille qu' exploitent les chinois malins ! https://www.upr.fr/conferences/qui-gouverne-la-france

le 09/01/2018 à 8:52
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Non ce n'est pas un cerveau c'est un dogme aliénant au possible qui la tient. "Avoir plus d’une idée" https://www.monde-diplomatique.fr/2017/12/LORDON/58194 (gratuit)

le 09/01/2018 à 9:15
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Le problème de Lordon est qu' il s' arrête au milieu du gué comme tant d' autres incapables de franchir le rubicon, pousser jusqu' au FREXIT, tels les Sapir, Mélanchon, hier La Peine etc Liste non limitative, d...

le 09/01/2018 à 16:36
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Désolé, même si l'UPR semble plus compétente que les autres, défendre un dogme c'est déjà se compromettre avec le mensonge.

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