
Bridgestone, Renault, Airbus, Air France... Depuis plusieurs mois, les grands groupes ont annoncé des fermetures de sites, des suppressions de postes par milliers et la liste ne cesse de s'allonger. Malgré les mesures d'urgence mises en place par le gouvernement au printemps, de nombreuses entreprises ont subi de plein fouet la mise sous cloche de l'économie et les mesures drastiques de confinement. Déjà plus de 700.000 postes ont été détruits au cours du premiers semestre 2020 et l'hécatombe pourrait s'amplifier dans les semaines à venir avec la recrudescence de l'épidémie depuis la rentrée.
Face à ce choc historique, le gouvernement a décidé de multiplier les efforts pour faciliter la reconversion des salariés travaillant dans de nombreux secteurs en crise. Ce lundi 5 octobre, les partenaires sociaux étaient conviés au ministère du Travail pour échanger sur la mise en œuvre du volet social du plan de relance. Cet automne, les réunions vont se multiplier pour assurer le suivi des différents dispositifs. "C'est une première réunion de travail en réponse à la crise avec trois chantiers prioritaires : le plan jeunes, le plan de relance et les métiers en tension", a expliqué l'entourage de la ministre du Travail, Élisabeth Borne, lors d'une réunion avec des journalistes.
Faciliter les reconversions
Le plan de relance présenté début septembre - baptisé "France Relance" - comprend un volet sur la formation doté d'une enveloppe globale d'environ 2,3 milliards d'euros pour la période 2020-2022. Il vise un renforcement des dispositifs pour encourager les reconversions, tels le ProA (reconversion ou promotion par alternance) ou le CPF de transition professionnelle (outil individuel à la main du salarié).
"Le premier point abordé ce matin concernait le volet formation du plan France Relance. Comment organise-t-on les mobilités interbranches ? Notre système de formation est toujours structuré par les branches professionnelles actuellement. Or aujourd'hui, nous avons besoin de plus de mobilités en raison de la crise. Les reconversions sont plus compliquées avec la scolarisation des enfants, le travail du conjoint", a affirmé le cabinet.
Face aux besoins et demandes de reconversion, le ministère du Travail a fait plusieurs propositions aux partenaires sociaux.
- Mieux utiliser le congé mobilité. Pour le cabinet, il faut le rendre plus attractif et aider les entreprises en difficulté à le solliciter en passant par des exonérations de cotisations patronales. Une prise en charge des frais pédagogiques par l'État fait partie des pistes de réflexion.
- Renforcer le compte personnel de formation (CPF) transition pour les petites entreprises. Le cabinet du ministère du Travail le considère comme plus pratique pour les situations individuelles. Il serait positionné sur les métiers en tension. Les salariés qui ont de l'expérience et dont l'emploi est menacé seront principalement visés. Une réflexion porte actuellement sur un co-financement des formations entre l'État et les entreprises qui utilisent cet outil.
- Rallonger la durée d'exonération de charge pour les congés de reclassement au-delà de 12 mois, en privilégiant les formations qualifiantes sur les métiers porteurs.
Les métiers en tension dans le viseur
Pour mieux évaluer et identifier les métiers en tension, l'équipe de la ministre du Travail a présenté un nouvel outil afin d'avoir un diagnostic plus fin avec un plus grand nombre de critères comme le renouvellement des contrats, les conditions de travail. "Cet outil permet de faire apparaître les métiers en tension dans chaque département et permet d'affiner les causes de ces tensions. L'objectif est de construire un plan à long terme pour mettre fin à ces métiers en tension", affirme-t-on dans l'entourage de la ministre.
Enfin dans le cadre du débat sur les contreparties aux aides apportées aux entreprises, le ministère a proposé de rendre obligatoire une discussion annuelle au sein du Comité social et économique (CSE) sur "l'utilisation des aides publiques qu'aura perçues l'entreprise". Interrogé sur ce sujet la semaine dernière, le secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO) en charge de l'emploi, Michel Beaugas était catégorique. "Au vu des aides annoncées dans le budget ou dans le cas des aides directes, on souhaite que la première conditionnalité soit le maintien de l'emploi dans les entreprises. Dès qu'il y a une aide publique, il ne devrait pas y avoir de licenciement".
Le plan jeunes renforcé
Les jeunes risquent d'être particulièrement exposés aux effets de la crise. Entre ceux qui ont déjà perdu leur job saisonnier, ceux qui entrent sur le marché du travail et ceux qui sont au chômage de longue durée, les risques de tomber dans une situation très délicate se multiplient.
Face à cet immense défi, le gouvernement veut accélérer le déploiement du plan jeunes. Les membres du ministère ont "présenté les modalités de déploiement du plan jeunes auprès des préfets. Les partenaires sociaux nous ont demandé de mettre l'accent sur les jeunes des quartiers prioritaires. On va vérifier que tous les dispositifs bénéficient aux jeunes des quartiers". En effet, beaucoup de jeunes issus des quartiers défavorisés, déjà minés par un chômage important, risquent de passer outre tous ces dispositifs.
Dans le plan de relance, le volet jeunes comprend un volet sur la formation des jeunes vers les secteurs porteurs et stratégiques, une aide à l'embauche pour les jeunes de moins de 26 ans et les personnes handicapées, et la mise en œuvre de 300.000 parcours d'accompagnement supplémentaires vers l'emploi. "Les partenaires sociaux nous ont attiré l'attention sur la sortie des dispositifs. La logique est d'améliorer l'accompagnement sur l'emploi durable", ajoute-t-on rue de Grenelle.
Reste que le compte personnel de formation mis en place en 2015 par la majorité précédente souffre encore d'un usage relativement limité, particulièrement chez les jeunes. Une étude de la direction du statistique du ministère du Travail (Dares) révélait en février dernier que seulement 0,8% des moins de 25 ans avaient recours à ce type d'outil. Et parmi ceux qui l'utilisent régulièrement, il existe une surreprésentation des plus diplômés. Autant dire que pour le gouvernement, le chemin de la reconversion professionnelle pour de nombreux chômeurs s'annonce périlleux.