Fléau grandissant, les invasions d'insectes coûtent au moins 69 milliards d'euros par an

Issue d'une recherche menée sur quelque 700 articles, livres et rapports, cette estimation tiendrait peu compte d'espèces et de régions sous-étudiées. Et la situation devrait encore se dégrader en raison du réchauffement climatique et de la multiplication des échanges.
Giulietta Gamberini
Plus de 6,1 milliards d'euros annuels sont notamment dépensés pour faire face aux coûts sanitaires, et ce sans compter le paludisme, dû essentiellement à un moustique présent naturellement, ni le virus Zika.

Responsables de la propagation de maladies et dangereux pour les cultures, ils suscitent parfois une peur atavique chez les humains. Et s'ils sont de moins en moins visibles dans les grandes villes, les quelque 2,5 millions d'espèces d'insectes présentes dans le règne vivant continuent de produire des dégâts considérables, multipliés par leur nature envahissante : 87 % des 2.500 invertébrés terrestres ayant colonisé de nouveaux territoires sont des insectes.

Une étude récente, réalisée par une équipe multi-disciplinaire de chercheurs menée par Franck Courchamp, directeur de recherche CNRS au laboratoire Ecologie, systématique et évolution, évalue les dommages causés par les insectes proliférant hors de leur milieu naturel à 69 milliards d'euros par an au niveau mondial. Il ne s'agit d'ailleurs que d'une estimation a minima car ce montant, issu de l'analyse de 737 articles, livres et rapports - la plus importante base de données jamais élaborée des dégâts économiques imputables aux insectes envahissants dans le monde -, tient toutefois peu compte d'espèces et de régions sous-étudiées, ni n'intègre le coût des perturbations générées aux "services" de la nature, par exemple la pollinisation des cultures. Ainsi, "l'extrapolation minimale que l'on peut faire serait plutôt de 270 milliards de dollars", précise Franck Courchamp, cité par l'AFP. Ce manque de sources d'évaluation explique par exemple la différence constatée en matière de pertes financières entre l'Amérique du Nord (24,5 milliards d'euros par an) et l'Europe (3,2 milliards), soulignent ces travaux publiés dans Nature Communications le 4 octobre 2016.

40% des biens de consommation détruits

Plus de 6,1 milliards d'euros annuels sont notamment dépensés pour faire face aux coûts sanitaires, et ce sans compter le paludisme, dû essentiellement à un moustique présent naturellement, ni le virus Zika. La dengue est la maladie la plus coûteuse, absorbant, dans les seules zones où ces moustiques sont envahissants, 84% des dépenses. Le virus du Nil occidental en représente 15%. D'un point de vue géographique, les régions du monde où les dépenses médicales liées aux dégâts causés par les insectes envahissants s'avèrent les plus importantes, sont respectivement l'Asie (2,55 milliards d'euros par an), l'Amérique du Nord (1,85 milliards d'euros par an) et l'ensemble de l'Amérique centrale et du Sud (1,66 milliards d'euros par an).

Les insectes dans leur ensemble pèsent aussi particulièrement sur l'agriculture en s'appropriant 40% des biens de consommation, l'équivalent de ce qui pourrait nourrir un milliard d'êtres humains.

La termite de Formosa en route pour l'Europe

Quelques espèces causent à elles seules plusieurs milliards d'euros de dégâts. L'un des insectes envahissants les plus destructeurs est le termite de Formose (Coptotermes formosanus), qui, une fois établi, n'a jamais pu être éradiqué. L'étude consultée par les chercheurs - qui la jugent toutefois peu documentée - estime ses dégâts à plus de 26,7 milliards d'euros par an dans le monde. D'autres études, plus renseignées placent également en haut du classement la teigne des choux (Plutella xylostella), qui coûterait 4,1 milliards d'euros par an, et le longicorne brun de l'épinette (Tetropium fuscum), à l'origine de 4 milliards d'euros par an de frais rien qu'au Canada.

La situation devrait d'ailleurs encore se dégrader en raison du réchauffement climatique, ainsi que de la multiplication des transports et des déplacements d'une région à l'autre. Aujourd'hui, environ 10% des insectes introduits dans une nouvelle région s'y implantent et 10% d'entre eux finissent par y proliférer. Si rien n'est fait pour freiner le réchauffement, notamment, le coût  de ce fléau devrait croître de 18% d'ici 2050, relève l'étude. Le risque d'une arrivée en Europe du termite de Formose se rapproche...

Mais au-delà de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, d'autres mesures, susceptibles par exemple de diviser au moins par dix les coûts des maladies provoquées par les moustiques, s'imposent selon les chercheurs du CNRS, de l'Université Paris-Sud, AgroParisTech et de l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Agissant en amont des invasions, elles sont dites de "biosécurité" : surveillance des cargaisons sensibles en provenance de certaines régions, législations limitant certains exports non contrôlés (par exemple pulvérisation d'insecticides pour certaines cargaisons à risque avant export) etc., déjà mis en place de manière efficace dans certains pays comme les Etats-Unis ou l'Australie selon Franck Courchamp.

Giulietta Gamberini
Commentaires 4
à écrit le 04/10/2016 à 18:37
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C'est pour cela qu'il faut les manger, des entrepreneurs qui arriveront à nous les faire manger avec plaisir deviendront vite milliardaires, matière première gratuite, 100% bio et ultra nourrissant.

à écrit le 04/10/2016 à 18:35
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C'est vrai que 69 milliards, c'est beaucoup, mais individuellement, comparé à nos anciens présidents, c'est très peu :-)

à écrit le 04/10/2016 à 17:43
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Que c'est ruineux les invasions !!

le 04/10/2016 à 18:36
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vous vouliez exprimer une obsession peut-être non ? ça se soigne certainement...

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