Guerre commerciale, urgence climatique : le CEPII sonne l'alarme

Affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine, Brexit, vulnérabilités financières, ralentissement plus fort que prévu de la croissance, dérèglement climatique...Les économistes du CEPII brossent le portrait d'une économie mondiale sous pression dans leur dernier ouvrage paru cette semaine.
Grégoire Normand
(Crédits : Crédits : Bernhard Fuchs/Wikimédia Commons/CC)

Ralentissement du commerce mondial, menaces du réchauffement climatique, coup de frein de l'activité dans les grandes économies... Dans leur dernier ouvrage intitulé "L'économie mondiale en 2020,  publié ce mercredi 11 septembre, les économistes du centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) dressent un tableau sombre de la planète économique et financière. Dix ans après le séisme de 2008, les fragilités financières persistent et peuvent s'aggraver dans certains cas. La multiplication de bulles à la fin de l'année 2018 ont provoqué des inquiétudes outre-Atlantique. Les leçons de la plus grande récession depuis 1929 n'ont pas permis aux grandes puissances d'établir un modèle économique soutenable malgré les dérèglements climatiques et financiers toujours plus visibles.

"Le bilan de santé n'est pas très encourageant. L'économie mondiale manque de tonus. Les principaux moteurs de l'économie mondiale sont en panne. Aujourd'hui, les mauvaises nouvelles s'accumulent. Aux Etats-Unis, on note une dégradation des anticipations pour un futur proche. En zone euro, il y a également une dégradation des indicateurs. Le Brexit est source de tensions pour les perspectives en Europe. Entre la Chine et les Etats-Unis, les tensions perdurent. L'incertitude est là pour durer au delà de l'administration Trump", a déclaré, le directeur du CEPII, Sébastien Jean lors d'une présentation des perspectives pour 2020.

Et dans son introduction, il cite l'intellectuel italien Antonio Gramsci qui décrivait la situation de l'entre deux-guerres. "Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître [...] dans ce clair-obscur surgissent les monstres".

La crise du commerce international

Le document des chercheurs met l'accent sur la crise du commerce international. "En une décennie, les recommandations d'ouverture convenues ont fait place à la revendication du protectionnisme comme argument électoral [...] Ce renversement saisissant illustre l'ampleur du chamboulement du contexte institutionnel et politique du commerce international", notent les auteurs. "Depuis la crise de 2007-2009, le commerce a sérieusement changé de rythme par rapport aux années 90. Il suit le rythme de l'activité mondiale. Le commerce mondial en volume est au même niveau que début 2018", a poursuivi l'économiste.

La politique commerciale de Donald Trump a rebattu les cartes du commerce mondial en tournant le dos au multilatéralisme. Sa remise en question des instances de régulation des échanges comme l'organisation mondiale du commerce (OMC) et son usage incontrôlé des réseaux sociaux ont fait trembler les adeptes de la coopération et de la diplomatie traditionnelle. "Ce n'est pas juste les droits de douanes de Trump. C'est plus ancien", tient à préciser le responsable du centre de recherches. "La situation actuelle reflète un changement profond des relations économiques internationales qui ne sont pas suivies d'un changement institutionnel des relations internationales. Les institutions sont périmées. Nous n'arrivons pas à définir ce nouveau cadre. C'est un contexte propice aux crises de tout ordre", ajoute-t-il.

L'urgence climatique : les coûts de la non-action

Outre les relations commerciales, l'urgence climatique a occupé une bonne partie des débats dans le contexte d'une montée en puissance des contestations et de mobilisation dans l'opinion publique. Dominique Bureau, délégué général du conseil économique pour le développement durable, est venu exposé les conséquences économiques et sociales d'une absence d'action des Etats en matière de lutte contre le réchauffement climatique. "Aujourd'hui, il y a un consensus chez les économistes américains et européens pour expliquer que le changement climatique est un problème grave qui appelle une action immédiate et ambitieuse [...] Si l'on ne fait rien, il faut s'attendre à une élévation du niveau des mers avec des conséquences économiques sur toutes les zones côtières, des menaces sur les gains de productivité avec la multiplication des vagues de chaleur". Pour le spécialiste des questions climatiques, "le risque climatique est un problème de dépendance du passé avec les énergies fossiles. En dépit d'avancées positives, l'accord de Paris est décevant. Le dilemme entre le développement économique et l'enjeu climatique perdure". Face à l'augmentation des émissions de CO2, l'expert prône la mise en place d'une taxe carbone et un marché de quotas d'émissions.

"Plusieurs économistes s'accordent pour une taxe sur le carbone. Beaucoup d'entreprises ne prennent pas en compte le coût de la non action dans leur modèle économique. Il y a un fort consensus sur la nécessité d'un prix du carbone. Les travaux de l'OCDE montrent souvent que les tarifs sont insuffisants et beaucoup d'émissions ne sont pas prises en compte. Il faut davantage prendre en compte les effets redistributifs dans la mise en place de cette fiscalité".

De son côté, la cheffe du bureau climat, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Alice Plane a indiqué que "la France a conscience que les Etats ne font pas assez d'efforts. Les transports aériens et maritimes ne sont pas pris en compte dans l'accord de Paris [...] On peut décorréler la croissance économique des émissions".

> Lire aussi : Le réchauffement climatique menace des millions d'emplois

Normalisation de la politique monétaire : l'impossible retour

Alors que le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a annoncé la relance ce jeudi 12 septembre du programme de rachats d'obligations à raison de 20 milliards d'euros par mois et d'un nouvel assouplissement, de plus en plus d'économistes et banquiers centraux s'interrogent sur le rôle de la politique monétaire. Isabelle Job, directrice des études économiques au groupe Crédit agricole, a expliqué que les "banques centrales ont développé une aversion aux cycles. L'économie européenne ralentit en raison de la guerre commerciale, des incertitudes... que peut-elle faire ? La question de l'efficacité des politiques monétaires doit être posée, il y a encore des mesures d'assouplissement mais cela n'a pas d'effet vraiment efficace sur l'économie. Est ce que les banques centrales ont encore un pouvoir sur l'inflation ? Cela fait 10 ans que l'Europe n'arrive pas à parvenir à l'objectif de 2%".

La spécialiste s'interroge : "est-ce qu'il ne faut pas rééquilibrer le mandat des banques centrales pour assurer plus de stabilité financière ? Les politiques monétaires accommodantes sont du pain béni pour les marchés. Cela pousse aux risques. Les marchés restent suspendues aux décisions des banques centrales. La dépendance des marchés à cette perfusion monétaire? Comment les banques centrales peuvent-elles dompter la finance ?".

De son côté, l'universitaire, Jézabel Couppey Soubeyran ajoute que "les effets sur l'économie réelle sont incertains et inégalement distribués [...] Il existe des effets potentiellement dangereux au niveau financier. Les taux bas sont facteurs d'instabilité financière en l'absence de mesures d'accompagnement macroprudentielles. On continue d'en attendre trop alors que ces effets sont assez mal transmis et assez mal répartis".

Sur le plan financier, certains indicateurs sont dans le rouge avec des vulnérabilités prononcées. L'économiste spécialiste des questions monétaires, Michel Aglietta, a notamment évoqué "l'endettement élevé des entreprises avec un type de dette extrêmement dangereux aux Etats-Unis comme les Leverage loans |...] La question fondamentale est de restructurer le modèle financier pour réorienter l'épargne vers le financement à long terme." Pour 2020, les perspectives ne s'annoncent guère réjouissantes.

Grégoire Normand
Commentaires 18
à écrit le 18/09/2019 à 19:45
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L'urgence climatique est une fable, qui ne se base que sur les projections multidécennales des modèles numériques. Or, les projections de ces modèles numériques divergent de plus en plus des observations, ce qui veut dire que leur crédibilité est nul...

à écrit le 18/09/2019 à 19:41
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L'urgence climatique est une fable, qui ne se base que sur les projections multidécennales des modèles numériques. Or, les projections de ces modèles numériques divergent de plus en plus des observations, ce qui veut dire que leur crédibilité est nul...

à écrit le 17/09/2019 à 17:58
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L'urgence climatique est une fable, qui ne se base que sur les projections multidécennales des modèles numériques. Or, les projections de ces modèles numériques divergent de plus en plus des observations, ce qui veut dire que leur crédibilité est nul...

à écrit le 17/09/2019 à 11:35
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C’est quoi cette fable du dérèglement climatique ? Cela voudrait dire qu'il y aurait un bon climat de référence, idéal, paradisiaque ? Ridicule, pour trois raisons de bon sens. 1) Il n'y a pas de "bon" climat idyllique qui aurait perdu la boule. 2...

à écrit le 14/09/2019 à 15:58
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Indépendance économique locale et réponse à l'urgence climatique, nous sommes en pleine construction effective de ce nouveau paradigme de l'économie durable. Evidemment cela crée quelques bouleversements des valeurs que les économistes appellent cris...

à écrit le 14/09/2019 à 11:43
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L'excellent journal "Le Marin" indiquait que quelque 300 porte-conteneurs étaient en commande..Ce monde est devenu fou, redécouvrons les idées de Maurice Allais (Sa lettre aux Français) avant l'écroulement final de cette économie qui ne profite qu'à ...

à écrit le 14/09/2019 à 11:43
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Un seul dénominateur commun la démographie incontrôlée du Sud et de l'Asie. Mais pour le politiquement correct pas un média ou pas une ONG n'ose aborder ce sujet.

à écrit le 14/09/2019 à 8:15
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L'eco et les echanges ne se portent pas si mal. Chaque semaine je vois un bon nombre de porte-container quitter le port de Busan. Ces navires se rendent pour la plupart en Europe et aux USA. Voir en noir n'est pas la solution. Attendre une prise ...

à écrit le 13/09/2019 à 22:00
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Faire de la relance en maîtrisant le réchauffement climatique avec une population en croissance explosive... bon courage .

le 14/09/2019 à 7:37
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C'est exactement ça ! Les médias nous donnent des news totalement contradictoires, certaines parlent de réduction du CO2, d'autres de "relance" de l'économie, ce qui relance aussi la production de CO2. Il faudrait savoir ...

à écrit le 13/09/2019 à 19:30
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L'alarme est sonnée depuis longtemps, désormais, c'est le tocsin à toute volée qu'il faut agiter, en même temps que toutes les sirènes...comme en temps de guerre. Pour l'instant économique et financière, ce qui conduit généralement à la vraie guer...

à écrit le 13/09/2019 à 17:40
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Si le CPEII sonne l'alarme, il n'y rien à craindre. A quoi sert cet organisme public ? Cordialement

à écrit le 13/09/2019 à 17:23
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CEPII : inconnu sans crédibilité .

à écrit le 13/09/2019 à 17:02
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Tout est effectivement dit dans cette phrase: "le risque climatique est un problème de dépendance du passé avec les énergies fossiles". il y a consensus, je le crois, pour mettre en haute priorité la réduction des émissions de CO2, lesquelles sont tr...

à écrit le 13/09/2019 à 15:58
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Qu'est ce que vous voulez que notre Doudou il soit pas depressif avec des gens comme ça a son service. a chaque fois que je le vois j'ai de la peine, negligé, mal ou pas rasé. Tiens bon Doudou, on sait que c'est pas de ta faute

à écrit le 13/09/2019 à 15:16
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Et les marchés financiers totalement dans le déni, montent ce qui au final explique parfaitement que ces mêmes personnes ne voient pas qu'ils ont anéanti notre planète. "protectionnisme comme argument électoral " Outil environnemental et soci...

à écrit le 13/09/2019 à 15:15
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Pourquoi voir uniquement le verre à moitié vide ? L'économie mondiale actuelle va très bien, elle fonctionne admirablement bien. Ce n'est pas parce que la croissance n'est plus là qu'il faut voir tout en noir, réjouissons nous plutôt de l'époque form...

à écrit le 13/09/2019 à 14:56
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Petite remarque : moins de commerce mondial, c'est moins de pollution du au transport international. Il faut choisir.

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