Joe Biden prêt à se rendre en Arabie saoudite pour trouver du pétrole

Le prix de l'essence aux Etats-Unis a dépassé les 5 dollars le gallon (3,78 litres) dans tous les Etats, alimentant une inflation qui menace la croissance. L'embargo européen sur les importations russes ajoute aux perturbations du marché. Le président américain va se rendre au Moyen-Orient pour convaincre les pays producteurs, Arabie saoudite en tête, pour pomper davantage de brut.
Robert Jules
Malgré sa volonté d'isoler le royaume, le président américain se rendra en Arabie Saoudite à la mi-juillet pour rencontrer Mohammed ben Salmane, prince héritier de l'Arabie Saoudite.
Malgré sa volonté d'isoler le royaume, le président américain se rendra en Arabie Saoudite à la mi-juillet pour rencontrer Mohammed ben Salmane, prince héritier de l'Arabie Saoudite. (Crédits : Reuters)

Le président des Etats-Unis Joe Biden va effectuer une tournée au Moyen-Orient. Officiellement, l'objectif est de parler sécurité. Une rencontre sera organisée à la mi-juillet avec le prince héritier Mohammed ben Salmane dit MBS en Arabie saoudite. Lorsqu'il était entré à la Maison Blanche, Joe Biden avait affirmé vouloir transformer le royaume saoudien en « Etat paria », un rapport de la CIA affirmant que Mohammed ben Salmane était l'instigateur de l'assassinat du journaliste américano-saoudien Jamal Khashoggi. Une page va donc se tourner.

Car aujourd'hui l'urgence pour le président américain est de faire baisser les cours du pétrole. La référence américaine, le baril de WTI, qui a franchi les 123 dollars, a bondi de quelques 70% en un an. À la pompe aux Etats-Unis, le gallon d'essence (3,78 litres) a dépassé les 5 dollars dans tous les Etats (il a même dépassé les 6 dollars en Californie), selon l'Association américaine des automobilistes (AAA). En un an, il a flambé de 62%. Il n'y a pas que le prix qui monte inexorablement, le mécontentement des automobilistes aussi, qui en tant qu'électeurs pourraient le faire payer dans les urnes lors des élections de mi-mandat en novembre.

ExxonMobil montrée du doigt par le président

Signe d'impuissance, dans un pays qui est un des plus importants producteurs mondiaux de brut, Joe Biden s'en est pris aux majors américaines comme ExxonMobil, accusée de ne pas augmenter sa production pour tirer profit des prix élevés et engranger des bénéfices faramineux qui ont envoyé le cours de son action à un niveau historique en Bourse.

En outre, le prix élevé de l'énergie est un important facteur de soutien à l'inflation. Elle s'est affiché à 8,6% en mai, au plus haut depuis 40 ans aux Etats-Unis, et menace l'économie américaine sinon d'une récession au moins d'une stagflation. Et si la Fed a enclenché un cycle de remontée des taux pour calmer la hausse générale des prix, elle n'a pas une grande influence sur l'évolution du cours du pétrole qui dépend du rapport entre l'offre et la demande mondiale.

En réalité, l'équation du marché pétrolier s'est complexifiée depuis la décision de l'Union européenne d'imposer un embargo sur les importations de pétrole et de produits raffinés russes qui raréfient l'offre mondiale. Mais elle se justifie par la nécessité d'arrêter de financer la guerre russe en Ukraine. Selon le site Crea, 33,62 milliards d'euros de recettes pétrolières ont été versés par les pays européens à la Russie depuis le 24 février, date du déclenchement de la guerre en Ukraine. Durant cette période, les revenus générés par l'ensemble de ses exportations pétrolières atteignent même 100 milliards de dollars, en hausse de 67% par rapport à la même période de l'année dernière.

En avril, Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, avait d'ailleurs déjà mis en garde sur les conséquences pour l'économie mondiale d'un tel embargo européen. « Nous devons être prudents avec une interdiction européenne complète des importations de pétrole », avertissait-elle, car « cela augmenterait clairement les prix mondiaux du pétrole, cela aurait un impact néfaste sur l'Europe et sur d'autres parties du monde », ajoutait-elle à l'époque, tout en reconnaissant que les recettes générées par ces importations soutenaient l'effort de guerre russe contre l'Ukraine et que l'objectif était de « trouver un moyen de réduire les recettes russes ».

Former un « cartel d'acheteurs »

Depuis, l'Europe a tranché, lâchant du lest à la Hongrie qui menaçait d'imposer son veto. Bruxelles, qui veut accélérer sa stratégie de la transition énergétique, a élaboré un plan, REPowerEU, qui préconise, outre des économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables, une diversification des partenariats, notamment à travers une plateforme commune.

Une démarche visant à constituer un « cartel d'acheteurs » pour avoir, comme l'Opep+, un pouvoir de prix sur le cours du baril de brut. Il a fait l'objet de discussions la semaine dernière entre Janet Yellen et les Européens. L'idée est notamment de fixer un prix plafond au pétrole russe, inférieur au prix actuel. Pour ce faire, selon des sources citées par le Wall Street Journal, les pays du G7 envisagent d'imposer aux compagnies d'assurances - en majorité européennes ou britanniques - d'établir des contrats qui ne garantissent l'acheminement qu'à condition que les pays de destination soient non européens et que le prix plafonné soit appliqué. Un tel dispositif respecterait les conditions de l'embargo européen, tout en trouvant un débouché au pétrole russe à un prix inférieur aux cours actuels. Pour le moment, aucune décision n'a été prise.

L'autre piste consiste à demander à l'Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis d'augmenter leurs capacités de production. Ils sont les seuls, avec l'Irak, aujourd'hui à pouvoir le faire, à hauteur de quelque 3 millions de barils par jour (mbj). Car comme le montre le graphique ci-dessous, il y a une corrélation étroite entre le prix de référence du brut américain, le WTI, et les variations mensuelles de la production saoudienne (voir graphique ci-dessous).

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WTI

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Jusqu'à aujourd'hui, Riyad a fait la sourde oreille aux demandes répétées de Joe Biden d'augmenter ses extractions. Par ailleurs, elle fait valoir le partenariat qui la lie à la Russie dans le cadre de l'Opep+ pour maîtriser les prix du baril auquel elle n'entend pas renoncer pour le moment. La stratégie de ce partenariat consistant à imposer des quotas pour chaque pays exportateur s'est révélée payante pour peser sur l'offre. Elle assure à ses membres des prix élevés avec des parts maximales de marché. Toutefois, les pays exportateurs redoutent également une récession économique mondiale, synonyme de chute de la demande pétrolière, que peut entraîner un prix élevé du pétrole, avec une destruction de la demande chez les consommateurs.

Embourbés au Yémen

C'est donc tout l'enjeu d'une rencontre entre Joe Biden et MBS pour faire bouger les lignes. De leur côté, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont des revendications à faire valoir. À plusieurs reprises, ils ont sollicité Washington pour intervenir dans la guerre au Yémen dans laquelle ils sont embourbés. Le conflit a un coût humain très élevé et la coalition menée par Riyad et Abou Dabi a dépensé des milliards de dollars sans parvenir à bout de la rébellion houthie soutenue - non officiellement - par l'Iran. Un engagement de Washington sur le dossier du Yémen et un renforcement de la sécurité du royaume pourraient faire partie des discussions.

Par ailleurs, aujourd'hui, à peine 5% du pétrole saoudien va aux Etats-Unis. Les deux tiers des exportations du royaume sont livrées à l'Asie : principalement en Chine (25%), au Japon, en Corée du Sud et en Inde. Dérouter les quelque 2,8 mbj de brut et les 1,3 mbj de produits raffinés qu'achetait l'Union européenne avant le conflit en Ukraine vers l'Asie ne se fera pas en quelques jours. Car si l'Inde, dont le principal fournisseur est l'Irak, a augmenté ces derniers mois ses importations de pétrole russe, son secteur du raffinage l'a fait en raison de décote atteignant jusqu'à 30% du prix du brut russe .

Quant à l'Europe, si le brut et les produits raffinés russes représentaient respectivement 30% et 40% de ses importations, trouver des alternatives ne se fera pas si facilement en raison des limites de l'offre mondiale. En 2020, outre la Norvège et le Royaume-Uni en Europe, les principaux fournisseurs étaient les Etats-Unis (9%), l'Arabie Saoudite (7%) et le Nigeria. Mais une augmentation de la production saoudienne et émiratie de quelque 2 mb/j permettrait de pallier pratiquement l'offre russe si elle était livrée aux pays européens.

Robert Jules
Commentaires 8
à écrit le 16/06/2022 à 0:32
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Très écolo de transporter le pétrole du Golfe plutôt que de pomper le pétrole de schiste américain...

à écrit le 14/06/2022 à 22:47
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Pomper plus ? Le peuvent ils vraiment ? Pour rappel les réserves prouvées de pétrole à l' A.I.E. sont purement auto déclaratif Pourtant c'est ce qui fait le "marché du brut" , On nous aurait encore menti à l'insu de notre plein gré ?

à écrit le 14/06/2022 à 18:06
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Pourquoi voulez vous que les pays producteurs de pétrole lâchent du lest alors que nous avons publiquement indiqué ne plus brûler un gramme de pétrole ( ou gaz ) dans les prochaines années. Ils n'ont donc strictement aucun intérêt à devoir nous faci...

à écrit le 14/06/2022 à 17:26
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Cette guerre en Ukraine va non seulement conduire à une défaite cuisante de l'Otan face à la Russie mais en plus va plonger l'Europe, les USA et le Japon dans une crise pire que 1929. Et pendant cela la Russie va se porter à merveille grâce à la Chi...

le 14/06/2022 à 19:37
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@communiste ....rêve.....rêve...petit communiste

le 15/06/2022 à 21:46
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Les dirigeants occidentaux se sont montrés courbés devant les décisions venant de Tel Aviv via Washignton pour détruire le monde chrétien que ça soit russe ou euroamericain..

à écrit le 14/06/2022 à 16:58
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Fallait pas faire des sanctions contre les Russes, voyez maintenant le bordel partout, tout ça pour satisfaire les USA qui passeront à la caisse pour la reconstruction de l’Ukraine, et la fourniture d'armes partout

le 14/06/2022 à 19:00
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Ha je crois que vous avez fourché: il s'agit bien des européens qui vont payer pour les barbouzeries des USAs qui cherchent depuis deux décennies les incidents avec les russes et multiplient les provocations. Madame Van Der Leyen a annoncé il y a que...

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