Pour Joe Biden, la solution à ses problèmes passe désormais par l'Arabie saoudite

Quelques heures après que l'Opep+ ait annoncé une augmentation plus importante que prévu de son offre en juillet et août, la presse américaine révélait que le président des Etats-Unis se rendrait en Arabie saoudite, qu'il qualifiait d'Etat paria, pour rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane. Une normalisation des relations nécessaire pour faire baisser les prix du pétrole, isoler davantage la Russie, trouver une solution de paix au Yémen... Analyse.
Robert Jules
Joe Biden, président des Etats-Unis.
Joe Biden, président des Etats-Unis. (Crédits : Reuters)

Le président des Etats-Unis, Joe Biden, se rendra à la fin du mois de juin en Arabie saoudite où il rencontrera le prince héritier Mohammed ben Salmane, indiquait jeudi le New York Times. Coïncidence, cette annonce intervient quelques heures à peine après la réunion de l'Opep+ qui a décidé d'augmenter de quelque 50% le volume supplémentaire initialement prévu - de 432.000 barils par jour (b/j) à 648.000 b/j - en juillet et août.

Depuis des semaines, la Maison Blanche réclamait au cartel, dont le poids lourd est l'Arabie saoudite, une augmentation de l'offre pour calmer les cours qui se sont installés au-dessus de 110 dollars, soutenus par la baisse des exportations russes soumises à un embargo des Etats-Unis, du Royaume-Uni et, depuis cette semaine, l'Union européenne, leur première destination.

Des prix du pétrole qui ont augmenté de 67% sur un an

Si la décision de l'Opep+  n'a pas eu un grand effet sur les cours du baril, qui baissaient ce vendredi en fin de matinée d'un peu moins de 1% pour évoluer autour de 116,6 dollars pour le Brent et 115,8 dollars pour le WTI, en revanche, ils affichent respectivement une envolée sur un an de 62% et 67%. Ce qui alimente une inflation croissante à travers le monde et fait grimper les prix de l'essence à des niveaux inédits aux Etats-Unis alors qu'a débuté la période estivale de la "driving season" durant laquelle la consommation d'essence atteint un pic aux Etats-Unis.

La facture à la pompe alimente le mécontentement des ménages qui pourraient faire payer au gouvernement cette situation lors des élections de mi-mandat, avec le risque pour Joe Biden de perdre sa majorité démocrate au Congrès et de se voir bloquer tous ses ambitieux plans de soutien à l'économie américaine.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la visite du président à Riyad. Elle vise à "rebâtir les relations avec le royaume pétrolier au moment où il cherche à faire baisser les prix de l'essence dans son pays et à isoler la Russie sur la scène internationale", précisait d'ailleurs le New York Times. Sur place, "il rencontrera le prince héritier Mohammed ben Salmane" (...) ainsi que d'autres dirigeants de pays arabes dont l'Egypte, la Jordanie, l'Irak et les Emirats arabes unis", ajoute le quotidien.

Ce choix est un changement à 180 degrés. Avant son élection, Joe Biden avait jugé que l'Arabie saoudite devait être traitée comme un Etat "paria" en raison de l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Dès qu'il s'était installé à la Maison Blanche, il avait fait publier en février 2021 le rapport du renseignement américain accusant Mohammed ben Salmane d'avoir "validé" le meurtre, rapport que Donald Trump avait bloqué.

Le coût élevé de la guerre au Yémen

Cette reprise du dialogue est également souhaitée par l'Arabie saoudite. A la tête d'une coalition, elle mène depuis 2015 une guerre au Yémen pour soutenir le gouvernement contre la rébellion houtie qui bénéficie de l'aide de l'Iran. La guerre a déjà coûté la vie à 227.000 personnes selon un bilan établi par l'Onu fin 2021. Et sur une population de 17 millions, plus de 7 millions de personnes sont menacées par la famine dans les prochaines semaines, vient d'estimer l'Onu. Sur le plan financier, cette guerre coûte chaque année des dizaines de milliards de dollars à Riyad.

La rébellion houtie a même réussi ces derniers mois à mener des attaques et des opérations de sabotage en Arabie saoudite et dans les Emirats Arabes Unis, membre de la coalition. Les pays de la coalition compte sur Washington pour jouer un rôle actif pour trouver une solution à ce conflit. Le jour de la décision de l'Opep+, l'Arabie saoudite et sa coalition ont prolongé de deux mois le cessez-le-feu au Yémen, en signe de bonne volonté. Joe Biden a d'ailleurs salué jeudi le "leadership courageux" des dirigeants saoudiens à cet égard.

Par ailleurs, la Maison Blanche cherche également à isoler la Russie. Une majorité de pays émergents n'ont en effet pas condamné l'invasion de l'Ukraine décidée par Moscou. Or l'OPEP+, qui regroupe 13 pays exportateurs (l'Opep + 10 autres pays dont la Russie), repose sur la solidité du lien entre l'Arabie Saoudite et la Russie, les deux poids lourds du partenariat. Aujourd'hui, l'Opep+ représente autour de 48% de la production mondiale de pétrole, ce qui lui donne une réelle influence sur le marché.

Le problème est que la clé de voûte du partenariat repose sur une stratégie de quotas qui devient de plus en plus théorique. En avril, l'Opep+ a manqué de 1 mbj son objectif. Et depuis, la situation ne s'est pas améliorée avec les embargos sur le pétrole russe.

Politique des quotas remise en cause

Si les quotas ne sont plus remplis, notamment par l'un des leaders, l'architecture de l'Opep+ pourrait se fissurer. Avant d'envahir l'Ukraine le 24 février, la Russie pompait 11,4 mbj. Selon les différentes évaluations, elle a dû réduire sa production de 700.000 barils à 1 mbj. Et le mouvement devrait s'accélérer, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estimant que 2 mbj seront perdus en juin puis 3 mbj (voir graphique).

pétrole russe

La Russie qui dispose du quota le plus élevé avec l'Arabie saoudite (supérieur à 10 mbj) devrait voir son quota majoré de 170.000 b/j en juillet et août. Il est improbable qu'elle l'atteigne posant la question de sa compensation aujourd'hui rendue impossible par l'accord, à moins de modifier le prorata des quotas.

Si c'était le cas, la Russie serait isolée au profit des seuls pays qui peuvent augmenter rapidement leurs capacités : l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis qui disposent à eux deux de capacités résiduelles de presque 3 mbj. Car même aux Etats-Unis, malgré les prix élevés, la production n'est pas encore revenue au niveau des plus de 12,5 mbj où elle se trouvait avant la pandémie du Covid-19 (voir graphique).

Production US

En se rendant dès ce mois-ci à Riyad, le président des Etats-Unis est en train de reconnaître que le centre de gravité de l'économie mondiale passe à nouveau par la région du Proche Orient et son sous-sol riche en pétrole.

Robert Jules
Commentaires 5
à écrit le 04/06/2022 à 19:10
Signaler
Sleepy Joe .. est pres a des alliance avec n importe qui du moment que c'est pas russes ou chinois .. dans le genre de donneur de leçon ont s en passe

à écrit le 04/06/2022 à 19:09
Signaler
Sleepy Joe .. est pres a des alliance avec n importe qui du moment que c'est pas russes ou chinois .. dans le genre de donneur de leçon ont s en passe

à écrit le 04/06/2022 à 7:32
Signaler
C'est vrai que l'Arabie saoudite fait aussi à la guerre à son voisin. Mais bizarrement, les Occidentaux n'ont pris aucune sanction... Et après ils s'étonnent que la moitié de la planète refuse notre croisade contre la Russie. Le deux poids deux mesur...

le 05/06/2022 à 10:20
Signaler
Le monde musulman est assez grand pour se prendre en charge tout seul, on ne l'entend pas bcp par exemple sur le sort des ouïghours en Chine, on ne peut pas en même temps critiquer l'Occident de se mêler de tout et de ne pas intervenir ensuite, que j...

à écrit le 03/06/2022 à 21:31
Signaler
"Quelques heures après que l'Opep+ ait annoncé" => Quelques heures après que l'Opep+ a annoncé Après que + indicatif ;-) Avant que + subjonctif. Car "avant que l'Opep ne l'annonce", on n'est pas encore sûr, c'est de la supposition, de l'hypothèse...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.