Le coup de frein de la Chine pénalise-t-il l'économie française ?

Selon une récente note de l'Insee, l'Allemagne est deux fois plus touchée que la France par le coup de frein chinois. En récession, l'industrie allemande peine à retrouver des débouchés importants dans l'ex-Empire du Milieu. A l'opposé, l'impact pour la France est « limité » selon l'institut de statistiques.
Grégoire Normand
La croissance pourrait passer de 5,2% à 4,6% entre 2023 et 2024 selon le FMI.
La croissance pourrait passer de 5,2% à 4,6% entre 2023 et 2024 selon le FMI. (Crédits : Reuters)

L'économie chinoise est toujours en zone de turbulences. Frappés de plein fouet par la propagation du virus et un confinement drastique pendant plusieurs années, les entreprises et les ménages peinent à voir une éclaircie à l'horizon. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit, dans ses dernières projections, un fort ralentissement de l'activité entre 2023 et 2024 passant de 5,2% à 4,6%, puis 4,1% en 2025. « La Chine ne sera pas le relai de la croissance mondiale », explique Christopher Dembick, économiste et conseiller investissement chez Pictet Asset Management. Certes, la Chine n'est pas le seul à connaître un coup de frein de son activité sur la planète.

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Les pays émergents et en développement appuient également sur le frein entre 2024 et 2025. Mais la seconde puissance économique du monde connaît un rythme de croissance nettement plus bas que lors des deux prochaines décennies (7,7% en moyenne sur la décennie 2010). Les autorités chinoises tablent désormais sur une croissance de 5% par an. Pour Christopher Dembick, « cet objectif est atteignable » malgré les différentes crisesSecouée par des chocs en série sur l'immobilier et une démographie en berne, la croissance chinoise risque d'enregistrer un coup de frein plus structurel dans les années à venir. Ce ralentissement va avoir des répercussions sur les économies du Vieux continent les plus dépendantes de Pékin. En première ligne, l'Allemagne qui peine à se redresser.

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Le ralentissement chinois, un coup dur pour l'Allemagne

L'économie outre-Rhin est toujours frappée par la récession. Très exposée pendant la crise énergétique de 2022 et 2023, l'industrie du Made in Germany connaît de vastes difficultés. Plongés dans un épais brouillard, les industriels allemands ne peuvent plus compter sur la Chine pour exporter à tout va. Résultat, les moteurs allemands de la production industrielle s'essoufflent. Dans sa dernière note de conjoncture dévoilée mi-mars, l'Insee a mesuré l'ampleur d'un choc de demande en Chine sur l'économie mondiale. Sans surprise, les pays asiatiques comme la Corée du Sud, Taïwan ou le Japon paient un lourd tribut compte tenu de leur dépendance à la Chine.

Et l'Allemagne pourrait également subir les effets néfastes de ce ralentissement. L'institut de statistiques chiffre l'impact du ralentissement chinois entre 0,2% et 0,4% de PIB. Il faut dire que l'Allemagne a pendant très longtemps exporté principalement des biens manufacturés vers la Chine (60% des importations chinoises), notamment des voitures thermiques. Viennent ensuite les services et la chimie. Au total, les exportations chinoises représentent 4% du produit intérieur brut allemand. Ce qui est loin d'être négligeable.

Sur le total des importations chinoises, la part des biens s'est effondrée pour atteindre un point bas en 2022 à 51%. L'entrée de la Chine dans l'OMC depuis les années 2000 a complètement bouleversé le modèle capitaliste chinois en quelques années. D'abord centrée sur la production de biens manufacturés à faible valeur ajoutée, l'industrie a mis l'accent sur des produits de haute technologie (puces, batteries au lithium).

La France deux fois moins touchée que l'Allemagne

A l'opposé, l'économie hexagonale est relativement moins touchée que son voisin d'outre-Rhin. Selon les calculs de l'Insee, l'impact du ralentissement chinois serait « limité », entre 0,1 et 0,2 point de PIB. La France exporte principalement des services (50% des exportations) en Chine et beaucoup moins de produits manufacturés (moins de 30% des exportations). « Les liens commerciaux entre l'Allemagne et la Chine sont plus fournis qu'entre la France et la Chine », rappelle à La Tribune, Clément Bortoli, chef de la division synthèse conjoncturelle à l'Insee. « La part des exportations vers la Chine dans les PIB Allemand est deux fois supérieure à celle de la France ». En outre, le ralentissement de la demande chinoise pourrait faire baisser les prix des matières premières à l'échelle de la planète. Ce qui pourrait être légèrement bénéfique pour l'économie tricolore très dépendante de l'extérieur en matériaux critiques notamment.

La déflation en Chine, un risque sérieux pour l'industrie européenne

Pour la première fois en un an, la Chine est sortie de sa période de déflation. Pour comprendre cette évolution des prix, il faut rappeler que la stratégie de Xi Jipping est de soutenir massivement le moteur industriel chinois dans trois domaines : les énergies renouvelables, les batteries au lithium et les voitures électriques. Cette politique économique largement soutenue par des dépenses publiques massives aboutit à une surproduction de biens manufacturés que la population chinoise est incapable d'absorber.

Résultat, les pays développés engagés dans des objectifs climatiques de réduction des émissions de CO2 se retrouvent à importer en quantités importantes des panneaux photovoltaïques ou encore des voitures électriques chinoises. Pour l'industrie européenne, cette longue période de déflation est clairement une menace à moyen terme. Sur le Vieux continent l'industrie solaire a déjà tiré la sonnette d'alarme tout comme l'industrie automobile. Plusieurs sites industriels et des sous-traitants en Allemagne et en France sont en grande difficulté. L'Union européenne a prévu des mesures de protection. Mais elles n'interviendront qu'en 2025. Une échéance bien tardive aux yeux des industriels du Vieux continent.

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Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 19/03/2024 à 9:55
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La mondialisation ! Quand vous donnez un coup de bâton à l'autre bout de la planète, c'est comme si vous vous le donniez à vous même. Les Américains viennent de l'apprendre avec Huawei, Android et HarmonyOS, les BRICS, le spacial, l'intérnet, ect...

à écrit le 19/03/2024 à 0:47
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un fort ralentissement à +5,2% en 2023, et +4,6% en 2024 puis +4,1% en 2025. En nominal la Chine est toujours 1er de la classe !

à écrit le 18/03/2024 à 20:24
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L économie de la France n’a pas besoin de la Chine pour être catastrophique, elle a juste besoin des français, ce sont les français qui ont ruinés leur propre pays….

le 19/03/2024 à 20:27
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"ce sont les français qui ont ruinés leur propre pays" En effet, l'économie marseillaise est florissante...

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