Le Venezuela enclenche la seconde phase de son hypothétique plan de relance

Le gouvernement vénézuélien a annoncé ce mardi 21 août la dévaluation de sa monnaie de 96% par rapport au taux précédent, au lendemain de l'entrée en vigueur des nouveaux billets qui comptent cinq zéros en moins. La dévaluation est adossée au rattachement de la nouvelle devise à une cryptomonnaie, le petro.
Estelle Nguyen
La Banque centrale du Venezuela (BCV) a indiqué que le nouveau taux était fixé à 68,65 bolivars souverains pour un euro, soit 60 bolivars souverains environ pour un dollar.
La Banque centrale du Venezuela (BCV) a indiqué que le nouveau taux était fixé à 68,65 bolivars souverains pour un euro, soit 60 bolivars souverains environ pour un dollar. (Crédits : HANDOUT)

Le Venezuela tente à nouveau de redresser la barre. Cette fois-ci avec une dépréciation spectaculaire de sa devise. Après avoir mis en place une nouvelle monnaie, nommée le « Bolivar souverain », le gouvernement vénézuélien, dont l'économie est en chute libre, a en effet annoncé ce mardi 21 août qu'il la dévaluait de 96% par rapport au dollar pour tenter d'augmenter la compétitivité économique du pays.

La Banque centrale du Venezuela a indiqué que le nouveau taux était fixé à 68,65 bolivars souverains pour un euro, soit 60 bolivars souverains environ pour un dollar. Le taux officiel précédent était à quelque 2,48 bolivars souverains pour un billet vert. Exprimé en bolivars forts, la monnaie qui n'est plus en vigueur depuis le début de la semaine, cela reviendrait à faire passer le taux de 248.210 à 6.000.000 bolivars forts pour un dollar.

« Je veux que le pays se reprenne et j'ai la bonne formule. Croyez-moi. », avait assuré le président Nicolas Maduro, qui prévoyait déjà cette dévaluation, dans un discours diffusé la nuit du vendredi 17 août sur les chaînes de télévision vénézuéliennes.

Afin d'atténuer les effets de cette dévaluation, le chef d'Etat vénézuélien avait également annoncé une hausse du salaire minimum de 5 millions à 180 millions bolivars (désormais 1.800 bolivars souverains), soit 30 dollars au taux du marché noir, qui est d'ailleurs devenu le taux officiel.

Le bolivar souverain indexé à une cryptomonnaie

Cette dévaluation est adossée au rattachement du nouveau bolivar à une cryptomonnaie, le petro, lancé par le gouvernement vénézuélien au printemps dernier pour tenter de contrer le manque de liquidités mais aussi de combattre le « blocus financier » que les Etats-Unis aurait imposé au Venezuela, d'après le président Nicolas Maduro.

« Les salaires, les retraites et les prix vont être basés sur le petro », avait indiqué le chef d'Etat Maduro lors de son intervention à la télévision.

Cette monnaie virtuelle, ancrée aux prix du baril de pétrole, une matière première dont le pays est riche, se distingue des autres cryptomonnaies, qui sont souvent volatiles comme le bitcoin. Ainsi, chaque petro équivaut à environ 60 dollars, soit 3.600 bolivars souverains. Par exemple, le salaire minimum est établi à un demi-petro, soit 1.800 bolivars souverains.

Mais pour l'heure, cette cryptomonnaie ne connaît pas de franc succès. En mars dernier, le président Maduro assurait qu'une prévente privée du petro allait permettre de lever 5 milliards de dollars d'intention d'achat dans 133 pays. Cinq mois plus tard, les transactions avec le petro sont quasi nulles et les bureaux de change en ligne semblent ne l'avoir toujours pas pris en compte. Washington a d'ailleurs interdit les opérations avec cette cryptomonnaie, dans le cadre de leurs sanctions.

Lire aussi : Le Venezuela de Maduro met en vente le petro, sa monnaie virtuelle

Par ailleurs, c'est la première fois qu'un Etat produit sa propre cryptomonnaie et décide que sa devise soit indexée à celle-ci. Avant le Venezuela, seuls la Chine et l'Iran avaient émis le souhait de mettre en place un système similaire, sans aller plus loin.

Appel à la grève

Ce mardi 21 août, les rues vénézuéliennes étaient plus calmes qu'à l'accoutumée. De nombreux magasins sont en effet restés fermés notamment dans le centre-ville de Caracas, suite à l'appel de l'opposition à protester contre la dévaluation de la monnaie, ainsi que les autres nouvelles mesures annoncées par le président Maduro. Les commerces restés ouverts, qui vendaient la semaine dernière des produits qui coûtaient un million de bolivars, ont alors été vus avec des étiquettes de prix à 10 bolivars souverains.

« Nous allons tomber dans un abîme. Si nous ne nous opposons pas fermement au régime, nous allons avoir ce régime pour toujours, ce qui est son plan », a déclaré à Reuters l'opposant et dirigeant de La Cause radicale (extrême gauche) Andres Velasquez, qui a estimé que 60% a participé à ce mouvement national, lors d'une conférence de presse.

Les critiques fusent également du côté des analystes et économistes, qui dénoncent un programme « surréaliste ». Le plan de relance économique du gouvernement projette une nouvelle hausse du salaire minimum de près de 3.400%, alors que le Venezuela subit un hyperinflation, attendue à 1.000.000% pour la fin de l'année, selon les prévisions du Fonds monétaire international.

La fédération des chambres de commerce (Fedecamaras) a qualifié le programme de Maduro comme étant « incohérent », car cette hausse significative du salaire minimum obligera un grand nombre d'entreprises à mettre la clé sous la porte.

Une hausse du prix de l'essence à prévoir

Jusqu'ici, cinq grandes mesures ont été annoncées par le président Maduro. L'arrivée des nouveaux billets qui comptent cinq zéros en moins, le salaire minimum multiplié par 35 et la dévaluation accompagnée d'une indexation de la monnaie vénézuélienne ont déjà été appliqués.

L'abrogation de la loi sur le contrôle des changes a également été prononcée ce lundi 20 août, alors qu'auparavant, les auteurs d'opérations de change réalisées en marge du contrôle exercé par l'Etat se voyaient infliger des amendes et des peines allant jusqu'à 15 ans de prison.

Enfin, les Vénézuéliens vont devoir s'attendre à une augmentation du prix de l'essence, qui était jusqu'ici la moins chère du monde, alors que le gouvernement cherche toujours à trouver des liquidités. D'après le programme annoncé par le chef d'Etat vénézuélien, le carburant restera subventionné pour les seuls détenteurs d'un carnet de la patrie, carte qui donne accès aux aides de l'Etat.

« J'espère que d'ici deux ans au plus tard, nous aurons résolu l'anomalie qui fait que l'essence vénézuélienne est quasiment offerte. L'essence et les hydrocarbures doivent atteindre les prix internationaux afin de mettre fin à la contrebande », avait expliqué Nicolas Maduro cité par l'AFP il y a quelques jours.

L'opposition, qui conteste largement cette mesure, a dénoncé un ultime « contrôle social et politique » du pouvoir ainsi qu'un « chantage électoral ». Les Vénézuéliens auront jusqu'au 30 août, nouveau délai fixé par le gouvernement, pour faire recenser leur véhicule.

Estelle Nguyen
Commentaire 1
à écrit le 23/08/2018 à 10:38
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Il faut dès à présent préparer l'impression de nouveaux billets pour émission dans six mois (le problème est d'anticiper le nombre de zéros à enlever) et une nouvelle dévaluation vs USD. Cordialement

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