Le marché pétrolier était lundi attentif à l'évolution de la situation en Ukraine, les Etats-Unis et l'Union européenne étant persuadés de l'imminence d'une invasion des troupes russes. Les prix pourraient rapidement en effet franchir la barre symbolique des 100 dollars dans un tel scénario. Ce lundi, le cours du baril de Brent s'est déjà hissé à 96,2 dollars, un niveau inédit depuis septembre 2014, avant de refluer pour évoluer au-dessus de 94 dollars.
Depuis le 1er décembre 2021, le cours a bondi de 40%, nourrissant notamment l'inflation dans la plupart des pays. Au même moment, le cours du baril de WTI, la référence aux Etats-Unis, évoluait au-dessus des 93 dollars, après avoir atteint 95 dollars, également un record depuis 2014.
Une offre à la peine, des stocks au plus bas
Ces cours élevés reflètent une offre mondiale à la peine face à la demande. Ainsi, l'Opep+ n'est même pas arrivée à atteindre son quota de production en janvier. Et il risque de ne pas l'être, le cartel et ses alliés étant censés majoré de 400.000 barils par jour (bj) leurs exportations en février, et de nouveau 400.000 barils/jour en mars. A cela s'ajoute un niveau des stocks stratégiques dans les pays de l'OCDE inférieur à la moyenne des cinq dernières années.
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Or les Américains et les Européens ont préparé une liste de sanctions contre Moscou, qui comprennent notamment la suspension d'importation de pétrole vers l'Europe du deuxième exportateur mondial. Ce qui ne serait pas sans conséquence car la Russie est le premier fournisseur du continent. Sur les 11 millions de barils par jour (mbj) qu'a produits la Russie en 2021, l'Europe en a acheté 4 millions de mbj, selon les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Sur les 2,5 mbj importés par pipeline, un tiers a été acheminé par le seul pipeline de Droujba, long de 4.000 km, le plus long du monde, qui part du sud-est de la Russie vers l'Allemagne en passant par l'Ukraine, la Hongrie et la Pologne.
Hongrie, Slovaquie et République tchèque en première ligne
De fait, le volume qui risque le plus d'être perturbé est celui des près de 250.000 bj d'exportations de brut russe qui transitent par la branche sud du pipeline de Droujba pour alimenter la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque. Si l'offre de brut russe transitant à travers le pipeline de Droujba était suspendue, comme ce fut le cas en 2019 après contamination malveillante du pétrole par des produits chimiques corrosifs, cela obligerait ces pays clients à puiser dans leurs stocks stratégiques pétroliers et à chercher des offres alternatives.
Néanmoins, pour le moment, la bataille se livre surtout sur la scène diplomatique, nourrie de déclarations menaçantes venant des deux camps. "La probabilité de sanctions sur les exportations russes de brut reste faible, non seulement à cause des prix actuels élevés du brut et de l'ampleur de l'impact sur les marchés, mais aussi parce qu'une escalade du conflit pourrait perturber les flux", indiquaient les experts de l'AIE, la semaine dernière dans leur rapport mensuel.
Si le marché pétrolier se focalise sur le dossier ukrainien, en revanche, il pourrait y avoir des avancées sur le dossier nucléaire de l'Iran dont les négociations ont débuté discrètement la semaine dernière à Vienne (Autriche).
Depuis le retrait unilatéral décidé par le président Donald Trump en 2018 de l'accord JCPOA, les ventes de brut iranien étaient tombées à un plancher. Jusqu'alors l'Iran exportait 2,4 millions de barils par jour (mbj), dont 670.000 b/j vers la Chine, 490.000 b/j vers l'Inde, 590.000 b/j vers l'Europe, 260.000 b/j vers la Corée du Sud et 150.000 bj vers le Japon.
Or, depuis 2021, les exportations iraniennes ont augmenté pour atteindre 600.000 b/j grâce aux importants volumes achetés par la Chine. L'AIE prévoit que des contrats vont être rétablis avec des pays consommateurs clés comme l'Inde, la Corée du Sud, le Japon, la Turquie et l'Europe.
L'enjeu est de taille. En cas de l'obtention d'un accord et de la levée des sanctions, l'Iran pourrait voir sa production atteindre 3,8 mbj, soit 1,3 mbj supplémentaire d'ici à la fin de l'année, selon l'AIE. Le pays disposerait également de 80 millions de barils de brut et de condensats stockés sur des tankers.
L'Iran, deuxième contributeur à la hausse de l'offre en 2021
"Malgré les sanctions, l'Iran a été le deuxième plus important contributeur à la croissance de l'offre l'année dernière après avoir augmenté sa production de 420.000 barils par jour par rapport à 2020 pour atteindre 2,4 mbj grâce à une substantielle hausse des exportations de brut et de condensats vers la Chine. En janvier 2022, sa production de brut reste stable à 2,5 mbj, avec des exportations oscillant autour de 800.000 b/j", évalue l'Agence internationale de l'énergie.
En cas d'accord, 1,3 mbj pourrait donc revenir rapidement sur le marché pétrolier international. Et cela pourrait intervenir plus rapidement que prévu. Un porte-parole de la délégation iranienne a indiqué ce lundi que "si les Etats-Unis et l'Europe répondent aujourd'hui (ce lundi ) à l'Iran, dans le cadre du JCPoA, nous pourrons annoncer demain (mardi) à Vienne que nous sommes parvenus à un accord".