Ukraine : Roosevelt et Reagan, voix d’outre-tombe

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT- Si les élus de la droite américaine persistent dans leur refus d’aider militairement l'Ukraine, l'Europe devra faire face à ses responsabilités. Franklin Roosevelt et Ronald Reagan sont là pour nous rappeler ce qu’il faut de courage politique pour se confronter aux menaces hégémoniques.
François Clemenceau
François Clemenceau
François Clemenceau (Crédits : © DR)

C'était un dimanche soir à la radio. Comme à son habitude depuis son installation à la Maison-Blanche en mars 1933, Franklin Roosevelt se lança ce 29 décembre 1940 dans une de ses nouvelles conversations « au coin du feu » que 60 millions d'Américains en moyenne écoutaient attentivement.

Isolationnisme

Ce n'était pas la première fois que le président évoquait dans ses causeries la guerre qui ravageait l'Europe depuis qu'Adolf Hitler avait lancé ses troupes tous azimuts, tandis que la Luftwaffe bombardait Londres sans répit. Roosevelt, paralysé par la polio depuis presque vingt ans, savait bien que son peuple était également paralysé par un autre genre de maladie. L'isolationnisme des années 1930 aux États-Unis, cette idée que le pays avait déjà suffisamment payé son tribut à l'Europe pendant la Première Guerre mondiale, ce concept selon lequel les Américains devaient d'abord s'occuper d'eux-mêmes avant de s'inquiéter du sort du monde, était largement partagé au sein des deux grands partis politiques.

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Ce 29 décembre 1940, Franklin Roosevelt annonça aux Américains qu'ils devaient pourtant aider le Royaume-Uni, et plus largement ceux qui résistaient à la barbarie nazie conquérante. « Qui donc peut croire sérieusement que nous serions épargnés par les puissances de l'Axe si elles étaient nos voisines ? s'alarmait le président. Si le Royaume-Uni tombe, elles contrôleront l'Europe, l'Asie, l'Afrique, l'Océanie et les mers. Il n'y a rien d'exagéré à croire que nous serions tous, du nord au sud du continent américain, à portée de tir autant économiquement que militairement. » Roosevelt inventa ce soir-là l'expression « arsenal de la démocratie »afin de faire entrer son pays dans une économie de guerre qui permettrait à Churchill non seulement de tenir, mais d'organiser la riposte.

Un an plus tard, l'aviation japonaise bombardait Pearl Harbor et faisait entrer les États-Unis sur les fronts du Pacifique, de l'Afrique et de l'Europe. Il faudra alors près de quatre ans aux Alliés pour faire capituler les nazis au terme d'une guerre qui aura occasionné des millions de morts et laissé l'Europe en ruine.

Aider l'Ukraine, pour Donald Trump et ses obligés, c'est non. Quitte à réjouir Vladimir Poutine

Monde à l 'envers

Cette semaine, sous la pression de l'isolationniste Donald Trump, le speaker de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a une nouvelle fois signalé que ses troupes ne voteraient pas pour le projet d'aide à l'Ukraine adopté par le Sénat. Cette enveloppe de 95 milliards de dollars est pourtant également destinée à soutenir militairement Israël dans sa guerre contre le Hamas ainsi que Taïwan face à la menace chinoise. L'islamo-terrorisme et la Chine communiste étant les deux ennemis prioritaires de la droite trumpiste, ses élus devraient voter des deux mains en faveur de telles aides.

Mais pour Donald Trump et ses obligés, c'est non. Ne rien voter qui puisse être mis au crédit du président Biden. Quitte à réjouir Vladimir Poutine, l'ayatollah Khamenei et Xi Jinping. Dans ce monde à l'envers, où sont donc passés les héritiers de Ronald Reagan ? N'est-ce pas pourtant ce président républicain, à l'aube de sa campagne de réélection en 1984, qui en appelait à la raison, à la loyauté et à la dissuasion ?

« L'Histoire nous apprend que les guerres commencent toujours lorsqu'on croit que le prix à payer pour les agresseurs est faible. Pour préserver la paix, nous et nos alliés devons rester suffisamment forts pour convaincre tout potentiel agresseur que la guerre ne lui apportera aucun bénéfice, uniquement le désastre », martelait-il en évoquant l'Union soviétique et nucléaire du grabataire Tchernenko.

Ronald Reagan et son homologue russe avaient 27 ans lors des accords honteux de Munich en septembre 1938 qui validèrent l'annexion de la région des Sudètes en Tchécoslovaquie par Hitler dans l'espoir naïf que le Führer s'arrêterait là. Ce vendredi, c'était la vice-présidente américaine, Kamala Harris, qui participait à Munich à la Conférence annuelle de la sécurité pour dire, comme Roosevelt et Reagan en leur temps, que les États-Unis se devaient de maintenir leur « engagement à vaincre les idéologies en faillite de l'isolationnisme, de l'autoritarisme et de l'unilatéralisme ».

L'esprit d'une défense « quoi qu'il en coûte » des démocraties face à la brutalité de la Russie et de ses alliés chinois, nord-coréen ou iranien devrait convaincre de l'urgence d'un sursaut. D'abord entre démocrates et républicains aux États-Unis, mais surtout entre Européens et alliés de l'Otan. Faire front commun et sans conditions afin de sauver l'Ukraine est le seul chemin pour préserver la communauté de valeurs du « monde libre ».

François Clemenceau
Commentaire 1
à écrit le 18/02/2024 à 8:31
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Non c'est pas au courage que l'UE avance c'est pour l'argent public que nos oligarchies daignent ouvrir un oeil donc c'est toujours facile de les faire bouger si ça va dans ce sens. C'est pas madame Pfyzer qui dira le contraire.

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