Taxes douanières, baisse des taux : le FMI critique ouvertement les choix de Trump

La guerre commerciale menée par l'administration Trump contre la Chine avec des tarifs douaniers punitifs et un affaiblissement du dollar ne permettront pas de redresser les déséquilibres commerciaux, ont mis en garde mercredi des économistes du FMI.
(Crédits : Yuri Gripas)

Sur un ton inhabituellement direct, l'économiste en chef du Fonds monétaire international, Gita Gopinath et deux de ses collègues affirment que la politique économique de la Maison-Blanche est contreproductive et va ralentir l'économie mondiale.

Les tarifs douaniers "vont avoir un impact négatif aussi bien sur l'économie américaine que mondiale en minant la confiance des entreprises et l'investissement et en désorganisant les chaînes d'approvisionnement, tout en augmentant les coûts pour les producteurs et les consommateurs", écrivent les auteurs dans le post d'un blog.

"Des tarifs douaniers bilatéraux plus élevés ont peu de chances d'arriver à réduire les déséquilibres commerciaux, parce que pour l'essentiel ils détournent les échanges vers d'autres pays", écrivent Mme Gopinath et MM. Gustavo Adler et Luis Cubeddu.

Pour autant la production n'est pas rapatriée aux États-Unis, mais ce qui était produit en Chine va être produit dans un autre pays à bas coûts et auquel cas le déficit commercial se creusera.

Le déficit commercial est, pour Donald Trump, l'une des principales mesures de la santé de l'économie américaine. Il voit dans le déséquilibre un signe de faiblesse des États-Unis et essaye d'y remédier, avec la Chine tout particulièrement, à coup de tarifs douaniers punitifs pour tenter de rétablir l'équilibre.

D'ici la mi-décembre, les 550 milliards de dollars de biens importés de Chine devraient être frappés d'une taxe comprise entre 10 et 25%.

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"Trop vite, trop haut"

Les trois économistes mettent aussi en garde contre une autre idée caressée par le président et évoquée souvent sur Twitter : affaiblir le dollar pour rendre les produits américains plus compétitifs. Le locataire accuse la Banque centrale européenne et Pékin de volontairement faire baisser leur devise respective pour rendre leurs produits plus attractifs aux consommateurs américains.

Les stratégies pour affaiblir la devise d'un pays "sont difficiles à mettre en oeuvre et s'avèrent selon toute probabilité inefficace", soulignent les économistes du Fonds, ajoutant, pour bien enfoncer le clou, que presser la Banque centrale de baisser les taux ne permettra pas non plus d'arriver au but désiré.

Donald Trump attaque sans répit la Banque centrale américaine qu'il accuse de freiner la croissance économique en ayant augmenté ses taux "trop souvent, trop vite".

Le président qui est en campagne pour sa réélection et qui sait l'importance de la santé de l'économie sur l'issue du scrutin, réclame désormais une baisse d'un point de pourcentage du principal taux d'intérêt de la Fed, pour regagner en compétitivité et doper la croissance.

"Plus fort dollar de l'Histoire, très dur pour les exportations. Pas d'inflation", s'est-il insurgé sur Twitter mercredi matin, arguant que, ailleurs, les taux sont plus bas. Le billet vert est en fait loin de ses plus hauts niveaux historiques.

"Il ne faut pas se bercer de l'illusion qu'en baissant les taux d'intérêt on arrive à affaiblir suffisamment une devise pour qu'elle améliore durablement la balance commerciale", jugent les auteurs du blog.

"La politique monétaire seule n'est pas en mesure d'induire les dévaluations fortes et durables qui seraient nécessaires pour mener à ce résultat et surtout pas sur une période de 12 mois", mettent-ils en garde, faisant clairement allusion à l'échéance présidentielle de novembre 2020.

La "méthode Coué" pour Trump

Donald Trump a insisté mardi : "les États-Unis n'ont pas à craindre une récession" qui serait potentiellement désastreuse dans l'optique de sa réélection en 2020. Mais l'élu républicain a laissé penser qu'il se préparait, au cas où, à cette éventualité.

"Le mot 'récession' est inapproprié", a lancé le président américain devant des journalistes à la Maison-Blanche.

Alors que sa cote de popularité est en dessous des 50% et que les derniers sondages le donnent battu par un démocrate lors de la prochaine élection présidentielle, Donald Trump est convaincu que sa réélection dépend de la vigueur de l'économie américaine, dont il ne cesse de vanter la bonne santé.

La croissance est au rendez-vous depuis une décennie maintenant et le successeur de Barack Obama s'en attribue tout le crédit possible, citant souvent le taux de chômage au plus bas depuis presque 50 ans et l'économie "la plus dynamique" de la planète. Mais il évite de parler des mauvaises nouvelles, comme ce signal d'alarme lancé par les marchés financiers la semaine dernière. Les rendements des obligations à 10 ans du Trésor américain sont brièvement tombés sous ceux des bons à deux ans, l'inverse de ce qui est censé se produire.

Cet "inversement de la courbe" des taux est un phénomène statistique qui, dans le passé, a été le signe précurseur d'une récession.

Lire aussi : États-Unis : une récession d'ici deux ans ? Une possibilité pour une majorité d'économistes

Ajoutez à cela les craintes grandissantes des retombées de la guerre commerciale sino-américaine, les avertissements de l'Allemagne quant à un ralentissement et le chaos britannique autour du Brexit et surgit alors le grand mot de "Récession" qui fait de nouveau partie des conversations. Sauf pour Donald Trump.

À la recherche de boucs émissaires

Donald Trump, néanmoins, semble inquiet. Il trouve déjà des personnes à blâmer pour cette récession qui, dit-il, ne se produira pas.

Sa cible numéro un est la Réserve fédérale (Fed), qu'il attaque, rompant avec toutes les traditions, depuis des mois à cause de la réticence de la Banque centrale à baisser les taux d'intérêt. Il a ainsi traité la semaine dernière son patron Jerome Powell d'"incompétent".

Lire aussi : Historique : quatre anciens patrons de la Fed défendent Powell contre Trump

Second bouc émissaire : les médias américains accusés par le président et ses collaborateurs de vouloir délibérément attiser les craintes de récession. Leur but ? Handicaper, par ricochet, le bilan du républicain.

"Ils mettent en avant le mensonge de la récession. Le fait est que beaucoup de gens de gauche veulent que ces horribles choses deviennent réalité", a déclaré mardi le porte-parole adjoint de la Maison-Blanche, Hogan Gidley, à Fox News.

Selon l'enquête d'un groupement professionnel d'économistes, une large majorité d'entre eux (72%) pensent qu'il y aura un ralentissement économique avant la fin 2021. La moitié des prévisionnistes interrogés par la National Association for Business Economists prévoient même une récession dès 2020.

De hauts responsables de la Maison-Blanche réfléchissent donc à plusieurs mesures destinées à stimuler l'économie, notamment en réduisant temporairement des charges sociales pour augmenter la paie des travailleurs.

"Nous y pensons", a confirmé Donald Trump mardi.

"Il considère de nouvelles réductions d'impôts", avait reconnu Hogan Gidley auparavant.

Lire aussi : États-Unis : vers une baisse d'impôts pour éviter la récession ?

Selon le New York Times, l'imposition de nouveaux tarifs douaniers par l'administration Trump sur des marchandises chinoises est aussi à l'étude. Le locataire de la Maison-Blanche a assuré mardi qu'il n'était "pas prêt à faire accord" avec la Chine. "On est en train de gagner !", a-t-il encore martelé.

Commentaires 2
à écrit le 27/08/2019 à 9:52
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Le FMI, l'institution qui ne nous veut pas du bien.

à écrit le 22/08/2019 à 11:23
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Si tout le monde fait la même chose en même temps, il n'y a pas "recherche" de progrès mais une installation dans la rente! C'est l'exemple; de l'Allemagne et de l'UE, qui fini par être nocive pour tout le monde!

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