Visite stratégique pour Emmanuel Macron au Kazakhstan et en Ouzbékistan

Uranium, titane, nucléaire... Les sujets de discussion vont être nombreux pour Emmanuel Macron au cours de sa visite de deux jours au Kazakhstan puis en Ouzbékistan. En dépit d'un agenda international chargé, le président de la République va s'efforcer de renforcer la place diplomatique et économique de la France au sein d'une Asie centrale au carrefour des luttes d'influences entre Moscou, Pékin et Ankara.
Emmanuel Macron se rend pendant deux jours en Asie centrale, avec des coopérations économique à la clef.
Emmanuel Macron se rend pendant deux jours en Asie centrale, avec des coopérations économique à la clef. (Crédits : JOHANNA GERON)

Les deux ex-républiques soviétiques d'Asie centrale sont loin d'être les principaux partenaires commerciaux de la France, pourtant la visite d'Emmanuel Macron au Kazakhstan puis en Ouzbékistan revêt un fort caractère stratégique. Le président de la République, qui est arrivé dans la capitale kazakhe Astana ce mercredi matin, ambitionne de renforcer sa présence dans la région sur fond de course à l'influence entre Russes, Chinois et Européens. Cela passe notamment par une consolidation de la coopération économique dans plusieurs domaines : matières premières, énergie, aéronautique et pharmaceutique entre autres.

Emmanuel Macron doit s'entretenir dans la matinée avec son homologue Kassym-Jomart Tokaïev et signer des contrats dans les secteurs pharmaceutique et aéronautique notamment, selon l'AFP. Les deux chefs d'Etat ouvriront ensuite ensemble un forum d'affaires franco-kazakh. Emmanuel Macron rencontrera ensuite des étudiants à l'université, avant de s'envoler pour l'Ouzbékistan voisin où il passera la journée de jeudi. La France est ainsi déterminée à imprimer sa marque politique et économique dans la région.

Cette volonté de renforcement économique s'illustre par la présence d'une importante délégation aux côtés du chef de l'Etat dans plusieurs domaines stratégiques, dont Luc Rémont, PDG d'EDF, Sabrina Soussan, PDG de Suez et Philippe Knoche, directeur général d'Orano.

Lire aussiComment le Kazakhstan est devenu en 30 ans l'autre pays des miracles économiques

Approvisionnements stratégiques

La présence de ce dernier est loin d'être anecdotique. Spécialiste de l'uranium, Orano veut accroître sa présence au Kazakhstan, où il exploite déjà une mine. Les métaux critiques, indispensables à la transition énergétique et dont la région est riche, figurent ainsi en bonne place dans les discussions avec les deux pays. Le Kazakhstan (45,2%) est le premier producteur mondial d'uranium naturel selon l'agence d'approvisionnement d'Euratom (ESA) et il compte avec l'Ouzbékistan parmi les principaux fournisseurs d'uranium à la France, à hauteur de 40 % de ses importations, et à l'Union européenne. D'où la nécessité de sécuriser cette source d'approvisionnement, notamment au vu du récent coup d'Etat au Niger.

Lire aussiMondialisation : se passer du titane russe, le chemin de croix de l'aéronautique européenne

Au même titre, la question du titane pourrait également revenir dans les discussions. Le Kazakhstan est l'un des seuls producteurs d'éponges et de semi-produits en titane de très haute qualité, derrière le Japon et la Russie. Or, l'invasion de l'Ukraine a fortement perturbé l'approvisionnement de ce matériau indispensable à l'aéronautique, avec des industriels occidentaux qui ont bien du mal à s'affranchir de la production russe.

La France cherche également des débouchés locaux, notamment dans le nucléaire. Elle est sur les rangs pour le projet de première centrale nucléaire au Kazakhstan, dont la construction doit être tranchée par référendum d'ici la fin de l'année.

Les échanges bilatéraux se sont élevés à 5,3 milliards d'euros en 2022, pour l'essentiel dans les hydrocarbures. La France est ainsi le cinquième investisseur étranger au Kazakhstan, devant la Chine, du fait de l'implantation du groupe pétrolier TotalEnergies, qui exploite conjointement l'important gisement de Kachagan en mer Caspienne.

Lire aussiKazakhstan: les corps des mineurs tués dans une explosion retrouvés, ArcelorMittal chassé du pays

Lutte d'influence face à la Chine, la Turquie et la Hongrie

En se rendant dans la région malgré un agenda international chargé, Emmanuel Macron entend « soutenir la souveraineté et la volonté de diversification des partenariats exprimées par les deux pays », relève l'Elysée. Il ambitionne concrètement de renforcer les liens économiques bilatéraux, la coopération sur les grands enjeux climatiques ainsi que la « diplomatie d'influence » de la France envers la jeunesse.

Paris fait valoir à cet égard son intérêt de longue date pour la région où François Mitterrand avait été le premier chef d'Etat européen à se rendre - au Kazakhstan en 1993 et en Ouzbékistan en 1994 - après l'éclatement de l'Union soviétique. Depuis, le président Nicolas Sarkozy s'est aussi rendu à Astana en 2009, tout comme François Hollande en 2014.

En Ouzbékistan, pays le plus peuplé d'Asie centrale avec quelque 35 millions d'habitants et longtemps reclus, Emmanuel Macron réparera près de 30 ans d'absence, aucun président français ne s'y étant rendu depuis 1994. Le président ouzbek, Chavkat Mirzioïev, est lui déjà venu deux fois en France, en 2018 et 2022, avec plus de 6 milliards d'euros de contrats à la clef lors de sa deuxième visite.

L'Asie centrale, longtemps un pré-carré russe, est ardemment courtisée par les grandes puissances à un moment où la Russie est accaparée par son offensive militaire en Ukraine. Dans ce jeu d'influences, la Chine voisine, forte de son grand projet d'infrastructures des « Nouvelles routes de la soie », a pris une longueur d'avance. Mais l'Europe et la Turquie avancent aussi leurs pions. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le président turc Recep Tayyip Erdogan emboîteront d'ailleurs le pas à Emmanuel Macron jeudi et vendredi à Astana.

Forts de cet engouement, le Kazakhstan et l'Ouzbékistan misent sur l'ouverture économique et une diplomatie d'équilibre pour s'affirmer, même si Moscou reste un partenaire incontournable.

Lire aussiGaz russe : Poutine donne le coup d'envoi des livraisons à l'Ouzbékistan

Des régimes autoritaires

Au-delà de leur ouverture économique, les deux républiques demeurent des régimes autoritaires où la répression des manifestations est souvent violente, malgré une volonté affichée de libéralisation politique. En 2022, des émeutes avaient été réprimées dans le sang, faisant respectivement 238 morts au Kazakhstan et 21 en Ouzbékistan.

Si le président ouzbek Chavkat Mirzioïev a certes mis fin en 2016 aux deux décennies d'isolement imposées par son prédécesseur, le redouté Islam Karimov, dont il fut un proche, il ne souffre toujours aucune contestation.

La présidence française préfère de son côté mettre l'accent sur la « dynamique de réformes » dans ce pays et assure que l'Etat de droit sera aussi évoqué durant la visite à Samarcande, joyau architectural ouzbek.

(Avec AFP)

Commentaires 18
à écrit le 02/11/2023 à 20:03
Signaler
Sécurité énergetique de la nucléaire francaise? Fumée dans les yeux. La combustible vient des endroits lointains, géopolitiquement instables pour le moins dire. Et les emissions de gaz de serre pour produire combustible nucléaire a partir de l'uraniu...

à écrit le 02/11/2023 à 13:29
Signaler
Cette visite est une bonne chose. On se remet petit à petit la tête à l’endroit, on sort des chimères et on s’occupe de ce qui est important pour nous. Pas mal de temps perdu pendant les 4 derniers mandats. Ça, c’est une bonne chose pour notre indust...

le 02/11/2023 à 18:12
Signaler
Ses déplacements brassent surtout du vent, enfin cela tourne parfois (souvent) au fiasco- voir ses dernières représentations en Afrique où il s'est carrément fait humilier. Il s'y rend c'est sur mais c'est comme à la pèche, il risque de revenir bredo...

à écrit le 02/11/2023 à 10:41
Signaler
sa reconversion et toute trouve creer une entreprise de production de panneau solaire en france pour couvrir toute les maison individuel pour chauffage et alimentation électrique ceci est suite a ces prise de position sur le gaz et autre Energie re...

à écrit le 02/11/2023 à 10:19
Signaler
L'encerclement de la Russie est en marche dans l'optique d'un effondrement de la Fédération de Russie. Le Kazakhstan est une bonne cible, la Biélorussie aussi qui ne devrait pas pouvoir résister aussi longtemps que Poutine l'espere à l'attraction de...

le 02/11/2023 à 18:16
Signaler
Je constate que Bruno Lemaire vous a inspiré ! Nous allons torpiller la Russie en deux coups de cuillère à pot. Nous sommes les meilleurs (par rapport aux plus nuls bien sur). Au faite où en sommes nous en Ukraine ? Un immense succès de l'OTAN....

à écrit le 02/11/2023 à 9:44
Signaler
Pourtant ils viennent juste de nationaliser arcelormittal ce qui est quand même interdit par le dogme de l'UERSS empire prévu pour durer mille ans.

à écrit le 02/11/2023 à 8:57
Signaler
Pour l'éclairage de @PM suite à son épingle sur mon post. Le GROUPE ArcelorMittal (une multinationale) a son siège légal au Luxembourg (en Occident). Lakshmi Narayan Mittal (président Mittal) est une chose, quant à l'administrateur de Mittal, une aut...

à écrit le 01/11/2023 à 15:34
Signaler
Le Kazakhstan (pays grand comme l'Europe) a choisi son camp, ayant constaté que la Russie n'avait pas d'avenir. L'espoir pour lui vient de la Chine. Pour l'instant, celle ci n'exporte que sa vision commerçante; le jour où elle voudra imposer son mode...

à écrit le 01/11/2023 à 12:53
Signaler
"[...] pour le projet de première centrale nucléaire au Kazakhstan, dont la construction doit être tranchée PAR RÉFÉRENDUM d'ici la fin de l'année." À méditer ! Sans transition, le prix de l'uranium a augmenté de 228 % (en eur) entre le 7 mai 2017 et...

à écrit le 01/11/2023 à 12:31
Signaler
@latribune. Cette fois, c'est quoi qui vous dérange dans mon post pour qu'il ne passe pas la modération, alors qu'il respecte la charte ?😤 Bon sang, ça devient la Russie ici!

à écrit le 01/11/2023 à 12:21
Signaler
Notre président fait plus dans le voyage d'affaires que dans la discrète mission diplomatique; nostalgie de son séjour dans la banque et de ses plantureuses commissions?

à écrit le 01/11/2023 à 12:07
Signaler
Bon, on on va encore se fâcher avec des Etats étrangers...

à écrit le 01/11/2023 à 11:56
Signaler
Bonjour, monsieur le président de la République est en voyage... Afin de contrer l'influence de certains régimes autoritaires... Lorsque le gouvernement utilise les 49,3 a tours de bras, ils n'y a pas grand chose à dire... D'ailleurs, lorsque l'on...

à écrit le 01/11/2023 à 10:28
Signaler
Après l'accident majeur survenu au Kazakhstan dans une mine exploitée par la multinationale ARCELORMITTAL (qui a profondément terni le modèle économique à l'occidental), il faut espérer que le "fin stratège" a pris ses rames avec lui car il en aura b...

le 01/11/2023 à 15:28
Signaler
Mittal = occidental ? c'est nouveau; à moins que l'Inde soit "occidentale" et n'ait rien à faire parmi les BRICS... Merci de nous éclairer. Quant à votre avis sur le Niger, cela est conforme à la pratique habituelle en Afrique: "je suis un participan...

le 01/11/2023 à 20:35
Signaler
@PM. Le GROUPE ArcelorMittal (une multinationale) a son siège légal au Luxembourg (en Occident). Lakshmi Narayan Mittal est une chose, quant à l'administrateur une autre, à savoir la banque d'investissement américaine Goldman Sachs (et les États-Unis...

à écrit le 01/11/2023 à 10:16
Signaler
Si les enjeux sont crédibles, le personnage qui nous représente l'est beaucoup moins et cela annonce encore un "détournement" du résultat !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.