On n'a pas l'occasion de faire deux fois une première impression. Valérie Hayer s'est donc beaucoup préparée pour le meeting lançant sa campagne. Celui-ci a eu lieu hier à Lille. La pression était forte alors que, dans les sondages, la Macronie est très largement distancée par le Rassemblement national. Selon la dernière enquête Elabe pour La Tribune Dimanche, il y aurait même 12,5 points d'écart.
Mobilisation générale
Inconnue du grand public, la tête de liste qu'Emmanuel Macron a choisie pour représenter son camp aux élections européennes du 9 juin pénètre dans l'enceinte du Grand Palais uniquement accompagnée de Gabriel Attal. Dans la salle, il y a environ 2.500 personnes. Les ministres se sont déplacés en masse. Mercredi, à l'Élysée, le chef de l'État leur avait mis un petit coup de pression, les appelant à la mobilisation générale. Ils sont ainsi une trentaine dans les premiers rangs. Parmi eux figure Rachida Dati, encore il y a deux mois aux avant-postes de LR. Élisabeth Borne, Yaël Braun-Pivet ou Thierry Breton sont aussi là.
Avant la star du jour, ils sont quatre à prendre la parole. Patron de la Macronie dans le Nord, Gérald Darmanin joue la carte locale. « Sans l'Europe, il n'y a pas d'habitants des Hauts-de-France heureux », plaide le ministre de l'Intérieur. François Bayrou et Édouard Philippe évoquent le contexte international très grave dans lequel va se dérouler le scrutin. « Je suis fier que nous ayons un président de la République qui a su montrer en quelques mots que l'Ukraine ce n'était pas l'étranger, que ce n'était pas loin, que ce qui se joue en Ukraine, c'est notre vie », explique le patron du MoDem. « Le président de la République a mille fois raison de soutenir l'Ukraine, lance le leader d'Horizons. Ceux qui en France ou dans le monde jugent qu'il est opportun de ne pas énerver les autocrates me rappellent cette phrase de Churchill : "Le conciliateur est quelqu'un qui nourrit le crocodile en espérant être le dernier à être mangé." » Gabriel Attal, lui, étrille le RN.
Sa charge est lourde, très lourde. « Le bilan du clan Le Pen, c'est quarante ans d'indemnités de mandat, quarante ans de fantômes dans les couloirs de Bruxelles et de Strasbourg », cogne-t-il pour commencer. À la tribune, le Premier ministre tient à mettre en garde les Français. « Le RN a passé tous ses discours à l'adoucissant, ironise-t-il. Marine Le Pen, Jordan Bardella ne disent plus rien. À force de changer d'avis sur tout, ils vont appeler à une immigration massive sur le continent européen si cela leur fait gagner une élection. » Pour lui, le Rassemblement national défend toujours, malgré ce qu'il dit, un « Frexit ». « Ils cherchent par tous les moyens à ne plus faire peur, mais s'ils font moins peur, ils feront toujours autant mal », conclut Gabriel Attal. Il est très applaudi.
Avant le meeting, Valérie Hayer a reçu un coup de fil d'Emmanuel Macron. Le chef de l'État, le vrai directeur de campagne, a voulu l'encourager de vive voix. Un temps, la diffusion d'une vidéo du président ce samedi avait été envisagée. Mais l'idée a été abandonnée. Cela aurait pris le pas sur le reste, alors que ce meeting devait servir à mettre en lumière la tête de liste de la majorité présidentielle. Dans son discours prononcé à l'aide deux prompteurs installés de part et d'autre du pupitre, l'eurodéputée sortante se présente donc, rappelant qu'elle vient de Mayenne, est issue d'une famille d'agriculteurs, croit depuis toujours à l'idéal européen sans faire partie des « eurobéats ».
Deux autres grands meetings
À son tour, elle mitraille le Rassemblement national, pointant le positionnement du parti dans la guerre entre la Russie et l'Ukraine. « Hier Daladier et Chamberlain, aujourd'hui Le Pen et Orbán ; les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats, dénonce-t-elle. Nous sommes à Munich en 1938. Hier les somnambules, ceux qui ne veulent pas voir par confort ou par calcul, aujourd'hui Le Pen et Orbán. Il est minuit moins une. » Un peu plus loin, elle poursuit son offensive : « Le RN prétend défendre nos valeurs matin, midi et soir. Mais à la première secousse de l'Histoire, ce sont les premiers à sombrer dans la soumission. Pas nous. Voilà pourquoi nous devons lutter contre l'entrée et l'entrisme des amis de Poutine au Parlement européen. À les écouter, ils s'en défendront toujours. Mais regardez ce qu'ils votent loin des caméras ! »
Stanislas Guerini poussait pour qu'elle soit choisie
Au terme d'une intervention de trente-cinq minutes, Valérie Hayer a passé l'épreuve sans accroc. Les dates de deux autres grands meetings de sa campagne sont d'ores et déjà calées : le 9 mai, la journée de l'Europe, à Marseille, le 1er juin à Paris. Fin mars, la présidente du groupe Renew au Parlement européen pourrait également se déplacer à Kiev. En attendant, elle plongera dans un autre grand bain cette semaine. Le premier débat entre têtes de liste aura lieu jeudi sur Public Sénat. À l'occasion d'un dîner mi-février, Stanislas Guerini, qui poussait depuis plusieurs semaines pour que ce soit elle qui soit choisie pour mener la bataille, a donné plusieurs conseils à Valérie Hayer. L'ex-délégué général de Renaissance, désormais ministre de la Fonction publique s'était frotté à l'exercice en 2019 en amont de la campagne. Il lui a notamment expliqué que le temps de parole était au final très court et qu'il fallait surtout bien préparer deux séquences de deux minutes. « C'est normal d'avoir le trac quinze jours avant », lui a-t-il précisé.