Olivier Marleix, citadelle assiégée

Chef de file des députés Les Républicains, l’élu gaulliste est secoué par les tiraillements de son propre camp face à la Macronie.
Jules Pecnard
(Crédits : © Julien Muguet / Hans Lucas)

Il est 11h47, Olivier Marleix sort de son bureau. Notre rendez-vous dans les locaux du groupe Les Républicains (LR) à l'Assemblée nationale, ce 23 novembre, était prévu à 11 h 30. Le patron des députés LR s'excuse pour son léger retard. Il vient d'achever une discussion un peu rêche avec une éditorialiste dont le dernier billet moque les « guerres d'ego » entre députés et sénateurs LR sur le projet de loi immigration de Gérald Darmanin. Olivier Marleix, qui rejette catégoriquement le texte, bougonne : « Il n'y a pas de guerres d'ego quand l'intérêt national est en jeu. » Puis il lâche un sourire.

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Derrière la forteresse infranchissable et les convictions « gaullopompidoliennes », Olivier Marleix cultive son humour. « Pince-sans-rire », résument ceux qui le côtoient. Brice Hortefeux, qui l'a eu comme conseiller ministériel, évoque une ironie « à froid, très british ». Le père, Alain Marleix, a été un pilier du RPR chiraquien puis de l'UMP sarkozyste, dans l'ombre, reconnu pour son expertise de la carte électorale. C'est dans le giron de ce paternel imposant, « dur et craint » selon une vieille connaissance de la famille, qu'Olivier Marleix plonge dans le bain militant. Il colle ses premiers tracts pour Jacques Chirac à 12 ans, lors des municipales de 1983 à Paris.

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À celui qui a fini président de la République, le député d'Eure-et-Loir préfère l'austère mais plus « authentique » Édouard Balladur. Olivier Marleix le soutient en 1995, comme son père. Avec le recul, il juge le « libéralisme populaire » de l'ex-Premier ministre bien éloigné du « discours mièvre et sans vision » d'Emmanuel Macron, dont il déteste avec ardeur le « mondialisme ». La commission d'enquête sur la vente d'Alstom, finalisée lorsque l'actuel chef de l'État était ministre de l'Économie, reste à ce jour un des moments de fierté d'Olivier Marleix. Cette allergie, les macronistes la lui rendent bien. Y compris ceux qui, à l'instar du MoDem Patrick Mignola, ont fait leurs armes avec lui chez les jeunes balladuriens. « C'était un chef auto-décrété qui parlait à tout le monde comme s'il avait dix ans de plus », se souvient le Savoyard. Olivier Marleix est convaincu que si Édouard Balladur avait gagné, il se serait vu confier un secrétariat d'État. À 24 ans, donc.

Quelque temps après ce pari perdu, Olivier Marleix part à Chartres. « Ma vocation, c'était l'engagement auprès des gens, leur trouver des solutions, affirme-t-il aujourd'hui. Je le voyais dans le Cantal, où mon père faisait des miracles. » Quand son fils lui fait comprendre qu'il aimerait œuvrer dans le même département que lui, Alain Marleix oppose un refus cinglant : « On n'est pas une entreprise monégasque ! » L'aîné accuse le coup ; il restera dans l'Eure-et-Loir. En attendant, il rejoint l'Élysée, où vient d'emménager Nicolas Sarkozy. Olivier Marleix n'en garde pas un bon souvenir. Les équipes du président le dédaignent, lui n'en pense pas moins. « Son père ne l'a pas du tout aidé à faire de la politique, souligne une source qui connaît bien l'ex-maire d'Anet. Alain a été ambivalent à son égard : il voulait qu'il s'engage, mais sans lui faire de l'ombre. Ça n'a pas donné à Olivier une énorme confiance en lui-même.»

Le député d'Eure et-Loir accuse Gérald Darmanin de mentir « comme un arracheur de dents »

Est-ce cela qui explique ses relations fluctuantes avec ses propres troupes à l'Assemblée nationale ? Depuis qu'il a été élu président des 62 députés LR en juin 2022, les critiques sur son mode de gestion sont légion. Les uns se plaignent des mauvais choix tactiques du chef ou de n'avoir aucune réponse à leurs textos, d'autres se replient sur leur circonscription. Olivier Marleix s'en dit conscient, sans cacher son mépris pour les « ragots de maternelle » du chaudron parisien. Éric Ciotti le sait aussi. Le patron de LR n'a pas apprécié que son lieutenant brandisse la menace d'une motion de censure sur l'immigration : inutile de dégainer l'arme nucléaire si elle est inopérante. Olivier Marleix compte quelques proches, comme Patrick Hetzel ou Émilie Bonnivard, mais « de fait, c'est Éric qui dirige le groupe », soupirent plusieurs membres. Difficile d'inciter la droite à jouer collectif après les 4,78 % de Valérie Pécresse à la dernière présidentielle. Interrogé par La Tribune Dimanche, Alain Marleix trouve que son fils s'en sort très bien. « C'est la première fois que le gaullisme est aussi peu représenté, ce n'est quand même pas facile... » Et d'ajouter ce compliment : « Il est brillant, il l'a toujours été. »

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Pour se ressourcer, Olivier Marleix arpente son fief, celui de Dreux. Malgré ses « 120 points de deal » et ses problèmes liés à l'immigration, cette ville le rend optimiste. « Les habitants arrivent à recréer un climat de fraternité. » D'après lui, le texte de Gérald Darmanin amènera, dans sa version actuelle, « à plus de 200 000 régularisations d'étrangers par an ». Là-dessus, Olivier Marleix reste inflexible, accusant le ministre de l'Intérieur, dont il ne pardonnera jamais la traîtrise, de mentir « comme un arracheur de dents ». À la veille de l'arrivée du projet de loi au Palais-Bourbon, le sujet le crispe. Son portable sonne : c'est Patrick Hetzel, qui le prévient qu'une tribune circule au groupe LR pour soutenir le texte sorti du Sénat. « Mais non... » Quand il raccroche, nous lui demandons s'il y a un souci. « Non, non, ce n'est rien ! »

Jules Pecnard
Commentaire 1
à écrit le 26/11/2023 à 8:10
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Bah franchement on voit pas la différence entre le LR et les en marche vers la misère...

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