Agriculture : la Commission européenne souhaite réguler les « nouveaux OGM »

La Commission européenne doit proposer début juillet une législation sur les biotechnologies génétiques. Ces techniques émergentes s'efforcent de développer des semences plus résistantes, au point qu'elles sont parfois qualifiées de nouveaux OGM par leurs détracteurs. Au Parlement européen, une majorité soutient un assouplissement réglementaire.
Début juillet, la Commission européenne devrait proposer une législation sur les biotechnologies génétiques.
Début juillet, la Commission européenne devrait proposer une législation sur les biotechnologies génétiques. (Crédits : Reuters)

Le cadre réglementaire est en cours de finalisation. Début juillet, la Commission européenne devrait proposer une législation sur les biotechnologies génétiques, sujet largement controversé, et promettant des débats agités au Parlement européen, parmi les Etats et les eurodéputés.

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Les biotechnologies génétiques correspondent à des semences moins vulnérables aux sécheresses et maladies ou moins gourmandes en eau, par exemple. Appelées en anglais NBT ou NGT, pour « nouvelles techniques génomiques », elles désignent une kyrielle d'outils d'édition génomique apparus ces dernières années qui modifient le matériel génétique des plantes sans ajout extérieur. Elles se distinguent donc des OGM dits « transgéniques » qui, eux, introduisent un gène extérieur.

Renforcer la compétitivité de l'agriculture européenne

Si ces nouvelles techniques apparaissent comme une solution permettant de garantir la production alimentaire européenne, tout en faisant face aux aléas climatiques, elles sont loin de faire l'unanimité. Elles sont perçues comme une simple façon d'accélérer l'évolution qu'on aurait pu obtenir naturellement selon leurs partisans. A l'inverse, elles sont présentées comme des « OGM cachés » par les organisations environnementales, vent debout contre toute dérégulation.

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Dès 2021, l'exécutif européen jugeait les règles drastiques encadrant les OGM (autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance...) « inadaptées » à ces nouvelles biotechnologies. « Les plantes produites par NGT peuvent soutenir la durabilité » de l'agriculture européenne et renforcer sa « compétitivité », assurait fin avril devant des eurodéputés la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides. Le cadre réglementaire proposé par la Commission européenne « signalera clairement aux agriculteurs, chercheurs et industriels que c'est la voie à suivre », affirmait-elle.

Des lobbies actifs

Bruxelles recense actuellement 90 demandes d'autorisation pour des cultures NGT (un tiers à un stade de recherche avancée), avec jusqu'à présent seuls quelques tests en plein champ (maïs en Belgique, pommes de terre en Suède...). Dans un document daté de février, consulté par l'AFP, la Commission étudiait notamment la possibilité de « traiter de la même façon » semences conventionnelles et les produits NGT présentant des modifications pouvant se produire naturellement ou via des croisements traditionnels, avec diverses options d'étiquetage.

« Quand (les NGT) servent la réduction des produits phytosanitaires et permettent de faire face au dérèglement climatique, avec des variétés plus résistantes aux coups de chaleur, il faut essayer d'accélérer », soutenait en avril le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau, s'inquiétant d'un « retard » européen.

Fin 2022, son homologue espagnol Luis Planas vantait « un magnifique instrument pour avoir des cultures ayant besoin de moins d'eau et d'engrais ». Des positions soutenues par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca. « Le climat change, maladies et champignons évoluent... si on veut nourrir l'Europe et être auto-suffisant, il faut adapter les règles » pour se donner les moyens de développer des variétés plus résistantes, plaide l'un de ses responsables, Thor Gunnar Kofoed.

Certains États plus méfiants

Au Parlement européen, une majorité soutient un assouplissement réglementaire. Si les conservateurs du PPE veulent un « moratoire » sur tout objectif contraignant de réduction des pesticides, ils poussent en revanche pour un cadre favorable aux NGT, capable de « stimuler la recherche, l'investissement, l'emploi »... et de doper la productivité.

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Pour Pascal Canfin, président Renew (centristes) de la commission Environnement, les NGT peuvent « faire partie des solutions utiles à la transition agricole » s'ils contribuent aux solutions alternatives aux pesticides chimiques. Mais contrairement au PPE, il veut garder le cap sur les autres textes du Pacte vert. Certains Etats sont circonspects. L'Autriche, par exemple, a fustigé mi-mars une étude d'impact de la Commission « fondée sur des hypothèses et conjectures » plus que sur des données scientifiques, réclamant « une étude exhaustive des risques environnementaux et sanitaires » et des investissements sur la biosécurité.

Hongrie, Chypre, Allemagne et Luxembourg l'ont soutenue, Berlin demandant « une approche sociale, socialement acceptée (...) pour préserver principe de précaution, liberté de choix et coexistence de différents systèmes agricoles ». Au Parlement, la gauche est rétive à toute législation spécifique, rappelant que la Cour de justice européenne (CJUE) avait estimé mi-2018 que les organismes issus des nouvelles techniques de sélection relevaient « en principe du champ d'application de la directive OGM ».

Les Verts veulent une évaluation des risques

La bataille législative devrait ainsi se concentrer sur les garde-fous à apporter. « La Commission joue aux apprentis-sorciers », estime l'eurodéputé socialiste Eric Andrieu, appelant à préserver « principe de précaution, transparence et information totale du consommateur ». Les Verts veulent une « évaluation complète des risques » pour éviter des effets inattendus (nouvelles toxines ou allergènes...), obliger les développeurs à prévoir des méthodes de détection et traçabilité, et rendre l'étiquetage obligatoire.

Cette dernière mesure permettrait de dissuader les consommateurs, veut croire Mute Schimpf, des Amis de la Terre. Pour elle, cette législation est un « écran de fumée pour éviter le débat sur la transition » des modèles agricoles, alors que « ces nouveaux OGM ne sont qu'une promesse à la concrétisation incertaine ».

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 23/05/2023 à 11:39
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L'UE ne peut plus tergiverser plus longtemps. Elle doit disposer le plus tôt possible de plantes éditées (NGT). La préservation de sa souveraineté et sa sécurité alimentaire en dépendent. Refuser cette technologie serait aussi aberrant que refuser l'...

à écrit le 22/05/2023 à 8:57
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surtout qu'ils arretent de donner des subventions a tour de bras les grosses GAEC qui empechent les petit agriculteusr de se mettre à leur compte n'en ont pas besoin

à écrit le 22/05/2023 à 8:55
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Pour rappel, les OGM (événements) les plus importants sur la planète ont bien été autorisés suite aux procédures d’homologation,... mais bloqués par les états membres..

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