La « lune de miel » entre le nouveau gouvernement et la population grecque est-elle sur le point de s'achever ? Plusieurs signaux semblent montrer que la popularité de l'équipe Tsipras, très forte en février et en mars, commence à flancher. Ainsi, un sondage de l'Université de Macédoine présentée sur la chaîne de télévision Skai lundi 20 avril a indiqué que la confiance dans la capacité de négociation d'Alexis Tsipras et de son ministre des Finances Yanis Varoufakis est passée de 72 % en mars à 45,5 % en avril. Le taux d'insatisfaction est, lui, passé de 35 % à 39,5 %. Parallèlement, l'institut Metrisi a réalisé les 14 et 16 avril pour la chaîne Proto Thema un sondage sur les intentions de vote en cas d'élections anticipées. Syriza recueillerait 34,6 % des voix (contre 36,5 % lors du scrutin du 25 janvier). On est loin des scores dépassant les 40 % enregistrées au cours de février et mars.
Un élément clé dans la stratégie du gouvernement
Quelques observateurs, notamment anglo-saxons y voient une nouvelle pression qui pourrait faire céder Alexis Tsipras face aux Européens, c'est notamment le cas de Hugo Dixon de Reuters dans ce tweet :
Et il est vrai que dans la stratégie d'Alexis Tsipras, le soutien populaire est un élément clé. Sans lui, la résistance dont il fait preuve face aux créanciers est inutile. En cas de conflit, en effet, le gouvernement grec pourrait, comme il l'a indiqué plusieurs fois, en appeler aux urnes pour obtenir la « validation démocratique » de sa stratégie. Evidemment, s'il sent qu'il est en difficulté, il n'ira pas jusqu'à cette validation et il devra céder sur l'essentiel.
Un soutien encore élevé
Sauf que l'on n'en est pas encore réellement à ce point. D'abord, il faut souligner que les bases de comparaison de février et mars sont peu pertinentes. Un soutien populaire de 72 % est naturellement excessif. En revanche, on peut souligner que la masse de ceux qui font confiance au duo Tsipras-Varoufakis est encore bien supérieure à ceux qui ne font pas confiance dans le sondage de l'Université de Macédoine. Ce chiffre reste d'autant plus élevé que le blocage de la situation avec les créanciers a nettement dégradé la situation économique.
Malgré tout, on notera que la note donnée par ces sondés au gouvernement pour sa gestion économique (4,6 sur 10) est la plus élevé après celle sur sa politique étrangère (5,5 sur 10). De même, 52,5 % des sondés estiment encore que le gouvernement « est engagé à tenir ses promesses préélectorales », c'est là un motif pour le gouvernement de persister plutôt que d'abandonner le rejet des « réformes » voulues par les créanciers. Mais il est vrai aussi qu'une majorité des Grecs (56 % contre 45,5 %) « craigne » désormais le Grexit...
Les raisons de la baisse de popularité
En revanche, on remarque que le gouvernement reçoit de très mauvaises notes sur l'immigration (3/10) et sur la politique de sécurité (3,7/10). Les motifs principaux de mécontentement ne sont donc pas les négociations. La gestion de l'agitation anarchiste dans le quartier athénien d'Exarchia, l'occupation brisée par la police de l'université d'Athènes, la volonté de réformer la police sont autant d'éléments qui ont joué contre le gouvernement. Par ailleurs, il ne faut pas non plus négliger également une déception « de gauche » envers Syriza.
Enfin, outre la crise avec les créanciers, la popularité du gouvernement a pâti de plusieurs fautes de communication du gouvernement. Cette semaine, la publication d'un décret de réquisition des réserves des entités publiques a été publiée sans véritable explications auprès des autorités locales et de l'opinion. Les élus locaux se sont naturellement révolté et entendent résister. C'est toute la difficulté de la position du gouvernement grec : la négociation sur le fil du rasoir avec les créanciers l'obligent à prendre des mesures parfois impopulaires sans préparation de l'opinion... Mais il convient aussi de noter que, dans la mesure des moyens offerts par une situation complexe, le gouvernement a pris des mesures en accord avec ses promesses électorales, comme la gestion de la « crise humanitaire », la réforme du système de recrutement et de promotion dans la fonction publique qui devrait être présentée au parlement en mai ou encore le rééchelonnement des dettes fiscales.
Pas de vraies alternatives
Du reste, la baisse de la popularité de Syriza et d'Alexis Tsipras n'ouvre pas réellement le champ à des alternatives. Le leader conservateur et ancien premier ministre Antonis Samaras n'est guère redevenu une alternative crédible et demeure assez impopulaire, plus en tout cas qu'Alexis Tsipras. Dans le sondage Metrisi, le recul de Syriza est assez limité par rapport au sondage du 2 avril (-0,6 point), mais personne n'en profite dans le paysage politique grec. Son allié gouvernemental, les Grecs indépendants (ANEL) demeurent à 4,8 % comme le 25 janvier. Certes, Nouvelle Démocratie, l'opposition conservatrice, gagne sur deux semaines 0,6 point, mais à 24,2 % d'intentions de vote, elle reste très loin de son score du 25 avril (27,8 %) et de Syriza. Le parti pro-européen centriste, favori des créanciers, To Potami, fait du surplace à 5,5 % (6 % le 25 janvier), tandis que le Pasok passerait sous les 4 %. Bref, les partis "pro-européens" ne profitent guère de la crise avec les créanciers. Pas plus que les partisans de la "ligne dure" : ni le parti communiste, ni les néo-nazis d'Aube Dorée ne progressent. Dans ce contexte, il n'est pas exclu que Syriza obtienne la majorité absolue seule en cas d'élection. Sa coalition devrait la conserver.
L'enjeu des indécis
En réalité, seuls les indécis progressent et représentent 12 % des sondés. Autrement dit, la gestion Tsipras laisse beaucoup de Grecs circonspects. Reste à savoir comment ces indécis se comporteront en cas d'élections anticipées ou de référendum sur les « réformes » du gouvernement ou des créanciers. Il n'est pas certain que, dans un contexte de crise, ces indécis ne rejoignent pas le camp gouvernemental puisque, apparemment, les Grecs ne regrettent guère encore le précédent gouvernement et sa politique vis-à-vis des créanciers. Bref, la maison Tsipras n'est pas encore en feu. Il n'y a là rien qui doive conduire à une inflexion immédiate de la politique grecque vis-à-vis des créanciers. Bien au contraire, la défense des intérêts helléniques pourraient compenser les « fautes » internes ressenties par une partie de la population. Mais évidemment, la dégradation de la situation économique en raison du blocage des discussions demeure un risque pour le gouvernement.