L'UE s'outille pour défendre les entreprises européennes contre la concurrence chinoise

Un accord provisoire a été trouvé pour doter l'Union européenne de nouveaux pouvoirs en vue de mieux contrôler les investissements étrangers et empêcher des entreprises subventionnées par leur État d'exercer une concurrence déloyale sur le Vieux Continent. Ce texte ne vise pas officiellement à contrer un pays en particulier, mais il est une réponse européenne à la montée en puissance de la Chine.
« L'accord trouvé » est « un pas majeur vers la protection de nos intérêts économiques », s'est félicité le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire.

L'Union européenne est sur le point de s'armer de nouveaux pouvoirs réglementaires pour lutter contre la concurrence déloyale provenant de pays tiers. Ces outils législatifs sont une réponse notamment à la montée en puissance de la Chine, dont les entreprises, ces dernières années, ont considérablement augmenté leurs investissements dans l'Union européenne : des vignobles du Bordelais aux fabricants de robots en Allemagne, en passant par les constructeurs d'engins de construction en Italie. Au sein de l'UE, cette croissance rapide a alimenté les craintes quant à l'impact de ces investissements sur l'emploi, la technologie et la capacité industrielle européenne à long terme, suscitant des appels à une plus grande surveillance.

Certains États membres s'inquiètent aussi de la concurrence déloyale d'entreprises chinoises largement aidées par le régime communiste. Dans ce contexte, depuis mai 2021, Bruxelles cherche à se donner les moyens de réguler les acquisitions et les accès aux marchés publics, pour limiter les incursions d'entreprises étrangères trop lourdement subventionnées par l'Etat.

Un angle mort jusqu'à présent

L'Europe s'est déjà dotée de mesures antidumping, qui permettent de rétablir une concurrence loyale entre les produits importés des pays tiers et les produits fabriqués dans l'Union européenne. En clair, un pays hors UE, ne peut pas « casser » les prix comme il veut pour vendre ses produits sur le marché européen. « La réglementation européenne permet aussi de s'assurer qu'il n'y a pas de concurrence déloyale entre les entreprises des Etats membres. Mais il existe un angle mort : quand une entreprise chinoise, ou de tout autre pays tiers, veut racheter une entreprise européenne ou se positionner sur un marché public, elle peut le faire selon ses propres règles », explique à La Tribune Xavier Lacaze, avocat associé chez DS Avocats, spécialiste de droit commercial et de la concurrence.

Dans le cas de tentative de rachat d'une entreprise européenne, ou dans le cadre d'un appel d'offres pour un marché public, il n'existe donc aucun contrôle sur les subventions étrangères, accordées par des pays tiers. Ce qui crée des distorsions de concurrence. « Cette lacune nuit à l'égalité des conditions de concurrence. Et fausse le marché intérieur », estime le Conseil de l'UE.

Mais ce trou dans la raquette devrait bientôt être réparé. Un nouveau pas a été franchi jeudi pour amener les pays étrangers à se plier aux règles du marché européen. Les législateurs européens se sont accordés sur des outils juridiques qui visent à « garantir des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises opérant sur le marché intérieur » de l'Union européenne, précise un communiqué du Conseil de l'UE.

« C'est un pas majeur vers la protection de nos intérêts économiques », s'est félicité le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire.

Ces outils doivent encore attendre le feu vert du Conseil et du Parlement européen pour être effectifs. Une fois ce feu vert obtenu, ces règles entreront en vigueur 20 jours après leur publication au Journal officiel de l'Union européenne, soit pas avant mi-2023.

Trois outils pour mieux lutter contre la concurrence déloyale

De quoi parle-t-on précisément ? La Commission européenne va se doter de trois outils de contrôle. Premier outil : une entreprise étrangère qui cherche à acquérir une société européenne au chiffre d'affaires annuel supérieur à 500 millions d'euros devra soumettre au contrôle de la Commission européenne « toute contribution financière reçue d'un pouvoir public d'un pays tiers ». En clair, dans le cadre d'opérations de fusion-acquisition importantes, les aides publiques provenant de pays tiers seront contrôlées par la Commission européenne.

Second outil : la Commission européenne pourra aussi passer au crible les aides publiques accordées aux entreprises étrangères, candidates à un marché public « de grande ampleur », sur le sol de l'Union européenne, d'une valeur supérieure à 250 millions d'euros.

Troisième outil : la Commission aura le droit d'enquêter sur des subventions octroyées jusqu'à cinq ans avant l'entrée en vigueur du règlement, et qui ont généré des distorsions sur le marché intérieur après son entrée en vigueur. Comprendre : ces mesures de contrôle seront rétroactives, jusqu'à 5 ans en arrière.

La Commission européenne pourra infliger des amendes, et le cas échéant imposer « des mesures réparatrices ou accepter de la part des entreprises concernées des engagements de nature à remédier aux distorsions » de la concurrence, précise Bruxelles dans un communiqué.

Mieux contrôler les investissements étrangers

Ainsi, par exemple, une entreprise chinoise étatique ne pourra plus racheter comme bon lui semble une grosse entreprise allemande. Ou encore, un groupe de BTP étranger ne pourra plus non plus s'imposer sur un important marché public, sans que son dossier ne passe au crible de la Commission européenne.

L'objectif « n'est pas d'interdire les investissements étrangers dans l'Union européenne. Mais de les permettre selon nos règles du jeu, celles fixées par l'Union européenne, et qu'il n'y ait pas de concurrence déloyale », résume Xavier Lacaze. « On manquait simplement d'outils pour contrôler les opérations de rachats de belles entreprises européennes par des pays tiers ou d'intervention sur de gros marchés publics », souligne-t-il. L'Union européenne est donc sur le point de rectifier le tir.

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Commentaires 9
à écrit le 03/07/2022 à 19:53
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Après plus de 40 ans de Reaganisme Thatchérien suicidaires avec lev dogme suicidaire de la concurence dite libre et on faussée avec casse des services publics ultraperformants comme France Télecom et EDF/GF, SNCF, RATP, les USA et l'Europe sont cuits...

à écrit le 03/07/2022 à 10:49
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Depuis des annés, les sociétés françaises sont devenues des proies faciles pour les étrangers, le transporteur Norbert Dentressangle, la branche énergie d’Alstom, le Club Med, Arcelor, etc... Sur la période 2008-2020, les groupes américains ont scel...

à écrit le 03/07/2022 à 10:42
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..." .. La réglementation européenne permet aussi de s'assurer qu'il n'y a pas de concurrence déloyale entre les entreprises des Etats membres... "... On est dans le comique..

à écrit le 02/07/2022 à 14:57
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Mais qui va les croire ? Que Washington leurs demande de faire la guerre économique à la Chine, en échange d'un peu d'énergie ,cela est plausible .Que le gouvernement essaie d'éteindre le feu de l'opinion publique qui s'aperçoit du niveau de déliques...

à écrit le 02/07/2022 à 13:18
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Il est grandement temps, en UE, de nous réveiller totalement. L'heure n'est plus à une procrastination mortifere. Russie, Chine, US, ne sont pas nos amis. Leurs intérêts ne sont pas les nôtres. Il faut nous doter de moyens juridiques pour faire resp...

à écrit le 02/07/2022 à 13:17
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Il est grandement temps, en UE, de nous réveiller totalement. L'heure n'est plus à une procrastination mortifere. Russie, Chine, US, ne sont pas nos amis. Leurs intérêts ne sont pas les nôtres. Il faut nous doter de moyens juridiques pour faire resp...

à écrit le 02/07/2022 à 13:08
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C est mieux que rien mais on a 20 ans de retard, de destructions d emplois, de transferts forcés des compétences, d’ infiltrations politiques chinoises au sein de la.commission via la compromission de certains élus politiques - à l’image de schroder,...

à écrit le 02/07/2022 à 11:19
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Non...! Ne me dites pas que les Chinois relocalisent chez nous ce que l'on avez localisé chez eux et avec la même methode?;-)

à écrit le 02/07/2022 à 9:24
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Bonjour . Malheureusement rien de nouveau.... Certains pays ne respectent pas les brevets et autre savoir faire... Mais comme se sont des entreprises étatique dans un état communistes, ils ons tout les droits.. Ils est plus que temps de mettre fi...

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