
L'inquiétude de la Pologne face à la Russie est palpable. En témoigne l'accord approuvé lundi par le ministre de la Défense portant sur la livraison de 486 modules de lance-roquettes Himars de production américaine. Il avait déjà reçu l'aval du Département d'Etat en février dernier. Son montant est estimé à 10 milliards de dollars.
« Avec les dix-huit lanceurs commandés en 2019 - soit un escadron - l'armée polonaise disposera de 500 lanceurs Himars, répartis en 28 escadrons », a déclaré Mariusz Blaszczak, cité par l'agence PAP, ajoutant que les livraisons devraient commencer fin 2025. Les modules de lanceurs, fabriqués par le groupe américain Lockheed Martin, devront être montés sur les châssis locaux et intégrés aux systèmes de commandement électronique polonais. L'intégration devra prendre deux ans.
Une nouvelle étape dans l'ambition de la Pologne de renforcer sa défense face à la guerre qui sévit depuis février 2022 entre la Russie et l'Ukraine donc Varsovie est un soutien inconditionnel. « Nous savons que les dirigeants du Kremlin ont décidé de reconstruire l'empire russe. Notre objectif est de créer une situation dans laquelle une armée polonaise forte pourra réellement dissuader l'agresseur », a ainsi expliqué Mariusz Blaszczak qui s'était déjà réjoui en août que son pays dispose « d'ici deux ans [de] l'armée de terre la plus puissante d'Europe, si ce processus se poursuit ».
Les Etats-Unis et la Corée du Sud, principaux partenaires
Un processus de réarmement entamé depuis le début du conflit. La Pologne a, en effet, entrepris de signer de nombreux contrats en vue d'importantes acquisitions d'armements. Et ce, principalement avec les Etats-Unis et la Corée du Sud. Fin août, Washington a ainsi approuvé un contrat géant incluant la vente de 96 hélicoptères d'attaque Apache, un modèle construit par Boeing, à la Pologne d'une valeur de 12 milliards de dollars afin de remplacer les appareils soviétiques vieillissants de cette dernière. Deux mois plus tôt, Varsovie avait déjà reçu ses premiers chars américains Abrams, préalablement utilisés par les Marines, dans le cadre d'un autre contrat d'armement d'un montant de 1,4 milliard de dollars. L'armée polonaise, la première armée étrangère à bénéficier de ce tank lourd, attend également pour fin 2024, 250 autres Abrams, neufs. D'autres contrats conclus avec les Américains portent sur 32 avions de combat F-35 de Lockheed Martin et des systèmes antimissiles Patriot (Raytheon).
Autre partenaire privilégié par la Pologne, la Corée du Sud prévoit de son côté de livrer un millier de chars K2 (Hyundai Rotem), près de 700 obusiers automoteurs, 50 avions de combat FA-50 (KAI) et 288 lance-roquettes multiples K239.
La Pologne renforce sa défense antiaérienne
La Pologne a également acheté à la filiale britannique du groupe européen d'armement MBDA des missiles antiaériens d'une valeur d'environ 1,9 milliard de livres (2,4 milliards de dollars), ainsi que quatre systèmes norvégiens de missiles antinavires de Kongsberg pour un montant d'environ 1,4 milliard d'euros. Baptisés NSM (Naval Strike Missile), il s'agit de missiles subsoniques de plus de 185 km de portée, pouvant être tirés de différentes plateformes navales ou terrestres contre des cibles en mer ou à terre. L'armée polonaise a été la première cliente de ce système de défense côtière en 2008 et avait passé une nouvelle commande en 2014, selon Kongsberg dans un communiqué boursier. « Les nouvelles livraisons continueront jusque dans les années 2030 », a précisé le groupe, ajoutant que le contrat avec la Pologne dépend encore d'une autorisation de financement à l'export qui est attendue « d'ici quelques semaines ».
Enfin, début août, le ministre polonais de la Défense avait annoncé vouloir acheter au consortium italien Leonardo 22 hélicoptères AW-101. « Jeudi, nous avons envoyé une invitation à négocier la livraison de 22 hélicoptères multirôles AW101, qui remplaceront bientôt des appareils post-soviétiques », avait indiqué Mariusz Blaszczak sur X (ex-Twitter). Le ministre de la Défense n'avait toutefois pas précisé ni les modalités d'achat ni le prix attendu d'acquisition en vue d'une livraison à l'automne. La Pologne a, par le passé, déjà commandé quatre AW-101 pour sa marine nationale.
Un budget de la défense porté à plus de 4% du PIB
Autant de commandes qui seront supportées par une hausse du budget accordé à la défense. « L'année prochaine, nous prévoyons de dépenser 137 milliards de zlotys (33 milliards de dollars) pour la défense. Cela représente plus de 4% de notre PIB », a ainsi déclaré le président Andrzej Duda, cité par l'agence PAP, lors d'un salon militaire à Kielce (sud) le 5 septembre. C'est donc plus que ce que le pays s'était engagé à dépenser initialement (4%) et encore bien davantage que les 2% demandés par l'Otan. « Il n'y a pas de prix qui ne vaille la peine d'être payé pour que la Pologne soit libre, souveraine et indépendante, et pour que les Polonais puissent vivre en toute sécurité », a-t-il justifié.
Des membres de Wagner soupçonnés d'être à la frontière avec la Biélorussie
D'autant que l'Ukraine s'inquiète de voir des membres de Wagner se rapprocher de sa frontière avec la Biélorussie. « La situation devient de plus en plus dangereuse (...). Il est très probable qu'ils (les miliciens de Wagner) se déguiseront en garde-frontières biélorusses et aideront les migrants illégaux à pénétrer sur le territoire polonais, afin de déstabiliser la Pologne », avait ainsi alerté Mateusz Morawiecki lors d'une conférence de presse à Gliwice, dans l'ouest de la Pologne fin juillet. « Ils essaieront très probablement d'entrer en Pologne en se faisant passer pour des migrants illégaux, ce qui constitue une menace supplémentaire », avait-il ajouté.
Et pour cause, le ministère biélorusse de la Défense avait au préalable annoncé la présence de membres de cette milice privée russe dans une caserne militaire biélorusse située à cinq kilomètres à peine de la Pologne, membre de l'Otan. Quelques jours plus tard, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki avait alerté sur le fait qu'une centaine de ces mercenaires s'était rapproché de la ville biélorusse de Grodno, près des frontières polonaise et lituanienne.
(Avec AFP)
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