« À mon avis, des hausses supplémentaires de taux d'intérêt seront nécessaires afin de ramener l'inflation (dans l'objectif) de 2% à moyen terme, et pas seulement à la réunion de politique monétaire de fin octobre », prévoyait Joachim Nagel, président de la Bundesbank, samedi dernier. Le chef de la banque centrale allemande faisait ainsi référence aux relèvements successifs réalisés par la Banque centrale européenne depuis juillet dont le dernier, en septembre, était de 75 points de base. Et c'est un relèvement d'une même ampleur qui pourrait être décidé lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs de l'institution, prévue le 27 octobre, évoquée par Joachim Nagel.
Ce resserrement de la politique monétaire a pour objectif de freiner la demande au sein de la zone euro (les 19 pays qui ont adopté la monnaie unique) où l'inflation atteint désormais 10% en septembre sur un an contre 9,1% en août. Avec comme principal risque de provoquer une récession. Le 14 octobre, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a, en effet, déclaré que « les perspectives de croissance sont principalement orientées à la baisse, notamment en raison des conséquences économiques de la guerre en Ukraine ». Sans prononcer le mot de récession, elle a souligné que « les perspectives se sont assombries » depuis cet été en raison d'une « inflation élevée ». « La diminution des effets de réouverture (post crise du Covid-19) », « l'affaiblissement de la demande mondiale » et « la baisse de la confiance » pèsent également. Ces facteurs « sont susceptibles de provoquer un ralentissement significatif de la croissance du PIB de la zone euro au second semestre et au début de 2023 », a-t-elle conclu.
« Il faut faire très attention »
C'est également ce que craint le président français selon qui l'économie européenne n'est « pas en surchauffe » et il ne faut pas « briser la demande » pour contenir l'inflation, car cette dernière « a d'abord été importée de l'extérieur, elle n'est pas liée à une demande trop forte », souligne-t-il. La flambée des prix depuis plusieurs mois s'explique, en effet, majoritairement par la hausse croissante des tarifs de l'énergie liée à la guerre en Ukraine. En septembre, les prix de l'énergie connaissent, de nouveau, la hausse annuelle la plus élevée, à 40,8% en septembre, après 38,6% en août.
« Je suis inquiet de voir beaucoup d'experts et certains acteurs de la politique monétaire européenne nous expliquer qu'il faudrait briser la demande européenne pour mieux contenir l'inflation », pointe Emmanuel Macron dans une interview au quotidien français Les Echos ce lundi. « Il faut faire très attention. Contrairement aux Etats-Unis, nous ne sommes pas dans une situation de surchauffe européenne », met-il en garde.
« Coopération entre la politique monétaire et budgétaire »
Si le discours du président français se heurte à celui de l'instance monétaire européenne qui, après avoir longtemps repoussé cette décision, semble désormais prête à remonter ses taux autant que nécessaire, il en va de même pour la politique mise en place au sein du pays. Les nombreuses aides instaurées en France, en particulier le bouclier tarifaire qui réduit considérablement l'effet de la hausse des prix de l'énergie sur les factures des ménages, s'opposent aux tentatives européennes pour freiner la demande. Le risque de cette politique est de continuer à alimenter l'inflation et de contrecarrer les plans des banques centrales de ralentir l'activité.
C'est ce qu'ont récemment signalé les grandes institutions internationales à l'instar du Fonds monétaire international qui appellent à davantage orienter ce soutien budgétaire vers les plus vulnérables. De son côté, la présidente de la BCE Christine Lagarde a plaidé le 12 octobre pour une « coopération entre la politique monétaire et budgétaire ».
L'Allemagne pointée du doigt
Si la France ne manque pas de répondre aux difficultés de sa population par des aides, son voisin allemand est davantage pointé du doigt tant son plan de soutien aux ménages et aux industriels est massif : il s'élève à 200 milliards d'euros, ce que n'a pas manqué de souligner Emmanuel Macron. Le président français a, ainsi, appelé l'Allemagne à la « solidarité » européenne face à l'envolée des prix de l'énergie, mettant en garde contre les « distorsions » de concurrence auxquelles le plan allemand pourrait conduire. « Nous ne pouvons pas nous en tenir à des politiques nationales, car cela crée des distorsions au sein du continent européen », a-t-il déclaré dans l'interview aux Echos. « Notre Europe, comme lors de la crise Covid, est à un moment de vérité (...) Nous devons agir avec unité et solidarité », a-t-il plaidé.
« L'Allemagne est à un moment de changement de modèle dont il ne faut pas sous-estimer le caractère déstabilisateur », a concédé le chef de l'Etat, ajoutant toutefois que « si on veut être cohérent, ce ne sont pas des stratégies nationales qu'il faut adopter mais une stratégie européenne ».
Emmanuel Macron s'est dit toutefois confiant « dans la force du couple franco-allemand et dans notre capacité ensemble à porter une stratégie ambitieuse ». Et de conclure : « Il y a une solidarité européenne à l'égard de l'Allemagne et il est normal qu'il y ait une solidarité de l'Allemagne à l'égard de l'Europe ! ».
(Avec AFP)