Zone euro : l'inflation finit l'année 2020 en territoire négatif

Les prix à la consommation dans la zone euro ont baissé de 0,3% sur un an en décembre, se maintenant en territoire négatif pour le cinquième mois d'affilée avec la chute prolongée des prix de l'énergie. Les pressions déflationnistes liées à la crise pourraient renforcer la tendance à la stagnation séculaire persistante depuis la crise financière de 2008.
Grégoire Normand
Les prix à la consommation dans les 19 pays ayant adopté la monnaie unique ont diminué de 0,3% en rythme annuel, comme lors des trois mois précédents, alors que les économistes sondés par Reuters prévoyaient en moyenne une baisse légèrement atténuée de 0,2%.
Les prix à la consommation dans les 19 pays ayant adopté la monnaie unique ont diminué de 0,3% en rythme annuel, comme lors des trois mois précédents, alors que les économistes sondés par Reuters prévoyaient en moyenne une baisse légèrement atténuée de 0,2%. (Crédits : Michele Tantussi)

L'année 2020 donne le tournis. Selon les derniers chiffres de l'institut de statistiques bruxellois (Eurostat) rendus publics ce jeudi 7 janvier, l'indice des prix à la consommation a reculé de 0,3% au mois de décembre dernier. Ce recul persistant s'explique principalement par la chute des prix de l'énergie (-6,9%) et des biens industriels hors énergie (-0,5%) qui font véritablement bouger l'indice des prix au sein de l'union monétaire. A l'opposé, les prix de l'alimentation, de l'alcool et du tabac (1,4%) ainsi que celui des services (0,6%) ont accéléré en décembre. C'est ainsi le cinquième moins consécutif que l'inflation demeure en territoire négatif. La pandémie a ainsi provoqué un choc déflationniste au cours de cette année chaotique. Pour le début de l'année 2021, la fin de la baisse de la TVA en Allemagne pour relancer la consommation et l'augmentation des prix de l'énergie devraient soutenir la hausse des prix. "L'effet de la baisse de la TVA en Allemagne est évident mais la périphérie a connu un vaste choc désinflationniste" a commenté l'économiste Frederik Ducrozet sur Twitter.

Selon des prévisions du bulletin économique de la Banque centrale européenne (BCE) publié ce jeudi, l'inflation annuelle serait de 0,2% en 2020, de 1% en 2021, de 1,1% en 2022 et de 1,4% en 2023. Autant dire que la crise risque de laisser des séquelles profondes et durables sur l'économie. "Le risque que l'économie européenne déraille au premier trimestre de cette année s'accroît chaque jour un peu plus alors que les Etats européens durcissent les mesures pour faire face à l'expansion de la pandémie et à la nouvelle mutation inquiétante observée initialement au Royaume-Uni. Alors que le rebond économique était attendu dès le premier trimestre, celui-ci pourrait être décalé au mieux au deuxième semestre, en fonction de la rapidité des campagnes de vaccination dans chaque pays et du devenir de l'épargne" explique le responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, Christopher Dembick, dans une note.

Une faible inflation sous-jacente persistante

L'inflation sous-jacente qui ne prend pas en compte les prix les plus volatils (matières premières, énergie) et les prix réglementés (tabac,...) est également très faible. En fin d'année, l'inflation sous-jacente était d'environ 0,2%. "Il y a structurellement une tendance désinflationniste. L'inflation dans les services est restée très faible. Les services sont bien plus exposés à la crise. En décembre, on a enregistré une hausse de l'inflation dans le secteur manufacturier. Cela correspond à une hausse de la demande industrielle" poursuit Christopher Dembick interrogé par La Tribune. Depuis le début de la pandémie sur le continent européen, les services ont en général été bien plus affectés que l'industrie alors que le poids du tertiaire dans le PIB européen est très important.

Une demande atone

Dans la plupart des pays de la zone euro, l'inflation a fini l'année 2020 en territoire négatif, hormis quelques exceptions comme les Pays-Bas ou la Belgique. En Grèce, le recul de l'inflation est particulièrement préoccupant (-2,4%) alors que le pays était encore à la peine avant cette récession. "En France, l'inflation a été très faible depuis plusieurs mois. Les prix de l'énergie et notamment celui du pétrole ont baissé en lien avec le ralentissement de l'économie mondiale. Ce contexte de faible inflation se poursuit en décembre. L'inflation serait à 0,5% à la fin du mois de décembre contre 1,1% en décembre 2019. L'inflation pourrait repartir avec l'activité à environ 1% à fin juin 2021" expliquait Olivier Simon de l'Insee lors d'un point presse fin décembre.

L'ensemble de ces chiffres "traduit une baisse de la demande dans le contexte des restrictions" ajoute Christopher Dembick. Avec la multiplication des mesures de confinement depuis le printemps 2020 sur l'ensemble du continent, la pandémie a provoqué un choc de demande inédit en mettant sous cloche des pans entiers de l'économie européenne et une grande partie de la population. Même si des mesures ont été décidées par les Etats pour préserver le pouvoir d'achat des ménages, la consommation a été en grande partie limitée par la propagation du virus et les mesures d'endiguement. Les ménages ont eu tendance à épargner pendant ces mises en hibernation. En outre, la récession pourrait accroître la pression sur les salaires des travailleurs alimentant une dangereuse spirale récessive.

Des perspectives assombries pour le premier trimestre

L'apparition de virus mutants et la mise en oeuvre de nouvelles mesures de confinement dans de nombreux  pays de la zone euro ont brutalement assombri les perspectives économiques. Si les annonces du vaccin en fin d'année 2020 ont pu apporter des lueurs d'espoir, les difficultés dans les campagnes de vaccination et le manque de coordination entre les Etats européens repoussent sans cesse le début d'une reprise économique durable. "La fin de la baisse de la TVA en Allemagne et la hausse des matières premières pourraient laisser entrevoir une inflation plus forte pour l'année 2021. Le bémol est que les nouvelles mesures de restriction et la recrudescence de l'épidémie compliquent la grille de lecture" déclare l'économiste de Saxo.

A cela s'ajoute un nouveau calcul de l'indice des prix à la consommation avec un système de pondération qui pourrait rendre les comparaisons difficiles pour les économistes. Pour la Banque centrale européenne (BCE), l'objectif d'atteindre une cible d'inflation proche mais inférieure à 2% semble irréaliste. "La BCE n'a pas de marge de manoeuvre pour atteindre sa cible. A l'heure actuelle, elle n'a pas de levier. Les débats actuellement consistent à revoir son mandat" conclut l'économiste. Dans ce contexte dégradé, les gouverneurs de la banque centrale vont devoir s'attaquer à une année 2021 encore périlleuse.

Lire aussi : L'inflation est restée stable en octobre, selon l'Insee

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 08/01/2021 à 18:22
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Inflation négative en zone euro sauf pour les entreprises publiques françaises (cf. prix du timbre et de l'électricité), c'est beau le communisme!

à écrit le 08/01/2021 à 17:27
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Quand je regarde mes achats quotidiens, les coûts de mutuelle, du gaz, de l'électricité, des timbres, ... 2020 par rapport à 2019, je ne vois que des hausses, dont certaines à environ 10% . Alors je ne comprends pas ...

à écrit le 08/01/2021 à 10:30
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ouais la japonisation quoi. Par contre les prix ont augmenté, alors les chiffres globaux qui n'ont de sens pour personne sauf pour des institutions aveugles, je dis pourquoi pas. Pour autant, ce n'est pas parce que les masques ont baissés que c...

à écrit le 08/01/2021 à 9:29
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l'insee et moi on ne fait pas les courses dans le même supermarché !

à écrit le 07/01/2021 à 20:20
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C'est facile de faire baisser l'inflation en ne prenant pas en compte le coût de l'immobilier et en disant qu'un kilo de tomates a la même qualité qu'il y a 20 ans. Pour l'alimentaire, on est maintenant obligés de prendre du bio, bien plus cher, si o...

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