Les crypto-actifs et la blockchain doivent oeuvrer à la souveraineté de l'Europe, selon Europlace

Alors que la technologie de la blockchain gagne de plus en plus le monde de la finance, le Comité Paris Europlace, qui représente les intérêts de la place financière nationale, a livré des recommandations pour accélérer l'adoption de ces nouveaux usages. En substance, il s'agit surtout d'évangéliser les acteurs de la finance traditionnelle et de "banaliser la forme « token » des instruments financiers". Ces jetons numériques échangés sur une chaîne de blocs se retrouveraient ainsi par exemple dans les contrats d'assurance-vie. De quoi positionner la place de Paris en pole position sur ces nouvelles technologies face à l'attractivité des leaders historiques ?
Jeanne Dussueil
(Crédits : Reuters)

Tandis qu'un vent de régulation souffle partout dans le monde sur les cryptomonnaies, Europlace, l'organisme chargé de la promotion de la place financière parisienne, y va de son couplet pour « favoriser l'émergence d'un écosystème numérique puissant et compétitif en France et en Europe », selon la note publiée ce jeudi 24 mars par son Comité « Finance numérique et cas d'usages ».

Ces recommandations interviennent alors que les institutions ont envoyé coup sur coup cette semaine deux salves contre les cryptomonnaies, à l'image de la patronne de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde qui voit une "menace" dans le contexte de la guerre en Ukraine, et aussi le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau qui a comparé le bitcoin à la "tulipomanie".

Or, malgré ces deux mises en garde, la notoriété de ces crypto-actifs échangés grâce au protocole décentralisé de la blockchain, grandit. Ils sont déjà 8% de Français à avoir placé une partie de leur bas de laine sur l'une des 12.000 cryptomonnaies (recensées par CoinGecko), d'après une étude KPMG sur commande de l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan) publiée en février.

Gestion d'actifs, paiement fractionné, assurance-vie...

Dès lors, la note du Comité d'Europlace, composé de dirigeants du secteur bancaire traditionnel (Société Générale, BNP Paribas, Euronext, Natixis) et par les nouvelles entreprises de la blockchain et des cryptos (telles Coinhouse, Napoleon AM, Tobam, Adan), prend en compte les pratiques financières des Français. Il propose par exemple un outil original pour rapprocher les particuliers de la sphère des crypto-actifs grâce à « l'inclusion de crypto actifs dans certains types de fonds et dans les contrats d'assurance-vie permis par la loi PACTE (Art 88) et offrir ainsi une alternative à l'achat en direct de crypto actifs. »

Sur le volet des taxes à appliquer sur les particuliers investisseurs et les entreprises de la blockchain, ce groupe de travail prône de « rapprocher la fiscalité des crypto actifs sur celle des instruments financiers ».

Aussi, alors que la tendance au paiement fractionné est en plein essor, Europlace recommande de porter cette tendance aux technologies de la blockchain et de « faciliter la démocratisation de l'accès à l'investissement grâce à la fractionalisation, c'est à-dire la possibilité d'investir des petits montants dans des fractions de parts.»

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La souveraineté européenne via la blockchain

A ces recommandations s'ajoute un soutien officiel de l'organisme parisien au projet de Monnaie numérique de banque centrale (MNBC), sur lequel la Banque de France planche au niveau hexagonal pendant deux ans, en  étroite collaboration avec la BCE qui travaille également sur l'euro numérique. Il s'agit surtout de débroussailler le terrain avant la prise de décision d'ici deux ans. La compétition est lancée entre les banques centrales du monde entier, avec l'avance de la Chine avec le e-yuan déjà en circulation, mais aussi l'administration de Joe Biden qui veut accélérer sur le sujet.

Aussi, le comité soutient la défense de la souveraineté européenne, grâce à la blockchain. « Pouvoir distribuer plus largement, sur des technologies de registre distribué, les titres  européens, tout en garantissant la finalité des opérations à l'intérieur de la Blockchain. Assurer l'autonomie européenne sur la Blockchain/DLT (technologie des registres distribués NDLR) », écrit-il.

Surtout, « l'industrie européenne et la place financière de Paris ont une carte majeure à jouer pour  consolider leur positionnement dans la compétition mondiale », affirme l'association Europlace, présidée par Agustin de Romanet (Groupe ADP). Pour cela, le groupe de travail préconise notamment : « l'émission et la distribution transfrontières de titres financiers digitalisés (...) de capitaliser sur le leadership français et européen dans la gestion d'actifs. »

Sauf que la régulation au niveau européen est longue à se mettre en place. Un premier volet à été ébauché avec le vote du MiCA (Market in Crypto Assets), qui instaure un premier cadre réglementaire, pour une mise en application en 2024. Reste un second volet attendu au niveau européen, notamment sur la partie fiscale, vers une harmonisation des régimes au sein des Etats membres. D'ailleurs, alors que ce premier texte est jugé incomplet par certains professionnels de la blockchain, le comité préconise toujours une semaine après le vote de MiCA d' : « agir afin que les règlementations européennes actuelles adaptent les définitions et  responsabilités des conservateurs, teneurs de registre, dépositaires dans le cadre de Blockchains. »

La nouvelle compétition mondiale : Europlace face à la City

D'autant que, comme dans la finance traditionnelle, l'ex-membre de l'UE, la City, ne compte pas laisser s'échapper son titre de capitale mondiale. Pour les crypto-actifs, et après ses offensives dans la fintech, elle compte aussi se positionner sur les technologies dites du "Web3" et de la finance décentralisée (DeFI).

« La domination de la Grande-Bretagne en matière d'investissement blockchain reflète notre position en matière d'investissement dans la fintech en général, avec 11,6 milliards de dollars d'investissements captés en 2021, soit plus que les six voisins européens combinés », revendique ainsi cette semaine Adam Jackson, directeur de Innovate Finance, cité par le média local City A.M.

Le directeur de cette entité britannique appelle aussi cette semaine à l'émergence d'une "vision forte de la part du gouvernement". Une promesse qui est pourtant loin d'être tenue. Outre-manche, la régulateur financier britannique, la FCA (Financial Conduct Authority) sévit régulièrement sur la vente et l'achat de crypto-actifs sur les nouvelles plateformes.

Garder la main sur la finance est un enjeu crucial pour le Royaume-Uni. La capitale britannique maintient son deuxième rang mondial du Global Financial Centres Index (GFCI) en mars 2022. Paris sort du Top 10, à la 11ème place (-1 place) de ce classement bi-annuel notant les places financières les plus compétitives. « Oui, Paris sera demain la première place financière d'Europe » , annonçait pourtant le ministre de l'Economie Bruno Le Maire en 2018, à six mois de l'entrée effective du Brexit.

Jeanne Dussueil

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Commentaire 1
à écrit le 26/03/2022 à 10:34
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Pas de votes populaires pas de souveraineté européenne, réveillez vous les apprentis dictateurs.

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