Le crowdfunding se dote enfin d’un cadre européen unique

Le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne se sont accordés, fin décembre, sur un règlement unique s'appliquant aux plateformes de financement participatif. Le texte vise à faciliter le développement d'acteurs paneuropéens et à renforcer la protection des investisseurs.
Juliette Raynal
Grâce à l'harmonisation prévue par ce règlement unique, une plateforme de crowdfunding pourra être agréée dans un pays, puis opérer dans n'importe quel autre pays membre, sans avoir à effectuer des démarches supplémentaires.
Grâce à l'harmonisation prévue par ce règlement unique, une plateforme de crowdfunding pourra être agréée dans un pays, puis opérer dans n'importe quel autre pays membre, sans avoir à effectuer des démarches supplémentaires. (Crédits : DR)

L'annonce est passée inaperçue, ou presque, mais elle pourrait avoir un impact certain pour le développement du financement participatif, qui consiste à collecter des fonds auprès d'un ensemble de contributeurs via une plateforme en ligne dans le but de financer un projet de manière directe. Le 18 décembre dernier, à la veille des vacances de Noël, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne se sont accordés sur un règlement unique s'appliquant aux plateformes de financement participatif, ou crowdfunding en anglais. Cet accord donne naissance au statut de European crowdfunding service providers, (ECSP), dix ans après l'apparition de cet écosystème, très fragmenté et en pleine mutation depuis quelques mois.

"C'est une avancée majeure pour les plateformes de prêt et d'investissement [les plateformes de dons ne sont pas concernées par cette réglementation, ndlr]. Aujourd'hui, il n'existe pas de système de passeport européen pour les plateformes de crowdfunding. Pour opérer dans un pays, il faut systématiquement effectuer des démarches auprès du régulateur local et faire face, parfois, à des règles contradictoires. Cela représente une complexité majeure", témoigne Olivier Goy, fondateur et directeur général de la plateforme de prêt October, unique acteur français à être présent dans cinq pays (France, Espagne, Italie, Pays-Bas et Allemagne).

Faciliter le développement de plateformes paneuropéennes

"Vers 2012, 2013, chaque État membre de l'Union européenne s'est doté de son propre cadre. En France, les statuts de CIP (conseiller en investissement participatif) et IFP (intermédiaire en financement participatif) sont entrés en vigueur en 2014. Mais il n'y a eu aucun alignement des réglementations selon les pays", atteste Jérémie Benmoussa, nouveau président de l'association Finance participative et cofondateur de la plateforme Fundimmo, spécialisée dans le crowdfunding immobilier et détenue depuis juillet dernier par la foncière Atland.

Concrètement, grâce à l'harmonisation prévue par ce règlement unique, une plateforme de crowdfunding pourra être agréée dans un pays, puis opérer dans n'importe quel autre pays membre, sans avoir à effectuer des démarches supplémentaires, tout en respectant des règles communes. "Grâce à la nouvelle réglementation, nous pourrons ouvrir notre plateforme aux investisseurs particuliers en Allemagne", projette Olivier Goy. Aujourd'hui, seuls les investisseurs institutionnels y ont accès en raison d'une réglementation incompatible.

Des règles communes pour protéger les épargnants

Ces règles communes visent notamment à renforcer la protection des investisseurs. La nouvelle réglementation fait ainsi la distinction entre investisseur sophistiqué et non-sophistiqué avec différents niveaux d'information et de protection. Les investisseurs non-sophistiqués seront ainsi soumis à un test de connaissance. Ils seront alertés sur les risques et devront explicitement les accepter. Par ailleurs, ils ne pourront pas financer un projet au-delà d'un seuil de 1.000 euros (contre 2.000 euros actuellement en France) ou de 5% de leurs actifs. Ces derniers bénéficieront également d'un délai de rétractation de quatre jours, qui n'existe pas aujourd'hui dans la réglementation tricolore.

Toutes les plateformes devront publier un document d'information sept jours avant la mise en ligne d'un projet qui rime avec le début de la collecte. En France, les plateformes d'investissement doivent déjà publier un Document d'information réglementaire synthétique (DIRS) présentant des informations sur la société porteuse du projet à financer et les risques liés à l'investissement. Toutefois, elles n'étaient pas contraintes par une temporalité spécifique.

Un plafond rabaissé à 5 millions d'euros

Le règlement, dont le vote est prévu au cours du premier trimestre 2020 et qui doit être assorti d'une période de transition de 12 mois pour les régulateurs locaux puis de six mois pour la mise en conformité des plateformes, établit également un montant maximum de collecte par projet à 5 millions d'euros.

"Cela représente une marche arrière pour les plateformes françaises qui venaient d'obtenir un rehaussement du plafond à 8 millions d'euros [contre 2,5 millions d'euros initialement, ndlr]", regrette Jérémie Benmoussa, dont la plateforme Fundimmo a récemment finalisé le cofinancement d'un projet à 6 millions d'euros. "Toutefois, cela n'aura pas d'impact sur le développement du crowdfunding en France, où le montant moyen d'une collecte se situe entre 600.000 et 700.000 euros, donc loin des 8 millions d'euros", relativise-t-il.

En revanche, cette baisse du plafond pourrait avoir "un impact sur la vitesse de développement de certaines branches du crowdfunding, comme l'immobilier et les énergies renouvelables", estime le président de l'association Finance participative. "Ce sont les deux branches les plus significatives en termes de collecte en 2018 et en 2019", note-t-il.


En guise de consolation, la nouvelle réglementation rend une diversification des sources de revenus possible. Jusqu'à présent, le chiffre d'affaires d'un conseiller en investissement participatif ne pouvait être généré que par les commissions prélevées sur les levées de fonds réalisées sur la plateforme en ligne. "Désormais, la nouvelle réglementation donne la possibilité de proposer des services annexes, comme des services de conseil pour les porteurs de projets ou des services de mise en relation avec une autre plateforme, et donc de se rémunérer en tant qu'apporteur d'affaires", souligne le président de Finance Participative.

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 07/01/2020 à 9:44
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Quel mot affreux !

à écrit le 07/01/2020 à 6:40
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Cela sent la taxation dans l'UE, une administration comme celle ci a besoin de récompenser "ses fidèles"!

à écrit le 06/01/2020 à 16:37
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Mais bon sang pourquoi encadrer un concept qui fonctionne bien ? Elle a pas assez de boulot de retard l'UE ? A savoir depuis sa création ? "Désormais, la nouvelle réglementation donne la possibilité de proposer des services annexes, comme des...

le 06/01/2020 à 23:06
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Faciliter le développement d'acteurs paneuropéens et renforcer la protection des investisseurs est effectivement une excellente initiative. Mais on ne peut pas plaire á tout le monde, hein ?

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