Eric Trappier (Gifas) : "la grande difficulté de l'aéronautique, c'est de sauver notre supply chain et nos PME"

PARIS AIR FORUM. L'impact de la Covid-19 sur les filières, la nécessité d'accélérer l'innovation, l'avancement des grands programmes d'armement tels le Scaf et Eurodrone, de même que la compétitivité des industriels du Vieux continent dans la course spatiale mondiale ont été au cœur d'une table ronde réunissant Eric Trappier, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) et PDG de Dassault Aviation et son homologue allemand Dirk Hoke, président de l'association allemande des industries spatiales BDLI et directeur général délégué d'Airbus Defence Space, lors de la septième édition du Paris Air Forum, organisée par La Tribune vendredi 20 novembre en format 100 % digital.

Avions cloués au sol, trafic en chute libre, commandes à la peine... depuis plusieurs mois, le secteur aéronautique est frappé de plein fouet par la crise de la Covid-19. "On est à moins 50 % de trafic aérien, ce qui touche bien sûr l'industrie aéronautique, qui a été obligée de réduire ses livraisons", compte tenu des difficultés auxquelles font face les compagnies aériennes, rappelle Eric Trappier, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAs) et PDG de Dassault Aviation. Si le GIFAS et les sociétés de l'aéronautique ont bâti avec l'État un plan assorti de mesures immédiates de chômage partiel pour conserver les compétences et pouvoir repartir, le chemin risque d'être long pour retrouver le niveau d'activité des années passées.

Sauver la supply chain

"La grande difficulté de l'industrie aéronautique, c'est de sauver notre supply chain, faite d'équipementiers et de PME implantées un peu partout dans les territoires. Là aussi, un fonds de soutien a été mis en place avec les grands industriels et l'État pour épauler ces sociétés en fonds propres et leur permettre de résister", a résumé le dirigeant du GIFAS.

Même chose outre-Rhin... "Nous avons reçu un soutien incroyable du gouvernement pour faire en sorte que la supply chain reste stable", a affirmé pour sa part Dirk Hoke, président de l'association allemande des industries spatiales BDLI et directeur général délégué d'Airbus Defence Space. Un soutien d'autant plus crucial que les petites entreprises du secteur éprouvent des difficultés à obtenir des financements auprès des banques. Et la situation n'est pas encore stabilisée. "Un soutien sera encore nécessaire dans les années qui viennent", a prévenu le patron de BDLI, qui estime qu'il est encore trop tôt pour chiffrer l'impact de la crise sur l'emploi, les mesures de chômage partiel étant toujours en place. Quant à l'impact sur l'emploi dans l'Hexagone, Eric Trappier avance : "Nous avons une baisse de charges d'à peu près 30 %. Cela touche 90.000 personnes. Avec le chômage partiel, nous pouvant sauver une partie des effectifs".

L'innovation comme horizon

Très touché, le secteur aéronautique a toutefois "conservé le moral - puisque nous avons l'œil sur l'horizon", assure Eric Trappier. Le Conseil pour la recherche aéronautique et civile (CORAC), notamment, devrait y jouer un rôle clé pour préparer l'avènement des technologies qui mèneront à une aviation décarbonée et connectée. Pour sortir renforcé de la crise, la numérisation du secteur est l'un des éléments fondamentaux de son développement.

"Le numérique est un levier indispensable pour l'ensemble de la profession", insiste le président du GIFAS, notant que l'innovation dans les algorithmes et l'intelligence artificielle n'est pas qu'une affaire de grands groupes, mais aussi de PME. Dirk Hoke, de son côté, souligne la nécessité d'investir dans l'innovation pour rester dans la compétition mondiale, face aux investissements chinois ou américains substantiels dans le digital. "Si nous ne faisons pas d'efforts supplémentaires, nous allons sortir de la crise en moins bonne posture qu'avant", martèle-t-il.

Eurodrone et SCAF, clés des décennies à venir

Autres clés de l'avenir, les grands projets d'armements du futur. La défense, d'ailleurs, "est beaucoup moins touchée par la crise", constate Eric Trappier, notamment grâce à des programmes dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), qui "permettent à beaucoup de sociétés du domaine de l'aéronautique de garder une certaine activité". L'une des ambitions de la LPM est justement de préparer l'avenir de l'aéronautique, grâce en particulier aux projets SCAF (Système de combat aérien du futur), et Eurodrone, un projet de drone MALE (Medium altitude, long endurance) qui devrait permettre de s'affranchir de la dépendance vis-à-vis des drones Reaper américains. Une perspective qui devrait mener à davantage de souveraineté et d'autonomie pour l'industrie de défense européenne... "Nous négocions l'offre industrielle depuis quelques mois. Nous sommes maintenant très proches du contrat, soutenu par quatre pays", (France, Allemagne, Italie, Espagne), indique Dirk Hoke.
 
Surtout, c'est le SCAF qui structurera la coopération européenne dans les décennies à venir. Ce système des systèmes dont la pièce maîtresse sera un avion de nouvelle génération sur lequel planchent Airbus et Dassault, devrait voir le jour d'ici à 2040. Annoncé en 2017, ce projet réunissant Paris, Berlin et Madrid, entre aujourd'hui "dans une phase critique", analyse Eric Trappier. "Des progrès ont été faits en assez peu de temps. Nous avons démarré les études pour les démonstrateurs. Cela se passe bien, nous coopérerons malgré la pandémie", assure le PDG de Dassault Aviation. Le défi est désormais de "passer de l'étude papier à un lancement effectif des démonstrateurs" et "d'ancrer cette coopération pour qu'elle prenne un chemin irréversible". Compte tenu du calendrier électoral allemand, le temps presse : pour aller vite, l'un des enjeux sera d'obtenir le feu vert du Bundestag au printemps...

Investir plus fortement dans le spatial

Enfin, autre pilier de la souveraineté européenne, l'industrie spatiale, qui accuse un retard dans le développement d'Ariane 6, tandis que son lanceur Vega vient de subir un nouvel échec de lancement. Comment s'en sortir ? "Dans le domaine de l'espace plus encore que dans l'aéronautique, la Chine fait des progrès remarquables", remarque Eric Trappier, tandis que les acteurs américains comme SpaceX, épaulés par la Nasa et le Darpa, investissent "des sommes colossales" dans le secteur.

Dans cette course mondiale, investir dans l'industrie européenne de l'espace est crucial. "L'espace est fondamental et il faut que l'Europe fasse encore plus d'efforts et investisse avec l'ensemble des pays pour être capable de maintenir sa souveraineté dans le domaine", conclut Eric Trappier.

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Commentaires 3
à écrit le 22/11/2020 à 13:30
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si vous n'aviez pas mis toute votre production à l'extérieur dans les années 90 aujourd'hui vous ne pleureriez pas!!!!

à écrit le 22/11/2020 à 13:30
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si vous n'aviez pas mis toute votre production à l'extérieur dans les années 90 aujourd'hui vous ne pleureriez pas!!!!

à écrit le 21/11/2020 à 0:30
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Les dupont et dupond germano-france vont prendre cher sur l'avion ou le système aérien de combat du futur face à l'équipage anglo-italien.

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