Le F-35 atterrit en Allemagne, le SCAF va-t-il enfin décoller en Europe ?

Selon nos informations, Dassault Aviation et Airbus sont "très, très proches sur le fond" concernant la phase 1B du SCAF. D'autant que c'est bien le constructeur du Rafale qui concevra les commandes de vol du futur démonstrateur. Airbus veut toutefois clarifier l'état d'esprit de la coopération entre les deux groupes avant de signer le contrat de la phase 1B.
Michel Cabirol
Chez Airbus, on assure que le groupe a montré une grande volonté d'aboutir et une grande flexibilité dans ces discussions sur le SCAF (Système de combat aérien du futur), un programme lancé par l'Allemagne, l'Espagne et la France.
Chez Airbus, on assure que le groupe a "montré une grande volonté d'aboutir et une grande flexibilité dans ces discussions" sur le SCAF (Système de combat aérien du futur), un programme lancé par l'Allemagne, l'Espagne et la France. (Crédits : Dassault Aviation / Loan Charleau)

Face au F-35 et, au-delà, la volonté hégémonique américaine d'inonder le marché européen, la seule alternative souveraine est et reste un programme européen en matière d'aviation de combat. C'est d'autant plus vrai après le choix de l'Allemagne d'acquérir le F-35 pour assurer ses missions nucléaires dans le cadre de l'OTAN. Elle doit désormais montrer son attachement au SCAF (Système de combat aérien du futur) lancé par Berlin, Madrid et Paris. Ce programme est pour l'heure la seule alternative crédible à cette hégémonie américaine envahissante et invasive, qui est extrêmement dangereuse pour l'autonomie stratégique à laquelle l'Europe a enfin pris conscience de façon brutale à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le nœud coulant américain

Car le F-35 n'est pas seulement un avion de combat - peu importe d'ailleurs s'il a de très nombreux bugs -, il est surtout un système de systèmes doté d'un cloud de combat, qui est déjà la clé de toute l'interopérabilité nécessaire entre les armées alliées. C'est par ce moyen numérique fermé que les Etats-Unis souhaitent dominer et contrôler leurs alliés. Une chose est sûre, ils ne s'en priveront pas. D'ailleurs le nœud coulant que les Américains ont passé autour du cou de certains pays dociles et/ou naïfs avec le F-35 va se serrer plus fort très rapidement. Ainsi, les Américains sont en train de développer un cloud de combat américano-américain, baptisé Joint All Domain Command and Control (JADC2). Ce programme va connecter tous les capteurs des plateformes américaines des armées américaines (Air Force, Army, Marine Corps, Navy et Space Force) dans un seul réseau.

Une première étape avant de demander à tous leurs alliés utilisant des équipements américains ou participant à des coalitions de se connecter sur ce réseau évidemment contrôlé par les Etats-Unis. L'Allemagne va devenir le dixième pays d'Europe à se doter du F-35 (Belgique, Danemark, Finlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni et Suisse). Sept d'entre eux sont également membres de l'Union européenne. Ainsi, le JADC2 risque de devenir un standard OTAN, puis un standard qu'ils imposeront à tous leurs alliés.

Au-delà de l'aviation de combat, se joue donc à travers de grands programmes de défense européens comme le SCAF notamment, l'autonomie tactique et stratégique de l'Europe. Les grands pays européens doivent lancer de façon urgente le développement d'un cloud de combat pour conserver une autonomie dans leurs prises de décision. Et seul un cloud de combat "Made in Europe" le lui permettra. D'où l'importance du SCAF, système de systèmes, doté d'un cloud de combat européen utilisé par tous les pays membres du programme, pour contrebalancer la volonté hégémonique des Américains.

Le lancement du SCAF apparaît donc comme une nécessité pour la France même si elle peut encore compter sur le savoir-faire extraordinaire de Dassault Aviation, un des rares avionneurs au niveau mondial et le seul en Europe à pouvoir développer et concevoir un avion de combat en solo avec tous ses partenaires. D'ailleurs la réussite insolente du Rafale à l'exportation depuis sept ans confirme les compétences de l'avionneur, qui pourrait une nouvelle fois développer seul un nouvel avion de combat. Mais ce n'est plus vraiment la question si on se projette en 2040/2050. "Il n'y a pas de plan B ayant la même ambition d'indépendance et de souveraineté européenne que le SCAF", estime un observateur proche du dossier. Car le combat aérien devrait être à l'horizon de 2040 totalement collaboratif.

Le F-35 est donc bien la première brique numérique du nœud coulant que les Etats-Unis préparent pour leurs alliés. Cet appareil est conçu sur une architecture fermée interdisant toute interopérabilité avec des systèmes de combat alliés. Ce qui est d'ailleurs absolument contraire aux principes de l'OTAN. La ministre des Armées Florence Parly avait chambré les Etats-Unis en mars 2019 en assénant que "la clause de solidarité de l'OTAN s'appelle l'article 5, pas l'article F-35". Mais aujourd'hui la France ne peut plus rester isolée après le Rafale.

SCAF, incompréhensions entre Dassault et Airbus

Où en est le programme SCAF ? La notification de la phase 1B, qui correspond aux études détaillées en vue d'aboutir à la définition d'un démonstrateur (phase 2), semble aujourd'hui bloquée au niveau industriel. Selon Dassault Aviation, ce contrat devait être signé en septembre 2021, puis avant la fin de l'année. Les deux partenaires majeurs du pilier 1 du SCAF (avion de combat ou NGF), Dassault Aviation, en tant que maître d'oeuvre, et Airbus, sont pourtant "très, très proches sur le fond" en vue d'une signature du contrat de la phase 1B, assure-t-on chez l'avionneur européen. Un Airbus qui a été cueilli à froid début mars lors de la publication des résultats du constructeur du Rafale par les déclarations sèches du PDG de Dassault Aviation Eric Trappier : "On a fait tout ce qu'il fallait pour pouvoir signer avec Airbus. J'attends la signature d'Airbus", avait-il alors lancé.

"J'accepte d'être leader que si j'ai des leviers pour être leader. Si c'est pour faire du co-co-co puisqu'on est trois maintenant, je ne le ferai pas parce que ce serait mentir à nos forces armées que d'être capable de faire quelque chose en co-développement sans leader, et de leur assurer une performance, un délai et un coût. Donc on bute un peu là-dessus semble-t-il", avait regretté le PDG de Dassault Aviation.

Chez Airbus, on assure que le groupe a "montré une grande volonté d'aboutir et une grande flexibilité dans ces discussions". Notamment au sein de l'avionneur européen "on ne remet pas en cause ni le leadership de Dassault sur le NGF", ni ne souhaite affaiblir les capacités d'architecte programme de l'avionneur. Il ne remet pas non plus en cause, selon nos informations, le développement des commandes de vol du démonstrateur par le constructeur du Rafale. "Mais ce leadership doit s'exercer dans une logique de coopération", indique-t-on au sein du groupe européen. Qu'est-ce que cela veut dire ? "On veut dire que le sujet n'est pas tant ce qu'il reste à négocier. Le sujet, c'est l'état d'esprit. Qu'est-ce qu'on appelle une logique de coopération ? Pas de boîte noire, pas de duplication et pas de ségrégation excessive", explique-t-on chez Airbus.

Dans ce cadre, l'avionneur européen demande à Dassault Aviation d'avoir une visibilité sur l'ensemble des travaux du pilier 1 pour mieux comprendre le comportement du démonstrateur et d'apporter ses compétences. "Cette visibilité entre les partenaires industriels est nécessaire pour avoir une efficacité collective, qui est basée sur des responsabilités claires avec des leaderships clairs. L'efficacité collective est le contraire d'un travail en silo dans les différents 'works packages' qui ont été partagés entre les différents partenaires", précise-t-on chez Airbus. Très clairement, le blocage vient d'une différence d'appréciation et d'une différence de culture sur ce qu'est une coopération entre les deux industriels. Si proche mais si loin d'un accord...

Michel Cabirol

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Commentaires 24
à écrit le 16/03/2022 à 21:23
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Céla changera absolument rien avec une attaque sur la piste d'atterir aucun f-35 ne decolera pas.

à écrit le 16/03/2022 à 18:29
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Je ne comprends pas le choix des pays européens qui ont choisi le f35 américain alors qu il n'a jamais été en opération et donc il n a rien prouvé sur un théâtre de guerre alors que le rafale lui a fait largement ses preuves en Syrie en Irak en Libye...

à écrit le 16/03/2022 à 17:16
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j invite tout les lecteurs a faire un tour sur "air$cosmos " pour avoir la version sur le f35 cet avion est fait pour l emport de la bombe B-61 nucleaire au sein de l otan les américains ne veulent pas d autres avions autre que usa pour cela .

à écrit le 16/03/2022 à 14:12
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L'article oublie le plus important: le renseignement américain sans lequel nos excellents Rafales naviguent à vue. Le cloud US en rajoute une couche, mais c'est secondaire. L'Europe ne dispose d'aucun renseignement comparable non plus. Et nos bruxell...

à écrit le 16/03/2022 à 13:23
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Bonjour, Le F35 s'est juste pour le bouclier américains, mais après le réarmement.... l'Allemagne devrait voir les choses d'un autre regards..... Surtout que les milliards perdu dans le nords Steam 2 , s'est du a l'expensionisme américains en Europ...

à écrit le 16/03/2022 à 10:40
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"Darmanin dit aller en Corse avec "l'esprit ouvert"" Serait il le zelensky de la france ? il veut faire de la corse une nouvelle ukraine ?

le 16/03/2022 à 12:55
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"une nouvelle ukraine ? " au contraire, vous êtes autonomes, débrouillen Sie sich ! Entre les autonomiste et les nationalistes ça sera le combat, mais en interne, donc leur problème. :-) De nombreux casinos fleuriront, un moyen pour engranger de l'ar...

à écrit le 16/03/2022 à 10:31
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Les allemands préfèrent le parapluie américains a la décadence industrielle est économique de la France, et ils ont comme objectif être la première puissance européenne ou va se cristalliser tous les autres pays, la France par ses déficits et sa déch...

le 16/03/2022 à 12:22
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Tu rigoles quelle puissante Allemagne avec une territoire de 350k kilometres carées.

à écrit le 16/03/2022 à 10:26
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Où en est l'Espagne de son choix du F-35? Une acquisition qui mettra ses finances à sec. L'Espagne joue à un double jeu: cherche à gagner du travail et de nouvelles compétences pour Indra (en participant au SCAF), tout en reportant sa décision d'ac...

le 16/03/2022 à 12:58
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Si le nouvel appareil sort dans 15 ans, et le F-35 dispo, faut-il attendre ? Va-t-on attendre qu'une voiture à pile à combustible soit à un prix abordable pour remplacer notre vieux diesel qui a 20 ans ? Non. L'ennui est qu'en cas de besoin, les US d...

à écrit le 16/03/2022 à 10:25
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Où en est l'Espagne de son choix du F-35? Une acquisition qui mettra ses finances à sec. L'Espagne joue à un double jeu: cherche à gagner du travail et de nouvelles compétences pour Indra (en participant au SCAF), tout en reportant sa décision d'ac...

à écrit le 16/03/2022 à 10:13
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" C'est par ce moyen numérique fermé que les Etats-Unis souhaitent dominer et contrôler leurs alliés" Là vous faites fausse route... a dessein pour le narratif nationaliste, patriote et tout le tsouin tsouin mais la réalité est tout autre... C'...

le 16/03/2022 à 10:57
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Analyse contradictoire intéressante à lire. Ça replace un peu Sag.A au centre de la voie lactée, mais pas complétement. Que les français s'imaginent faire grandir l'Europe "derrière" leur grandeur, en argumentant sans cesse contre les méchants ric...

le 16/03/2022 à 23:46
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Merci mon frère,les Français se voient supérieur en matière de haute technologie que les allemands,hors ils se trompent sur toutes les lignes. Et puis ils n'ont même pas de l'argent. Ils veulent prendre devant. Même les Maliens les ont chassé,ils ...

à écrit le 16/03/2022 à 9:55
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La vraie question est de savoir s'il faut un scaf ou des drones tueurs ? Actuellement dans les conflit il n'y a pas de guerre aérienne au sens affrontement de 2 armées de l'air. Il y a un puissant et un faible qui fait ce qu'il peut. Le seul ca...

le 16/03/2022 à 12:51
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Je suis presque entièrement d'accord avec vous. Il suffit de voir l'Ukraine, les russes ne parviennent pas totalement a régner dans le ciel, a cause justement des s300 qui trainent encore, et envoient désormais des avions-drones-kamikazes pour faire ...

à écrit le 16/03/2022 à 9:29
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La France a t elle la volonté de partager avec l'Allemagne ses vecteurs nucléaires ? Non. Le F35 est là pour longtemps.

à écrit le 16/03/2022 à 9:00
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En tout cas l'avantage numéro un de cet avion c'est qu'il est totalement invisible ! ^^

à écrit le 16/03/2022 à 9:00
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"C'est par ce moyen numérique fermé que les Etats-Unis souhaitent dominer et contrôler leurs alliés. Une chose est sûre, ils ne s'en priveront pas. D'ailleurs le nœud coulant que les Américains ont passé autour du cou de certains pays dociles et/ou n...

à écrit le 16/03/2022 à 8:49
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Les allemands ont déjà saboté le projet. Dassault doit faire cavalier seul sans les otanisés

à écrit le 16/03/2022 à 8:39
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Airbus: "avoir une visibilité sur l'ensemble des travaux du pilier 1 pour mieux comprendre le comportement du démonstrateur et d'apporter ses compétences". M. Cabirol, mieux comprendre le comportement du démonstrateur, cela signifie juste avoir accè...

à écrit le 16/03/2022 à 7:53
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construire l'europe il faut etre solidaire et l'allemagne pour le moment joue le role. du traitre de l'egoiste du profiteur mais pas du partenaire il suffit de comprendre les anglais ou de voir la grece etrangle et personne n'a le courage de le...

à écrit le 16/03/2022 à 7:52
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construire l'europe il faut etre solidaire et l'allemagne pour le moment joue le role. du traitre de l'egoiste du profiteur et personne n'a le courage de les remettre a leur place

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